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La nouvelle voiture M4

H. Van Den Eynden, ingénieur principal.

mercredi 6 février 2013, par rixke

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La revalorisation des transports publics et le renouvellement du matériel roulant obligent la SNCB à concentrer ses efforts pour le moment surtout sur le remplacement de quelque mille voitures, qui depuis 40 ans en moyenne, assurent le trafic « voyageurs » intérieur.

A cette fin, elle a élaboré un programme de construction de 580 voitures M4 réparties en quatre types, c’est-à-dire :

  • 50 M4 A (première classe),
  • 340 M4 B (seconde classe),
  • 65 M4 AD (première classe avec fourgon) et
  • 125 M4 BDS (seconde classe avec snack et fourgon).

Fin 1979, ont été livrées trente voitures de première classe, tandis que cette année-ci verra la fourniture de la première série des voitures de seconde classe. La livraison des autres voitures s’échelonnera jusqu’en 1984. A remarquer que, pour la M4 A, la SNCB s’est détournée de sa conception traditionnelle de voiture. C’est pour cette raison, et aussi parce que ce type est déjà en service actuellement, qu’il nous a semblé intéressant de décrire plus en détail la voiture de première classe.

 Ce qui précédait

Tout a commencé avec la décision de ne pas, pour une fois, commander les voitures par voie d’adjudication, d’après un cahier des charges rédigé par la SNCB, mais de confier la tâche de présenter des projets à un groupe de travail composé de spécialistes de la SNCB et de « La Brugeoise et Nivelles ».

Une nouvelle teinte dans le paysage ferroviaire.

Pendant deux ans, ce groupe a élaboré des dessins pour chaque type de voiture avec, comme seul souci, d’aboutir aux solutions les plus modernes et les plus rationnelles. Grâce à la collaboration étroite et positive entre les différentes parties, il nous semble que cette méthode a parfaitement réussi.

 L’intérieur

Dès le début on a voulu doter les voitures M4 d’un aspect intérieur qui procure à la fois chaleur et bien-être. A cet effet, on a choisi le brun et le jaune comme teintes principales. Toutes les parties métalliques sont ou bien peintes (en peinture époxys tête de nègre résistant à l’usure pour les poignées de portes et main-courantes) ou bien anodisées teinte champagne clair pour les parties en alu (cendrier, bacs à papier, châssis de fenêtre et roue du frein à main).

Beaucoup de lumière et des tons chauds à l’intérieur.

Puisque la voiture A, grâce à ses 72 places assises (4 de front), permet encore un embarquement et un débarquement assez rapide des voyageurs, on a pu opter pour une conception « grande salle » (« coach ») avec portes d’entrée aux deux extrémités de la voiture. Ceci simplifie la construction et offre une agréable impression d’espace grâce à la vue en profondeur sans obstacle, la cloison et la porte séparant fumeurs et non-fumeurs étant en vitre claire. Cette impression d’espace est encore renforcée par l’application de porte-colis longitudinaux qui font disparaître les montants verticaux gênants, indispensables aux porte-colis transversaux.

Des motifs représentant des vieux métiers décorent les parois d’about et accentuent encore l’impression de profondeur.

Disons, en passant, que ces scènes proviennent de gravures anciennes de format 5 x 5 cm qui ont été retouchées légèrement et dont l’amère-plan a été supprimé. Après agrandissement et impression, le papier a été mélaminé de la façon habituelle.

Pour les 30 premières voitures, autant de gravures différentes ont été choisies, reproduites en quatre exemplaires chacune. Bien que chaque motif revienne donc quatre fois, on a pris soin de les combiner différemment en manière telle que chaque voiture soit unique.

Des métiers anciens dans une voiture moderne.

Les parois longitudinales, bien apparentes par l’absence des montants verticaux, gagnaient maintenant à être habillées de rideaux. Leur tissu d’un orange vif crée une ambiance gaie et agréable contrastant heureusement avec le brun des sièges.

Ceux-ci ne présentent plus un profil en « cuvette » prononcée qui, d’après des enquêtes, n’a pas été tellement prisé. Leur galbe et leur souplesse ont pourtant été réalisés suivant les données ergométriques les plus récentes. Entre les dossiers, on a pu réserver de la place pour ranger les bagages plus encombrants.

Le revêtement des sièges est réalisé dans le même tissu laine-polyester que celui des automotrices quadruples ; le coloris est d’un brun chaud. Les accoudoirs sont revêtus de simili-tête de nègre. La même teinte se retrouve sur les poignées de portes, les mains courantes et les tablettes. Ces dernières sont garnies de papier mélaminé à surface granuleuse particulièrement résistante aux griffes et évitant des reflets solaires gênants grâce à l’aspect rugueux et à la teinte foncée.

