Accueil > Le Rail > Industrie > Les carrières et les chemins de fer

Les carrières et les chemins de fer

C. Lokker.

mercredi 1er août 2012, par rixke

Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]

Deux partenaires économiques qui doivent s’épauler

 Les points communs

Pour limiter d’emblée le sujet de notre propos, disons que, dans notre « jargon » ferroviaire, l’expression « produits de carrières » englobe la totalité des roches exploitées (pierres, sables, argiles...) à l’exception des combustibles liquides et solides (pétrole et dérivés, houille, lignite, coke...) et des minerais. Ainsi définis, les produits de carrières correspondent à la production d’un important secteur industriel qui possède avec l’activité de notre société des liens d’interdépendance très intéressants.

Les carrières constituent avant tout un client digne de considération.

Importance relative en % du trafic des produits de carrières dans le trafic total (année 1961)
Grands trafics Tonnage Tonnage kilométrique Recettes
Intérieur 15,5 17,2 14,9
Exportation 24,7 23,1 15,7
Importation 2,1 1,3 2,6
Transit 0,6 0,7 0,8
Total 11,1 8,2 8,9

En valeur absolue, ce trafic offre, en ce qui concerne les tonnages et les recettes, des chiffres proches respectivement de sept millions et du demi-milliard. Inversement, notre société se présente comme une cliente d’importance : en moyenne, pour les cinq dernières années, nous consommons 362.000 t/an de pierres concassées et de sables. Autant dire que la santé économique de l’un des partenaires concerne directement celle de l’autre.

Les efforts de concentration et de rationalisation déployés par les carrières peuvent être épaulés par une politique appropriée de la société, qui, sur les plans tarifaire et matériel, est apte à favoriser les courants massifs de transport et à élargir les marchés, d’autant plus que les productions belges sont généralement de haute qualité.

En conséquence, nous verrons quels sont nos soucis afin de mériter la confiance de cette importante clientèle, comment nous voyons la possibilité d’accroître une collaboration déjà très bonne, et pourquoi les prochaines années seront, grâce au dynamisme des deux partenaires, très fructueuses.

Mais avant d’aborder les chapitres à caractère essentiellement pratique, nous nous devons, par égard à un partenaire aussi vieux que le monde, de faire une courte incursion dans le domaine de la vie des roches et de la géologie. Cela nous permettra, en plus d’éveiller une saine curiosité intellectuelle, de mieux comprendre certains aspects plus prosaïques de la question.

 L’origine et la vie des roches

On peut accepter aujourd’hui, dans les grandes lignes, que les planètes de notre système solaire, dont la Terre, résultent d’une sorte de condensation d’un nuage de poussières et de gaz qui gravitait autour du soleil. Dès qu’une planète atteignait une certaine masse, les éléments radioactifs qui la constituaient se désintégraient, avec dégagement de chaleur et fusion des matières.

Cette fusion a débuté, en ce qui concerne la Terre, il y a quatre à cinq milliards d’années. Les matières légères qui constituèrent finalement la surface extérieure (le terrain primitif) ont été bouleversées au cours des âges.

Aujourd’hui, le paysage qui nous environne est constitué essentiellement par les roches sédimentaires, qui résultent de la destruction des roches du terrain primitif, et très partiellement par les roches d’origine magmatique qui ont percé cette enveloppe. C’est ainsi qu’actuellement tant les montagnes que les plaines sont constituées de roches sédimentaires, à la seule différence qu’elles sont plissées dans le premier cas.

Bien qu’imperceptiblement le plus souvent, les roches continuent à vivre, c’est-à-dire à se désagréger ou à s’assembler pour former des roches nouvelles sous l’effet de nombreux phénomènes, dont l’érosion, les mouvements internes de la Terre et même la vie végétale et animale qui s’est développée sur sa surface.

Les roches cristallines (basalte, porphyre, granité) apportées par le magma interne se détruisent pour former les argiles et les sables. Les argiles deviennent à leur tour des schistes et des mica-schistes, le sable devient du grès. Ces roches peuvent redevenir meubles sous l’effet de l’érosion comme elles peuvent atteindre le stade cristallin original. La vie végétale et animale a, de son côté, provoqué un regroupement du carbone et du calcaire, éléments que nous retrouvons à tous les stades depuis l’aspect pulvérulent jusqu’à la contexture la plus dure (marbre, anthracite).

