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Chemins de fer fédéraux suisses. Série Re 4/4 II et III

Phil Dambly.

mercredi 10 octobre 2012, par rixke

Les cinq premières unités d’une présérie de six locomotives Re 4/4 II [1] ont été mises en service en 1964.

Une des six locomotives de présérie.

Les six machines étaient numérotées de 11201 à 11206 à l’origine ; elles portent à présent les numéros 11101 à 11106. L’équipement électrique des cinq premières est du type classique pour une locomotive à courant alternatif 16 2/3 Hz : un transformateur avec graduateur circulaire à 32 crans assure la variation de tension et alimente directement les quatre moteurs de traction en courant alternatif. Sur la locomotive 11106, livrée en 1965, les moteurs pouvaient, au début, être alimentés en courant alternatif ou en courant ondulé par l’intermédiaire de redresseurs au silicium. Il s’agissait de comparer, avant la réalisation d’une série de machines, les mérites respectifs des deux modes d’alimentation. Après les essais, pour des raisons de normalisation, la locomotive 11106 a reçu le même équipement que les cinq premiers engins. Notons que ces derniers ne sont pas équipés de sablières. La 11106 en est pourvue, ainsi que toutes les machines suivantes.

Locomotive N° 11161 du dépôt de Bâle, réservée aux services TEE.

Les six locomotives de présérie ne possèdent qu’un seul pantographe. Par rapport aux suivantes, on remarque les baies vitrées latérales plus étroites et l’absence d’enjoliveurs de bas de caisse. La caisse de la locomotive 11104 a été équipée récemment d’une suspension pneumatique, au lieu de ressorts hélicoïdaux, en vue de l’application ultérieure sur le prototype Re 6/6 N° 11604. A titre d’essai, on a monté des tampons renforcés sur les machines 11104 à 11106. La tige de ces tampons devient manchon et enveloppe le faux tampon.

Les Re 4/4 II et III circulent en unités multiples pour la traction des trains lourds sur les rampes du St-Gothard et du Simplon. En tête de ce convoi, la Re 4/4 III N° 11352.

Les locomotives de série diffèrent des précédentes par l’augmentation de puissance, une meilleure accessibilité de l’appareillage dans la caisse et l’amélioration du dispositif antipatinage. Elles sont divisées en trois sous-séries et n’ont pas toutes le même aspect :

  • locomotives 11107 à 11155, livrées en 1967-68 : un seul pantographe ; enjoliveurs de bas de caisse ;
  • locomotives 11156 à 11304, dont la livraison commencée en 1969 se poursuivra jusqu’en 1974 : deux pantographes monobranches BBC ; enjoliveurs de bas de caisse ; tampons renforcés ; persiennes de ventilation modifiées ; augmentation de la distance entre l’axe du bogie et la traverse de tête en vue du montage ultérieur de l’attelage automatique ; parois frontales plus inclinées. Dans cette sous-série, les locomotives 11158 à 11161 et 11249 à 11253 sont peintes en rouge et beige pour la traction des TEE « Roland » et « Helvetia ». Elles sont dépourvues d’enjoliveurs ;
  • locomotives 11351 à 11370, désignées Re 4/4 III et livrées en 1971-72 : extérieurement identiques aux engins de la sous-série précédente. Elles en diffèrent par les rapports d’engrenages modifiés qui réduisent leur vitesse maximale mais leur permettent de remorquer 580 t en rampe de 26 pour mille, au lieu des 460 t allouées aux Re 4/4 II dans les mêmes conditions. Ces machines sont réservées aux trains directs du St-Gothard.
Locomotive N° 111 de l’Emmental-Burgdorf-Thun-Bahn, identique aux machines de la série 11156 à 11304 des CFF.

Les Re 4/4 II remorquent les trains directs de voyageurs et de marchandises, moyens et lourds, en simple traction en plaine [2], en double traction en montagne. A cet effet, elles sont pourvues d’un dispositif de marche en unités multiples, non seulement avec une autre Re 4/4 II ou III, mais encore avec une automotrice RBe 4/4. Les charges admissibles sont de 1 600 à 2 000 t pour des profils inférieurs ou égaux à 8 pour mille. Le 20 janvier 1967, la locomotive 11107, à ses essais de réception, a « démarré » 1 296 t en rampe de 10 pour mille.

Locomotive N° 41 du SOB, identique aux Re 4/4 II N° 11107 à 11155 des CFF, mais dotée du rapport d’engrenages des Re 4/4 III.