A l’intérieur des compartiments « fumeurs », des cendriers encastrés sont prévus dans les accoudoirs côté couloir, et dans la paroi longitudinale pour chaque place côté fenêtre. Pour le revêtement du sol, on a choisi le linoléum, à cause de son excellente résistance à l’usure et de son entretien aisé. Celui-ci est encore facilité par le raccord arrondi du linoléum à la paroi longitudinale et par l’encastrement des boulons de fixation des sièges.

Les poignées de porte et les tablettes tête de nègre ainsi que le plancher brun clair, se répètent dans les voitures B, présentant ainsi un trait d’union entre ces deux classes.

Les inscriptions à l’intérieur des véhicules ont souvent un aspect un peu désordonné. C’est pour cela qu’ici elles ont été toutes rassemblées sur la frise des portes d’accès au compartiment : il s’agit des pictogrammes des indications « alarme », « fumeurs », ou « non-fumeurs » et « WC ».

Une nouveauté amusante : l’indication « WC » est lumineuse rouge ou verte suivant le cas...

A ce compartiment moderne donnent accès des portes à fermeture automatique, revêtues du même bois mélaminé « olme du Japon » que les parois longitudinales.

 Baies et portes

Concernant les baies, on a aussi abandonné une tradition. Les petites fenêtres coulissantes, dites « sans courant d’air », bien connues depuis vingt ans ont été remplacées par des semi-coulissantes assurant le même effet. Toutes les parties de la baie sont en double vitrage, rendu athermique par une couche d’or ce qui, de l’extérieur, lui confère un aspect nettement doré. La couche dorée ultra mince qui est appliquée à l’intérieur du double vitrage reflète pratiquement la moitié de la chaleur solaire. Ainsi à l’intérieur, on souffrira beaucoup moins de la chaleur par temps ensoleillé...

Les portes d’entrée sont du type louvoyant. Elles sont fermées à distance par le chef garde et libérées par lui afin d’être ouvertes par les voyageurs. La fermeture par le chef garde est précédée par un coup de klaxon. Il y a en outre une nouveauté : la possibilité offerte aux voyageurs de fermer la porte de leur plate-forme en agissant simplement sur un bouton-poussoir. Enfin, tout comme pour les automotrices quadruples, les portes se rouvrent dès qu’elles détectent un obstacle à la fermeture (un voyageur montant p. ex.).

 Plates-formes et toilettes

Les plates-formes se trouvent aux extrémités de la voiture. Le passage d’une voiture à l’autre est rendu possible, comme pour le matériel RIC moderne, par la présence d’un soufflet en tubes de caoutchouc et de portes à fermeture symétrique et automatique.

Chaque plate-forme comprend un WC-toilette sobre mais confortable ne possédant pas de baie, ce qui a pour effet d’augmenter la place disponible pour le lavabo et le miroir. En outre, à gauche du lavabo, se trouve un miroir de la grandeur d’un homme. Le lavabo ainsi que le plancher sont peints en rouge vif égayant ici également l’aspect intérieur. Totalement nouvelle est la commande pneumatique des robinets d’eau et du clapet du pot de WC par des pédales au plancher. Le réservoir d’eau est logé dans la toiture au-dessus de la plate-forme et peut être basculé en bas pour les besoins de l’entretien.

 Eclairage

L’éclairage est constitué par deux bandes lumineuses situées au plafond, ce qui renforce l’effet de profondeur, et par des luminaires situés dans les porte-colis, conférant ainsi à chaque compartiment une certaine intimité. L’ensemble procure un éclairage très doux et uniformément réparti (sans sources lumineuses trop agressives), de sorte que l’énorme luminosité de 430 lux ne se fait pas remarquer. Une primeur pour le matériel voyageurs (y compris les réseaux étrangers) consiste en l’utilisation de nouveaux tubes fluorescents de 27 W, longs de 185 cm, une longueur qui s’harmonise parfaitement avec le « pas » du compartiment (le « pas » est la distance entre les dossiers des sièges).

L’éclairage de tout le train peut être allumé ou éteint de n’importe quelle voiture. En outre, il est possible de n’allumer par voiture que l’éclairage des porte-colis ce qui donne une ambiance bien agréable.