La Belgique possède des richesses géologiques importantes et variées. Du fait du flux et du reflux des mers et des plissements, l’aspect de notre pays a varié au cours des âges. Les richesses exploitables étant concentrées dans les roches les plus vieilles, nous les retrouvons essentiellement dans les cassures et les deltas des anciens massifs et principalement dans le sillon Haine-Sambre-et-Meuse. Par contre, les terrains récents qui constituent les Flandres et la plaine maritime ont peu de chose à nous offrir. Toutes les roches exploitées en Belgique sont sédimentaires (sables, calcaires, argiles, schistes), sauf le porphyre, qui résulte d’une intrusion de magma, il y a 400 millions d’années de cela.

Ceci constitue d’ailleurs pratiquement la seule générosité du magma à notre égard, car il ne nous a gratifiés d’aucun filon métallifère digne d’intérêt.

 Localisation, exploitation et débouchés des principales roches exploitées en Belgique

A. Roches siliceuses et silicatées consolidées.

1. LE PORPHYRE.

Le porphyre est une roche magmatique ; elle résulte de la cristallisation d’une intrusion de minéraux en fusion chargés de gaz et de vapeur d’eau dans les couches superficielles.

Il affleure au sud du vieux massif du Brabant et est exploité à Quenast, Lessines et Bierghes. De nombreux sondages ont permis de le repérer en profondeur dans le sud de la Flandre. Tout laisserait donc supposer que nous exploitons présentement les sommets d’une masse qui s’étend sous une partie importante du sous-sol et dont la base se perd dans les profondeurs de la terre. La teinte de la roche est verdâtre, bleuâtre, parfois violacée. Sa densité est de 2,72 et sa résistance à la compression dépasse 2.800 kg/cm2.

Nous sommes donc en présence d’une roche de haute qualité dont les réserves paraissent quasi illimitées, ce dont nous devons nous réjouir vu l’excellence de nos rapports avec les exploitants des carrières de porphyre.

Les carrières exploitées d’une manière intensive et rationnelle bénéficient d’une mécanisation très poussée. L’exploitation s’effectue comme suit :

  • Les terres de couvertures déposées par les anciennes mers sont enlevées. Elles fournissent des schistes et une excellente argile acheminée par chemin de fer vers une importante cimenterie, située à Obourg ;
  • La roche mise à nu est débitée en vastes terrasses concentriques. Dès qu’un niveau d’exploitation atteint une certaine surface, on en creuse un second, et ainsi de suite. Ainsi, l’ensemble de la carrière prend l’aspect d’un vaste amphithéâtre aux proportions cyclopéennes. C’est ainsi que le principal siège d’exploitation à Quenast a une superficie de 50 ha et atteint une profondeur de 120 m ;
  • Les divers niveaux d’exploitation sont reliés par des plans inclinés permettant une évacuation rationnelle des roches débitées vers les concasseurs, les installations de stockage et les aires de chargement ;
  • Les raccordements ferroviaires sont conçus de manière à permettre le chargement accéléré à la fois au départ des stocks des divers genres de produits et au fil de la production.

Jadis, la production était essentiellement orientée vers la confection des pavés, qui constituent encore, en Belgique et dans le nord de la France, le charme de certaines courses cyclistes.

Carrières de porphyre à Lessines

Depuis, le débouché essentiel, et de loin, sont les concassés destinés à l’assiette et au recouvrement des routes, au bétonnage des ouvrages d’art, à la confection des bétons de haute résistance et au ballast de chemin de fer.

La confection de moellons est demeurée longtemps une activité secondaire. Cette situation s’est aussi modifiée depuis que les travaux à Ymuiden leur ont ouvert un débouché considérable : la S.N.C.B. évacue journellement, quel que soit le temps, un train complet de moellons de porphyre vers la Hollande pour alimenter ces travaux.

Les statistiques ci-après montrent que l’activité des carrières de porphyre est soutenue et même traduit une tendance nette de développement.

