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La nouvelle chaufferie de Malines

J. P. Everaerts.

mercredi 22 mai 2013, par rixke

Qui a dit que le temps de la vapeur était révolu ? Il n’en est rien, et le plus vaste atelier de notre réseau vient d’être rééquipé au moyen d’un mode de chauffage qui, pour des installations industrielles, garde sa pleine valeur : la production centrale de vapeur permet actuellement d’utiliser des combustibles résiduaires qui se vendent à très bon compte, mais qui ne peuvent être mis en œuvre qu’à partir d’un niveau élevé de puissance.

Et c’est ce dont nous avions besoin à Malines. En effet, la chaufferie, détruite pendant la dernière guerre, avait été remplacée provisoirement par une impressionnante batterie d’anciennes chaudières de locomotives, venues échouer là comme dans un jardin d’acclimatation, et une quarantaine de costauds se relayaient en équipe pour alimenter leur voracité et pour leur donner tous les soins requis par leur grand âge.

La chaufferie provisoire, constituée d’anciennes machines à vapeur.

Ces braves monstres crachaient une épaisse fumée noire, et de temps en temps, pour respecter la tradition, vomissaient quelques flammes avec des cendres rougeoyantes ; ils donnaient aussi de la vapeur. « Une fournaise à vous faire rougir », avait déclaré un éminent personnage qui tenait absolument à faire disparaître ce musée. Et l’on s’attela à la tâche : après quelques essais, une conception définitive se fit jour, le vent des idées neuves balaya les décombres, et un bâtiment sortit de terre.

Vue extérieure de la nouvelle chaufferie. Les cheminées individuelles sont calorifugées afin d’éviter le point de rosée et, par là, diminuer la corrosion.
Les quatre chaudières sont du type à tubes de fumée et trois parcours de gaz. Elles fonctionnent à ta limite maximale de puissance admise par les normes allemandes pour ce modèle, soit 9 millions de kcal/h brutes.

A la Noël 1967, on vit venir à la queue leu leu des quadruples éléphants destinés à peupler cette nouvelle cage : c’étaient les chaudières. Puis s’acheminèrent d’autres engins, mais je vous assure que le « clou » fut un énorme cylindre horizontal surmonté d’un dôme, et qui ressemblait étrangement à un sous-marin : évidemment, la cave était prête à le recevoir, mais non !

Le dégazeur reçoit l’eau déjà préchauffée par deux récupérateurs de chaleur et porte la température à 105°" C environ par mélange de vapeur afin d’éliminer autant que possible les gaz corrosifs dissous (O2 et CO2).

Figurez-vous que ce barbare animal préféra aller s’installer dans les hauteurs, juste sous l’arête faîtière de la toiture ! Etranges errements de la technique...

En même temps surgissaient, non loin, de fameux réservoirs qui faisaient penser à des chapeaux-claques comme préparés là pour je ne sais quel tour de prestidigitation : allait-on en voir sortir des lapins ? Oh non ! des girafes...

L’eau d’appoint subit une décarbonatation à la chaux et un adoucissement par échange d’ions sur résine, avant d’être dégazée.

Hé oui ! vint le jour « J » : quand tout fut prêt, d’audacieux aventuriers furent assez hardis pour mettre le feu à cet assemblage ! Eh bien ! vous m’en croirez si vous l’avez vu, il en sortit de la vapeur ! Et presque pas de fumées noires...

Le fuel extra-lourd est stocké dans deux réservoirs calorifuges contenant chacun 1.000 m³ de combustible préchauffé à 80° C environ. Le fuel léger nécessaire au démarrage des chaudières est stocké dans deux réservoirs de 50 m³, de conception semblable.

Il faut vous dire que les brûleurs, mis au point pour la circonstance, étaient dérivés d’unités à hautes performances utilisées dans les centrales électriques et que tout l’équipement avait été sélectionné dans la même gamme.

Les combustibles circulent en permanence à travers les filtres et les pompes de transfert dons deux boucles à pression constante, maintenues en température par tracing et calorifuge.

Pour les amateurs de chiffres, citons quelques valeurs :

la puissance utile est de 28 millions de kcal/h en pointe, ce qui correspond, à la pression de 12 kg/cm2, à un débit d’eau utile d’environ 50 m³/h, dont 70 %, environ reviennent sous forme de condensats, et 30 % sont fournis par l’eau d’appoint dûment épurée et conditionnée.

Chaque appareil est muni d’un brûleur modulant, de puissance réglable dans un rapport de 1 à 5. La distribution de l’air de combustion se fait par une couronne dégageant des lumières d’admission uniformément réparties sur un cylindre ; des ailettes déflectrices donnent à la flamme un mouvement tourbillonnaire qui améliore la combustion.

Le fuel, stocké à une température de 60 à 80° C, est préchauffé à 115° C avant combustion : c’est du « Bunker C » extra-lourd (il est quasi solide à la température ambiante). Le rendement des groupes chaudières-brûleurs est de 89 %.

L’eau alimentaire est introduite en chaudière par l’intermédiaire de pompes à piston. Leur débit est modulant sous la dépendance de régulateurs de niveau de chaudière Mac Donnell à action proportionnelle et à transmission électrique.

Le tout est combiné sous la dépendance de manostats et de quelques relais à programme logés dans une armoire électrique comportant un schéma lumineux.

Le bilan de l’affaire ? II est positif. Et dans six ans, si par malheur un nouveau bombardement devait raser la centrale, rien ne serait perdu par rapport à l’ancienne situation, tout aurait été amorti dans l’intervalle par l’économie de main-d’œuvre et le bas prix du combustible.

Le tableau de commande avec schéma synoptique est logé dans un local annexe afin d’assurer, dans le calme et à l’abri de la poussière, une surveillance efficace sur tous les équipements, qui sont contrôlés par de multiples circuits d’alarme avec signalisation lumineuse.

Mais ne soyons pas pessimistes : toute création est conçue dans l’espoir d’une longue durée de vie ; d’ailleurs, n’en doutons pas, la sagesse humaine finira bien un jour par trouver le moyen de combattre la guerre.


Source : Le Rail, août 1969