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Les transports exceptionnels

J. Duvigneaud.

mercredi 20 mars 2013, par rixke

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 Définition d’un transport exceptionnel.

On sait que la loi du 3 juillet 1964 a modifié dans un sens restrictif une disposition essentielle de la loi du 25 août 1891 : alors qu’auparavant le chemin de fer était tenu d’accepter toute marchandise au transport (dans les limites techniques, évidemment), ses obligations sont réduites maintenant au transport de marchandises compatible avec les moyens de transport normaux permettant de satisfaire aux besoins réguliers du trafic [1].

Anneau en acier moulé : diamètre, 4.660 mm ; poids, 14 t.

Cependant, comme auparavant, le chemin de fer accepte, dans certaines conditions, de transporter des objets dont les caractéristiques dépassent les limites normales. Il s’agit le plus souvent de matériel industriel constitué par des masses indivisibles ou très lourdes ou très encombrantes. C’est tantôt un objet dont les dimensions dépassent un gabarit dit de chargement (voir fig. 1), tantôt une masse dont la charge par essieu ou par mètre courant dépasse le maximum admis. Il peut s’agir aussi d’un chargement qui, en raison de la position du centre de gravité, est susceptible de compromettre la sécurité de l’exploitation ou d’un transport dont la longueur est telle qu’il faut prendre des mesures particulières de circulation.

Figure 1.

 Nécessité d’une étude préalable à l’acheminement.

On comprend que le chemin de fer ne peut accepter de pareils transports sans qu’au préalable les spécialistes du bureau M.A. 23.33 aient fait l’étude du problème, en collaboration avec la direction V et le bureau d’études M.A., pour déterminer notamment :

  • le type de wagon porteur, en général de conception spéciale ;
  • les conditions de chargement : emplacement de la charge sur le wagon, calage, arrimage, etc. ;
  • les conditions de circulation : vitesse, itinéraire, etc. ;
  • le montant du prix du transport.

Cette étude se fait avec le souci de servir le client et d’éviter tout dommage à l’infrastructure du réseau et à l’exploitation.

De manière générale, tout transport exceptionnel fait l’objet d’une autorisation préalable et d’un examen après chargement ; il y a lieu, en effet, de vérifier si les éléments qui ont servi de base à son étude sont exacts et complets.

Le bureau M.A. 23.33 a étudié, en 1965, 1.934 demandes de transports exceptionnels ; elles ont donné lieu à 1.966 transports.

Transport exceptionnel encombrant.

Quand le bureau M.A. 23.33 est saisi d’une demande de transport d’une charge exceptionnellement encombrante, il s’efforce de rester dans le gabarit de chargement, en choisissant le wagon le plus favorable et en jouant, éventuellement, sur l’emplacement de la charge.

Le premier des six nouveaux wagons surbaissés mis en service par la S.N.C.B. : hauteur du plancher surbaissé, 520 mm ; charge utile, 20 t.

Au point de vue des limites normales d’encombrement, rappelons qu’en Belgique, tout transport ordinaire doit :

  • au repos, sur une voie en alignement droit, se tenir dans toutes ses parties à l’intérieur du gabarit de chargement (voir fig. 1) ;
  • en courbe de 250 m de rayon, s’inscrire dans un gabarit de 3 m 30 de largeur (au lieu de 3 m 15 : le passage d’un transport dans une courbe provoque inévitablement des déplacements géométriques transversaux par rapport à l’axe de la voie (voir fig. 2).
Figure 2.
Di, Da : déplacements géométriques, dans une courbe de rayon R, d’un wagon à 2 essieux de longueur L et d’empattement a.

S’il est impossible de rester à l’intérieur du gabarit de chargement, le transport est « exceptionnel » et son acheminement devient tributaire du gabarit d’obstacles (espace que laissent aux trains les ouvrages d’art, tels que les ponts et les tunnels, ou tous les autres obstacles situés le long des voies, tels que les signaux et les fils). Dans ce cas, c’est donc la position du chargement par rapport au gabarit d’obstacles qui déterminera les conditions d’acheminement (emplacement de la charge sur le wagon, ripage éventuel et momentané de la charge sur certains wagons pour franchir un obstacle, limitation de vitesse, coupure de courant à la caténaire, restriction de croisement avec des trains ordinaires ou d’autres transports exceptionnels, itinéraire dévié, etc.). Si l’on reste à l’intérieur du gabarit d’obstacles, le bureau 23.33 seul détermine les conditions d’acheminement. Si l’on empiète sur le gabarit d’obstacles, le transport est encore possible dans certains cas, moyennant le respect des conditions imposées par le service de la Voie. S’il s’agit d’un transport international, le bureau 23.33 invite les réseaux intéressés à poursuivre l’étude en leur fournissant les renseignements et les plans nécessaires.