 Ventilation et chauffage

A part les fenêtres coulissantes, aucune ventilation naturelle n’est prévue. La ventilation classique à travers le toit a été remplacée par une ventilation forcée fournie par le ventilateur du groupe de chauffage à air puisé (un groupe indépendant par grand compartiment). Ces groupes se mettent en action sans l’intervention du chef garde, dès que et aussi longtemps que la haute tension est présente sur la voiture. A ce moment-là est introduit, par commande entièrement électronique, de l’air chauffé ou non ; au cas où la température intérieure dépasse les 26 °C, l’équipement passe à la très forte ventilation. L’air vicié est évacué par les portes d’accès (qui à cet effet ne ferment pas hermétiquement) et par les toilettes où les ventilateurs le rejettent à l’extérieur.

 Fourniture d’énergie

Afin d’augmenter la fiabilité en service et d’autre part pour tenir compte de l’extension de la traction électrique, la génératrice d’essieu a été abandonnée en faveur d’un convertisseur statique qui transforme la haute tension de 3 000 V en 24 V continu pour l’alimentation de l’éclairage, des ventilateurs et de la charge de la batterie, et en 220 V continu pour le chauffage des réservoirs.

Le convertisseur.

Aussi l’installation devient indépendante de la batterie et peut fonctionner indéfiniment tant que la haute tension est présente sur la voiture. Celle-ci peut être fournie soit par une loco électrique, soit par une loco diesel (ou un fourgon) équipé d’une génératrice 3 000 V, soit par une prise fixe de 3 000 V également. Les voitures M4 ne peuvent plus être chauffées à la vapeur et se présentent donc comme les premières voitures purement électriques de la SNCB.

 Encore une primeur de taille : l’armoire d’appareillage électrique

Pour la première fois, on a réussi à rassembler tout l’appareillage basse tension d’une voiture dans une seule armoire électrique représentant ce qu’il y a de plus moderne pour le moment. Tous les appareils sont montés sur des cartes ou des blocs enfichables et aisément remplaçâmes en cas de défaut ou de panne. La carte défectueuse peut alors être tranquillement réparée en atelier. Outre l’appareil de sonorisation, les commandes pour le chef garde et la régulation électronique du chauffage, l’armoire comprend également le désenrayeur électronique et surtout un dispositif offrant une possibilité étendue de diagnose. Un voyant rouge prévient qu’une défaillance a eu lieu dans l’installation électrique. Un technicien compétent peut alors, grâce à la diagnose, rechercher rapidement l’élément en défaut et le remplacer.

L’armoire d’apparerillages.

 Bogies et frein

La caisse des M4 repose sur des bogies modernes du type Y 32 comprenant l’équipement de frein. Celui-ci est constitué par des freins à disques combinés avec des sabots nettoyeurs. La rotation du bogie est reprise par les gros ressorts verticaux qui assurent également la suspension transversale. Les câbles reliés à la caisse entraînent le bogie.

En douceur grâce aux bogies Y 32.

 Bon voyage

Grâce à son aspect intérieur familier et détendu et à sa technique de pointe, la voiture M4 A possède tout pour plaire au voyageur. Nous lui souhaitons de tout cœur « bon voyage ».

Enfin, nous désirons adresser nos remerciements les plus vifs à tous ceux qui ont rendu possible cette réalisation, aussi bien aux agents des services intéressés de la SNCB, qu’à ceux du constructeur. Tous peuvent être fiers du résultat obtenu.

Caractéristiques techniques de la M4 A :
Constructeur Constructions ferroviaires et métalliques (BN)
Longueur totale 24,26 m
Poids 38 400 k
Nombre de places assises fumeurs : 32 72
non-fumeurs : 40
Places debout sur les plates-formes 30
Bogies : type Y 32
Poids ± 6000k
diamètre de la roue 890 mm
Vitesse maximum 160 km/h
frein (disque et sabot) KNORR : KEZ-CSL-ALP
Fournisseur d’énergie convertisseur statique ACEC
puissance 12 kw
tension d’entrée 3 000 V DC
tensions de sortie 24 V DC (9 kw)
220 V DC (3 kw)
220 V AC, 50 HZ (300 W)
Chauffage électrique
type air puisé à éjecto-inducteurs de Friedmann-Manta
puissance 2x20,8kw à 3 000W
débit d’air 1 250 m³/h en hiver
1 800 m³/h en été
régulation Brown Bovery
Eclairage des compartiments tubes fluorescents : Philips 27 W et 13 W
puissance 1 908 W
niveau d’éclairage 430 lux
Armoire d’appareillages système modulaire 19 pouces « Internaz » AEG
Sonorisation Neumann avec « ding-dong » et communication téléphonique avec la loco.

Source : Le Rail, février 1980