(EN TONNES)

{{}} Moellons Concassés Pavés et mosaïques Total Indice
1953 114.000 [1] 2.707.000 41.000 2.862.000 100
1954 4.000 2.938.000 41.000 2.983.000 104,2
1955 3.000 3.152.000 37.000 3.192.000 111,5
1956 5.000 4.040.000 21.000 4.066.000 142,1 [2]
1957 3.000 4.061.000 21.000 4.085.000 142,7 [3]
1958 3.000 3.516.000 13.000 3.532.000 123,4
1959 9.000 3.562.000 10.000 3.581.000 125,1
1960 16.000 3.125.000 9.000 3.150.000 110,1
1961 141.000 3.215.000 5.000 3.361.000 117,4

2. LE GRES.

Le grès, appelé également quartzite, est une roche dans laquelle le ciment (silice) s’est recristallisé par métamorphisme autour des grains de quartz primitifs. L’élément calcaire en est absent. La roche présente un aspect vert bleuâtre, parfois violacé, et, dans la mesure où le métamorphisme a agi pleinement, ce matériau possède une résistance à l’écrasement dépassant 2.500 kg/cm2.

Le grès se rencontre en abondance dans les vieux terrains de la haute Ardenne et des massifs primitifs. On le retrouve aussi dans des terrains secondaires et même tertiaires en intercalations dans les couches sableuses.

Sauf exceptions peu nombreuses, les carrières sont généralement de grandeur moyenne, même d’importance économique locale et souvent éloignées des grands marchés. Les carrières importantes se localisent en certains endroits où les bancs de quartzites atteignent de 12 à 100 m d’épaisseur, conditions qui permettent une exploitation moderne et l’obtention d’un prix de revient économique.

A Dongelberg, en bordure est de l’ancien massif cambrien du Brabant, une carrière non raccordée produit la roche réputée la plus dure du pays.

Le trafic par chemin de fer est principalement alimenté par les carrières :

  • de la région d’Yvoir (psammites - grès vert) ;
  • de Dorinne-Durnal, Purnode, Spontin, desservies par la gare de Ciney ;
  • de Tailfer et Dave, desservies par la gare de Lustin ;
  • de la région de l’Ourthe et de l’Amblève, où sont situées les principales carrières et que desservent nos gares de Rivage, Poulseur, Comblain-au-Pont et Aywaille.

Les grès peuvent être utilisés à la confection de pavés, mais cette activité a sensiblement décru en importance. L’activité essentielle est devenue la confection des moellons bruts et des concassés utilisés pour la fabrication des bétons et comme ballast pour chemin de fer.

La dispersion des exploitations rend la vie économique du grès relativement précaire, notamment vis-à-vis des puissantes carrières de porphyre, qui, avec quatre sièges d’exploitation, arrivent à une production triple de la leur.

Ci-après, nous donnons la statistique des productions :

(EN TONNES)

{{}} Moellons bruts Concassés Pavés et mosaïques Divers Total Indice
1953 104.004 1.032.000 16.572 47.460 1.200.036 100
1954 94.596 876.000 17.232 50.100 1.037.928 86,5
1955 107.796 900.000 19.152 55.512 1.082.460 90,2
1956 223.572 1.008.000 12.588 65.220 1.309.380 109,1
1957 277.428 1.020.000 10.632 77.220 1.385.280 115,4
1958 253.248 780.000 15.792 75.048 1.124.088 93,7
1959 219.972 982.000 22.992 72.502 1.297.466 108,1
1960 235.236 888.000 17.782 77.940 1.218.958 101,6
1961 290.906 846.267 10.651 81.614 1.229.438 102,5

La production de moellons est appelée à croître vu les débouchés offerts par les Pays-Bas et la liaison régulière assurée par trains complets entre Poulseur et Ymuiden.

B. Roches carbonatées.

Les roches carbonatées sont très répandues dans le Hainaut, la Hesbaye, le Condroz et le Luxembourg, où elles constituent le témoignage des anciennes mers qui encerclaient nos massifs primaires. Elles sont constituées essentiellement de carbonate de calcium et offrent une gamme très étendue de variétés qu’arbitrairement nous classifions ci-après en grandes catégories en fonction de leur dureté. Beaucoup de calcaires à l’origine friables et poreux (tuffeaux) se sont fortement cimentés par la calcite provenant de la précipitation et de la cristallisation du carbonate de calcium dissous dans les eaux marines.

Dans notre pays, nous possédons une magnifique gamme de roches carbonatées allant de la craie au marbre. Et ces roches sont tellement bien apparentées que l’on pourrait longuement méditer sur le triste sort d’admirables déesses de marbre qui, dans les îles grecques, ont vu leurs destinées aboutir en chaux pour la construction et le blanchissage de misérables habitations humaines.