Transport de 5 poutres en béton précontraint ; longueur d’une poutre, 26,27 m ; poids, 33 t.

Transport exceptionnel lourd.

Quand le bureau 23.33 est saisi d’une demande de transport d’une charge exceptionnellement lourde, il examine s’il y a dépassement du poids par essieu ou du poids par mètre courant admissible pour la ou les lignes à parcourir.

Depuis le 1er janvier de cette année, les réseaux de l’U.I.C. classent leurs lignes en six catégories, à la fois sur la base du poids maximal admissible par essieu et sur la base du poids maximal admissible par mètre courant. Ces six catégories sont :

  • A : 4,8 t par m courant et 16 t par essieu ;
  • B1 : 5 t par m courant et 18 t par essieu ;
  • B2 : 6,4 t par m courant et 18 t par essieu ;
  • C2 : 6,4 t par m courant et 20 t par essieu ;
  • C3 : 7,2 t par m courant et 20 t par essieu ;
  • C4 : 8 t par m courant et 20 t par essieu.

Pour la cause, le poids par mètre courant d’un wagon est conventionnellement pris égal au poids total (tare + charge) divisé par la longueur totale du wagon mesurée hors tampons (= hors tout), ceux-ci étant non comprimés. Ainsi, le poids total d’un wagon à quatre essieux et d’une longueur hors tout de 13 m devant circuler sur une ligne C3 ne peut dépasser la plus faible des deux valeurs suivantes 4 X 20 = 80 t et 13 X 7,2 = 93,6 t, soit 80 t.

La S.N.C.B. a toutes ses lignes classées dans la catégorie la plus élevée (C4).

S’il y a dépassement du poids par essieu ou du poids par mètre courant admissible pour la ou les lignes à parcourir, le transport est exceptionnel et son acheminement doit être couvert par une autorisation délivrée par le bureau 23.33 Celui-ci prescrira les conditions d’acheminement après avoir, d’une part, consulté la Direction V et obtenu, d’autre part, l’accord des réseaux étrangers éventuellement intéressés.

 Des wagons spéciaux à choisir.

La plupart des transports exceptionnels présentent de grandes dimensions soit en largeur, soit en hauteur.

Remarquons qu’un wagon spécial n’offre pas plus de possibilités pour transporter des pièces encombrantes en largeur qu’un wagon ordinaire, sauf s’il est muni d’un dispositif de ripage transversal de la charge permettant de déplacer celle-ci soit vers la gauche, soit vers la droite, pour le franchissement d’un obstacle. Cet équipement coûteux n’est d’ailleurs utilisé que sur des wagons très spéciaux et de charge utile élevée (exemple : le wagon ACEC n° 500.075 de 127 tonnes de charge utile et le wagon STSI de 260 tonnes de charge utile).

Régénérateur : longueur, 38,8 m ; poids, 53 t ; diamètre, 3.420 mm ; plus grande demi-largeur par rapport à l’axe longitudinal du wagon, 1.800 mm ; distance entre les pivots de bogie, 21 m.

Si le gabarit d’obstacles est toujours là, avec son veto dans le sens de la largeur, en revanche, dans le sens de la hauteur, on peut accroître les possibilités de transport par l’emploi de wagons spéciaux à châssis surbaissés, qui permettent d’abaisser le plan de chargement par rapport à un wagon ordinaire à châssis plat.

On peut faire un pas de plus et transporter des pièces plus hautes encore en utilisant des wagons évidés ; leur châssis est constitué de deux longerons reliés à la partie inférieure par des traverses cintrées vers le bas, dont certaines sont fixes et d’autres amovibles, voire déplaçables : la charge, dans certains cas, peut même descendre sous le plan des traverses. Toutefois, ces wagons ont l’inconvénient de limiter l’espace disponible pour la charge entre les longerons.