On notera la construction ramassée de ces locomotives, dont l’équipement reste cependant clair et accessible. La caisse autoportante, de construction tubulaire, est extrêmement courte et rigide. L’air de ventilation est aspiré au niveau de la toiture afin d’éviter, en marche « en pousse », les aspirations de neige ou de poussières de freinage. Les châssis de bogies ne comportent ni pivot, ni traverse médiane, d’où un empattement court de 2,800 m. La liaison caisse-bogies est assurée par une suspension pendulaire en quatre points : chaque bogie SLM, en caissons soudés, comporte deux ressorts hélicoïdaux qui s’appuient sur une traverse danseuse et sur lesquels la caisse repose (ces ressorts ont remplacé les blocs en caoutchouc montés initialement). Des bielles verticales relient la traverse danseuse au châssis de bogie. La suspension primaire comporte des ressorts hélicoïdaux avec disques en caoutchouc. Des amortisseurs à friction atténuent les bruits de roulement et les mouvements des boîtes d’essieux (à rouleaux). Pour améliorer le guidage en courbe, les bogies sont liés par un accouplement transversal. La transmission des efforts de traction et de freinage est assurée par des barres de traction basse. Les moteurs sont entièrement suspendus. Ils développent chacun, en régime unihoraire, 1 030 kW sur les six engins de présérie, 1 195 kW sur les machines de série.

Locomotive N° 11158 des CFF en tête du TEE « Helvetia ».

En plus des équipements de freinage pneumatique automatique et d’antipatinage, les Re 4/4 II et III sont pourvues d’un frein électrique à récupération. Lors du développement des locomotives Re 4/4 II, on a réussi à mesurer les efforts de guidage entre la roue et le rail directement au point de contact ; on en a tenu compte lors de la construction. De cette manière, il a été possible d’élever la vitesse de ces machines dans les courbes, malgré la charge par essieu assez considérable.

Locomotive N° 21 du Central thurgovien, identique elle aussi aux machines N° 11156 à 11304 des CFF.

Compte tenu de leur nombre, les Re 4/4 II se rencontrent dans toute la Suisse. Le fait que leur livraison s’étalera jusqu’en 1974 rend aléatoire leur répartition par dépôt. En juin 1971, les six locomotives de présérie et 33 Re 4/4 II étaient affectées au dépôt de Zurich, 43 Re 4/4 II au dépôt de Lausanne, les 20 Re 4/4 III et 33 Re 4/4 II (dont les quatre premières locomotives TEE) au dépôt de Bâle. L’effectif total, fort de 224 unités (y compris les 20 Re 4/4 III), sera le plus important du parc CFF.

Les excellents résultats obtenus avec ces locomotives ont conduit trois réseaux privés suisses à acquérir des machines identiques : locomotives N° 21 du MThB (Mittel-Thurgau-Bahn, ou Central thurgovien), N° 111 et 112 du EBT (Emmental-Burgdorf-Thun-Bahn) et N° 41 du SOB (Sud-Ost-Bahn). Cette dernière, au rapport d’engrenages modifié, a servi de prototype pour les Re 4/4 III. Au cours d’essais effectués sur la ligne du Gothard en automne 1967, elle a pu « démarrer » un train de 709 t en rampe de 25 pour mille et courbe de 250 m de rayon, sans patinage. Les locomotives des compagnies privées sont peintes en vert olive foncé, comme celles des CFF. Cependant, les parois frontales portent des écussons cantonaux au lieu de la croix suisse. Cette modification fut apportée ultérieurement aux deux locomotives du EBT qui portaient tout d’abord l’écusson à croix suisse ; il aurait été nécessaire de mieux différencier ces machines à la suite de la méprise d’un mécanicien des CFF qui serait allé à Genève avec une locomotive EBT...

Caractéristiques principales.

  • Type : BoBo ;
  • écartement : 1,435 m ;
  • constructeurs, partie électrique : Brown Boveri et Cie (BBC), Maschinenfabrik Oerlikon (MFO), S.A. des Ateliers de Sécheron (SAAS) ;
  • partie mécanique : Société suisse pour la construction de Locomotives et de Machines, Winterthur (SLM) ;
  • tension : 15 000 V alternatif 16 2/3 Hz ;
  • puissance unihoraire : 6 320 ch, soit 4 650 kW (5 450 ch, soit 4 000 kW, pour les six engins de présérie) ;
  • vitesse max. : 140 km/h (125 km/h pour les Re 4/4 III) ;
  • poids en service : 80 t ;
  • charge par essieu : 20 t ;
  • diamètre roues : 1,260 m ;
  • longueur totale : 14,800 m pour les engins de présérie, 14,900 m pour les locomotives 11107 à 11155, 15,410 m pour les suivantes ;
  • largeur caisse : 2,950 m ;
  • haut. toit : 3,800 m (3,805 m à partir de la locomotive 11156) ;
  • haut. pantos baissés : 4,460 m (4,415 m à partir de la locomotive 11156).
Re 4/4 II 11101-11106 (présérie).
Re 4/4 II 11107-11155.
Re 4/4 II 11156-11304 et Re 4/4 III 11351-11370.

(Photos CFF et Peter Willen.)


Source : Le Rail, octobre 1972


[1Les anciennes Re 4/4, livrées de 1946 à 1951, sont des locomotives légères de plus faible puissance, destinées à la traction des « navettes ». Depuis la mise en service des Re 4/4 II, elles sont désignées Re 4/4 I.

Série R : locomotive qui peut circuler à plus de 110 km/h ; indice e : traction électrique ; 4/4 : quatre essieux moteurs sur quatre ; indices I, II. III : différences de construction entre véhicules d’une même série.

[2En Suisse, une ligne dite « de plaine » comporte généralement des rampes de 8 à 12 pour mille.