1. LA CRAIE.

La craie est une roche sédimentaire du système crétacique qui provient de la vase calcaire déposée par d’innombrables petits débris d’organismes qui peuplaient autrefois les lagunes des régions de Mons et de Liège. La teneur en carbonate pur peut atteindre 98,5 %.

Les carrières de craie sont exploitées de manière intensive et l’importance des gisements a permis d’établir de puissantes cimenteries de Portland artificiel, qui ont fait de notre pays un des principaux producteurs de ciment du monde (Obourg, Thieu, Harmignies, Cronfestu, la région de Visé). La production de craie, qui dépasse largement les quatre millions de tonnes par an, est presque entièrement absorbée par les cimenteries dont les carrières dépendent.

Certaines craies peuvent être utilisées à d’autres fins : industries chimiques, matières de charge et pigments, alimentation du bétail...

A Cipiy, près de Mons, on exploite encore la craie phosphatée.

Les crayères alimentent directement les cimenteries, de sorte qu’elles n’offrent en elles-mêmes qu’un faible potentiel de transport. Néanmoins, des tonnages très importants, destinés tant à la consommation intérieure qu’à l’exportation, sont confiés au chemin de fer au départ des gares d’Harmignies, de Frameries, de Bassenge et d’Hyon-Ciply. Signalons encore l’existence des tuffeaux :

  • de Maastricht, calcaire grenu et jaunâtre, extrait au nord de la vallée du Geer, utilisé localement en construction et comme fondant en verrerie et métallurgie ;
  • et de Lincent, utilisés comme pierre réfractaire légère.

2. LES CALCAIRES JAUNATRES MI-DURS.

Les importants gisements jurassiques de Lorraine ne sont représentés en Belgique que par une petite carrière d’importance locale à Grandcourt.

Les terrains jurassiques de la Gaume contiennent des gisements de calcaires sableux (Orval et Florenville), qui font vivre des carrières d’importance locale.

3. LES CALCAIRES DURS.

Ces calcaires se retrouvent dans les terrains de l’ère paléozoïque, et il est courant qu’une même carrière exploite à divers étages des calcaires très variés.

a) Les calcaires purs.

Les calcaires peuvent être considérés comme purs lorsque la teneur en carbonate de calcium atteint 95 %.

Ils sont généralement concassés et utilisés comme fondant en verrerie et sidérurgie (castines) ou broyés pour être employés dans les industries chimiques et les sucreries. Dans ce dernier cas, la teneur en CaCO3 doit atteindre 98 %.

Cette roche, dont les réserves sont déjà largement entamées, affleure dans le sillon Sambre-Meuse et se retrouve aussi à Gourdinne, Frasnes et Chimay.

Les principaux points de chargement sont les gares de Biesmerée, Pâturages, Boussu-en-Fagnes, Landelies, Gourdinne, Cour-sur-Heure, Engis, Andenne-Seilles.

b) Les pierres à chaux.

Il faut environ 1,7 à 1,8 tonne de pierres calcaires pour fabriquer une tonne de chaux.

PRODUCTION DE PIERRES CALCAIRES ET DE CHAUX

{{}} Calcaires t Indice Chaux t Indice
1953 1.966.000 100,0 1.500.000 100,0
1954 1.752.000 89,1 1.560.000 104,0
1955 1.776.000 90,3 1.812.000 120,8
1956 2.208.000 112,3 1.848.000 123,2
1957 2.244.000 114,1 1.908.000 127,2
1958 2.868.000 145,9 1.764.000 117,6
1959 3.384.000 172,1 1.776.000 118,4
1960 3.780.000 192,3 1.932.000 128,8
1961 4.857.000 247,0 1.923.000 128,2

Certains calcaires argilo-siliceux étaient jadis transformés en ciment, mais cette activité, autrefois florissante dans le Tournaisis, a aujourd’hui disparu au profit du ciment Portland artificiel.

Les pierres à chaux sont exploitées dans de nombreuses régions du pays, à savoir la région de Tournai/Antoing, les vallées de la Sambre, de la Meuse, de la Méhaigne, de la Vesdre...

La production est essentiellement orientée vers la chaux grasse destinée à la sidérurgie, à l’industrie chimique. En construction, on utilise les chaux grasses et les chaux maigres. La chaux destinée à l’agriculture représente une part relativement faible par rapport à la consommation de la sidérurgie de l’U.E.B.L.