Le parc actuel de la S.N.C.B. comporte 23 wagons évidés dont la charge utile varie de 36 t à 110 t et 18 wagons surbaissés avec charge utile de 36 à 150 t ; la S.N.C.B. construit, en outre, 6 wagons surbaissés avec un plan de chargement long de 5 m 75 et situé à 520 mm du niveau du rail ; la charge utile de 20 tonnes peut même être concentrée sur 3 mètres de longueur. Le premier de ces wagons vient d’être terminé.

La longueur de la plate-forme de chargement d’un wagon surbaissé est forcément limitée : elle résulte d’un compromis entre la hauteur du plan de chargement, la charge utile et la tare. Que faire alors pour transporter une pièce très longue ? On la charge sur un wagon plat, dit wagon porteur, entouré de deux wagons dits « wagons de sûreté », de sorte que le chargement puisse s’étendre bien au-delà des butoirs du wagon porteur et surplomber les wagons de sûreté.

Que faire si, en plus de sa grande longueur, Le chargement présente une grande section transversale ? Il faut constituer des transports autoportants en reposant la charge sur deux bogies avec traverses pivotantes dont le plan supérieur d’appui est le plus bas possible par rapport au rail. La S.N.C.B. a mis en service, après 1960, deux couples de bogies dont le plan supérieur d’appui est à 1.080 mm par rapport au rail (contre 1.235 mm pour un wagon plat) : ils permettent des transports autoportants de 60 et 67 tonnes de charge utile. La Société envisage de construire prochainement une couple de bogies à trois essieux autorisant des transports autoportants de l’ordre de 100 tonnes ; elle espère pouvoir bénéficier en temps utile des études entreprises par l’U.I.C. en ce qui concerne les roues de petits diamètres, et ainsi pouvoir abaisser le plan supérieur d’appui de ces nouveaux bogies sans que la charge utile en soit fortement diminuée.

On peut même s’affranchir complètement de la servitude du « niveau de chargement ». La pièce à transporter est conçue pour être insérée entre deux demi-charpentes reposant chacune sur des bogies à essieux multiples. Ces demi-charpentes et le chargement sont assemblés de manière à former un pont continu entre les deux bogies : aucune partie de la charge ne se trouvant au-dessus d’un bogie, celle-ci peut descendre jusqu’à la limite inférieure du gabarit de chargement. Cette solution toute particulière n’est utilisée que pour des pièces extrêmement lourdes (exemple : transformateur de 185 tonnes).

La construction dans l’industrie évolue de façon continue vers le « gigantisme », d’où la nécessité d’adapter notre parc, sans cependant perdre de vue la question de la rentabilité. Ainsi, la Société envisage maintenant la construction d’un wagon surbaissé de 83 t de charge utile avec plan de chargement à 650 mm par rapport au rail, bien qu’elle dispose déjà d’un wagon avec plan de chargement à 750 mm.

 Des tarifs à fixer.

Les transports exceptionnels sont acceptés, le cas échéant, à des prix et à des conditions à fixer dans chaque cas par le chemin de fer. Quand le chemin de fer ne fixe pas un prix particulier pour un transport déterminé, la taxation comporte :

  • la taxation relative au transport considéré comme transport ordinaire ;
  • une première surtaxe, variant de 330 fr à 1.500 fr selon le nombre de kilomètres parcourus, s’il est fait usage d’un wagon surbaissé ou si la pièce à transporter est d’un poids indivisible supérieur à 20 tonnes ;
  • une seconde et même surtaxe, pour tout transport engageant le gabarit, que l’engagement soit dû au wagon lui-même (par exemple, un wagon spécial dont les longerons sont à écartement variable) ou à son chargement ;
  • une troisième et même surtaxe, lorsque le wagon ou le chargement occasionne des restrictions de croisement sur le parcours suivi ;
  • une quatrième et même surtaxe pour tout wagon dont la capacité de chargement dépasse 75 tonnes.

Si le transport ne peut croiser aucun autre train ou si sa vitesse est inférieure à la vitesse normale des trains de marchandises, l’acheminement se fait par train spécial et la taxation est appliquée sur un minimum de 200 tonnes ; on y ajoute éventuellement une ou plusieurs des surtaxes définies ci-devant.

Citerne pour ammoniac liquéfié : longueur, 27,30 m ; poids, 55 t ; diamètre, 3.600 mm.

Source : Le Rail, mars 1966


[1Voir « Le Rail » n° 100 de décembre 1964.