Les chaufourniers constituent une clientèle très importante pour la S.N.C.B. et possèdent d’ailleurs un parc très important de wagons de particuliers, généralement à déchargement automatique.

Les gares desservant les principaux producteurs de chaux et pierres calcaires sont : Andenne-Seilles, Aisemont, Jemelle, Marchienne-Zone, Hermalle-sous-Huy, Namur, Montignies-le-Tilleul, Moha, Ampsin, Namèche, Saint-Servais, Warnant, Ciney, Bouffioulx, Gerpinnes, Franière, Havinnes, Onoz-Spy, Vaulx, Antoing, Cour-sur-Heure.

c) Le petit granit.

Mettons d’abord les choses au point : il n’y a pas de granit en Belgique. Cette roche est d’origine magmatique, et la roche que l’on dénomme « petit granit » et que l’on exploite chez nous n’est autre qu’un calcaire sédimentaire. La roche résulte d’une accumulation de débris organiques (crinoïdes) que le métamorphisme a recristallisés en calcite. Elle est noirâtre, se prête au polissage et prend alors une patine gris bleuâtre. Jadis, lorsque la pierre de taille était à l’honneur, le « petit granit » a connu son âge d’or, et l’on peut admirer, notamment à Mons, la beauté du mariage de cette pierre avec la brique.

Les gisements du Hainaut (Maffle, Soignies, Ecaussinnes) sont réguliers et permettent une exploitation facile et massive. L’exploitation est moins aisée en Condroz.

Les grands centres d’expédition sont évidemment dans le Hainaut, desservis essentiellement par les gares de Soignies, d’Ecaussinnes-Carrières, de Marche-lez-Ecaussinnes et de Neufvilles ; pour la région Ourthe-Amblève, la desserte se fait par les gares de Poulseur et Rivage.

Les débouchés nobles du « petit granit » ayant diminué d’une manière regrettable, les carrières doivent s’orienter vers le concassage, sort immérité pour une pierre de cette beauté.

La statistique ci-après illustre les difficultés de cette industrie :

PETIT GRANIT EXTRAIT (en m³)

{{}} {{}} Indice
1953 195.348 100,0
1954 147.228 75,4
1955 145.920 74,7
1956 130.872 67,0
1957 131.208 67,2
1958 108.972 55,8
1959 121.332 62,1
1960 171.528 87,8
1961 204.246 104,6
d) Le marbre.

Nous nous arrêtons quelques instants sur ce client modeste du chemin de fer, car il ne s’agit pas ici d’une production de masse, mais il fallait dire que certains types de marbres belges présentent des qualités simplement merveilleuses.

Les marbres noirs, calcaire homogène à pâte très fine, sont extraits dans les carrières de Mazy et de Rhisnes.

Le marbre bleu, qui en fait est noir mais traversé de veines de calcite blanche, se trouve à Bioul et Fontaine-l’Evêque.

Le marbre rouge provenant des récifs de nos anciennes mers chaudes est exploité à Neuville, Philippeville. D’autres marbres sont encore extraits à La Buissière, Villers-Poterie, Biesme (marbre Sainte-Anne) et Lustin (marbre vert gris Napoléon).

Enfin, disons que le petit granit poli, principalement celui du Condroz, donne un marbre foncé.

e) La dolomie.

Avec la dolomie, nous rejoignons les roches exploitées à des fins industrielles. Elle provient d’une altération de la roche calcaire où le magnésium s’est substitué partiellement au calcium pour donner Ca Mg (CO3).

Cuite à 1.800°, la dolomie frittée est utilisée pour le revêtement basique des convertisseurs en sidérurgie. Cuite à 1.200°, elle fournit la chaux magnésienne utilisée pour l’amendement des sols.

La dolomie est également employée dans la fabrication du verre.

A l’air libre, la roche s’altère rapidement pour donner naissance au sable dolomitique.

L’exploitation de cette roche donne lieu à un trafic très important, tant vers le marché intérieur qu’à l’exportation, au départ des gares de Marche-les-Dames, Sclaigneaux, Floreffe. Les gares de Merlemont, Villers-le-Gambon et Poulseur desservent des exploitations plus modestes.

La production de dolomie est en accroissement constant suivant la conjoncture de la sidérurgie et des verreries. En dix ans, elle est passée, respectivement pour la dolomie crue et la dolomie frittée, de 207.000 t à 450.000 t et de 226.000 t à 307.000 t.

C. Sables et graviers.

a} LES SABLES.

Les sables constituent l’importante famille de roches sédimentaires détritiques et meubles ayant comme caractère commun d’être constituées principalement, parfois exclusivement, de grains de quartz provenant de la désagrégation de roches magmatiques quartzeuses.

Ils peuvent contenir des minéraux accessoires d’origines très variées (fer, calcaire, mica, argile...). Nous trouvons les sables en abondance dans les sols meubles du quaternaire, du tertiaire et du secondaire en Basse et Moyenne Belgique et en Gaume. En Haute Belgique, l’altération du grès paléozoïque forme des petites poches de sable d’importance locale.

Ce sont à la fois les altérations subies par les sables ainsi que leur granulométrie qui déterminent leurs utilisations particulières.

Les sables plus ou moins grossiers existent dans les dépôts graveleux du plateau oriental de la Campine, les produits de dragage de la Meuse, dans le Brabant (Mont-Saint-Guibert, Jodoigne, Braine-le-Comte...), le Hainaut (Heppignies, Acoz...) et en Gaume

Ces sables sont utilisés pour la construction avec la restriction que, pour la confection des bétons et des mortiers, la tolérance en argile est de 10 % au maximum. En n’importe quel point du pays, l’industrie du bâtiment peut le plus souvent utiliser les sables provenant de carrières locales disséminées un peu partout dans le pays. En conséquence, les sables destinés à la construction ne donnent généralement pas lieu à des courants de transport pouvant intéresser le chemin de fer.

Les sables rudes du Bruxellien sont très recherchés comme abrasifs pour le doucissage des glaces et le sciage des pierres de taille. Ce dernier débouché tend à disparaître du fait de l’utilisation de scies au diamant à vitesse de coupe supérieure.

Les sables très siliceux sont utilisés dans les industries céramiques, réfractaires et chimiques ainsi qu’en verrerie.

Les gisements de sable siliceux se localisent essentiellement dans les formations deltaïques.

Les sables blancs des régions de Genk, du Brabant méridional et d’Arlon ont perdu leur intérêt comme sable de verrerie vu les exigences de l’industrie du verre, qui s’approvisionne actuellement en ordre principal aux carrières de Mol. Ces dernières exploitent par suceuses un gisement très pur, situé sous la nappe phréatique, et trouvent aussi un large débouché à la grande exportation.

Les sables légèrement argileux conviennent particulièrement h la sidérurgie comme sables de moulage. On les trouve à proximité des bassins industriels, dans le Brabant méridional, au Condroz et en Hesbaye. En plus des besoins nationaux, les sables de moulage trouvent un débouché intéressant à l’exportation.

Les principales gares intéressées par les expéditions de sable sont : Acoz (métallurgie, construction, abrasifs), As (construction), Bomerée (métallurgie), Braine-le-Comte et Hennuyères (métallurgie, construction), Dinant (réfractaires, construction), Ecaussinnes-Nord (métallurgie, construction), Fleurus (métallurgie), Gendron-Celles (réfractaires), Hastière (réfractaires), Havinne (réfractaires), Hoegaarden (métallurgie), Le Vieux Campinaire (métallurgie), Lincent (métallurgie), Lommel (construction), Mol (verrerie, industrie chimique, métallurgie, construction), Mont-Saint-Guibert (construction, abrasifs, métallurgie), Morialmé (réfractaires), Noucelles (construction, métallurgie), Oret (métallurgie, construction, abrasifs), Peissant (construction, métallurgie), Poix-Saint-Hubert (réfractaires), Rocourt (construction, métallurgie), Sart-Moulin (construction, métallurgie), Stave (réfractaires), Warnant (construction).

Notez que les indications entre parenthèses sont indicatives et non limitatives.

b) LES GRAVIERS.

Les graviers sont constitués d’éléments roulés de roches siliceuses et sont obtenus essentiellement dans notre pays par le dragage de la Meuse entre Dinant et Maaseik. Ils sont essentiellement utilisés en construction, et l’on conçoit aisément que te chemin de fer n’a qu’une faible part dans les transports, puisque les graviers sont chargés directement de la drague sur les barges.

Des matériaux similaires sont exploités dans les anciens dépôts de la Meuse recouvrant le plateau oriental de la Campine ainsi qu’en bordure du pays gaumais.

Enfin, signalons que notre pays utilise largement les produits de dragage hollandais, qui concurrencent fortement nos carrières et sablières.

Les statistiques de production montrent que les sables et graviers connaissent une expansion rapide sous l’impulsion des activités industrielles (sidérurgie et verrerie) et les grands travaux publics. Il convient toutefois de tenir compte du fait que les productions de 1953 à 1955 ont été nettement sous-estimées.

PRODUCTION DE SABLE DE CARRIERE EN TONNES

{{}} Sable métallurgique Sable de verrerie Sable pour la construction Sables divers Total Indice
1953 564.000 756.000 1.248.000 432.000 3.000.000 100,0
1954 552.000 660.000 1.308.000 492.000 3.012.000 100,4
1955 696.000 828.000 1.320.000 662.000 3.456.000 115,2
1956 828.000 1.068.000 1.740.000 672.000 4.308.000 143,6
1957 828.000 990.000 1.764.000 732.000 4.314.000 143,8
1958 684.000 1.080.000 1.440.000 612.000 3.816.000 127,2
1959 780.000 1.044.000 1.812.000 732.000 4.368.000 145,6
1960 936.000 1.176.000 2.028.000 900.000 5.040.000 168,0
1961 976.000 1.189.000 2.713.000 1.051.000 5.929.000 184,3

PRODUCTION DE DRAGAGE EN TONNES

{{}} Sables Graviers Total Indice
1953 184.800 1.140.000 1.324.800 100,0
1954 187.200 1.092.000 1.279.200 96,6
1955 207.600 1.452.000 1.659.600 125,3
1956 307.200 1.692.000 1.999.200 150,9
1957 279.600 1.608.000 1.887.600 142,5
1958 381.600 1.716.000 2.097.600 158,3
1959 685.200 2.472.000 3.067.200 231,5
1960 682.800 3.084.000 3.766.700 284,3
1961 567.200 3.357.000 3.924.200 296,2

D. Les argiles et terres réfractaires.

Les argiles sont des roches sédimentaires ayant pour caractère commun d’être plastiques et d’un grain très lin. Elles sont essentiellement constituées de silicates d’aluminium hydratés et contenant de nombreuses impuretés tels le quartz, des oxydes et sulfures métalliques, des carbonates et sulfates de calcium, qui déterminent des propriétés diverses. Les dépôts peuvent être d’origine marine, fluviale, lacustre, ou provenir d’une simple désagrégation sur place des roches feldspathiques.

Les kaolins sont des argiles blanches destinées à la faïencerie et la céramique, à l’industrie chimique (charge et peinture) et à la confection du ciment blanc. Ils sont exploités dans l’Entre-Sambre-et-Meuse.

Les terres plastiques, qui comprennent diverses catégories d’argiles relativement nobles, notamment celles exploitées dans la région de Baudour - Hautrage, sont de plasticité élevée et à teneur siliceuse notable (céramiques et produits réfractaires). Celles du Condroz (entre Andenne et Dave) proviennent de la dissolution des schistes dans les eaux d’anciens lacs (céramiques et produits réfractaires). Dans l’Entre-Sambre-et-Meuse (Oret, Bioul, Biesme), les terres plastiques voisinent avec les sables (faïences et produits réfractaires destinés au revêtement des fours et hauts fourneaux).

Les kaolins et les terres plastiques donnent lieu à des transports dispersés, où le chemin de fer a sa part. En effet, les industries de la céramique et de la faïence doivent recourir à des mélanges méticuleux pour la confection des pâtes. Aussi existe-t-il des courants relativement importants de roches feldspathiques à l’importation, d’autant plus que les verreries en font un usage notable.

Les argiles ordinaires sont essentiellement utilisées pour la confection de briques. L’exploitation peut être soit artisanale, soit industrielle (Rupel), suivant l’importance des gisements. Les argiles de qualité (argiles yprésiennes) sont utilisées par les tuileries. Dans ces cas, le produit de base étant transformé sur place, il n’y a pas lieu à transport. Par contre, quelques grands courants d’argile et matières schisteuses sont confiés au chemin de fer à destination des cimenteries.
(à suivre)


Source : Le Rail, novembre 1962


[1Inondations en Hollande et en Belgique.

[2Exposition universelle.

[3Exposition universelle.