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Où en est l’« automation » à la S.N.C.B. ? (V)

Claude Vial.

mercredi 5 juin 2013, par rixke

 « Il y a toujours un passage à niveau... »

Le garde-barrière se meurt. Administrativement et professionnellement s’entend !

La barrière roulante, grinçante et cahotante, actionnée à grand renfort d’huile de bras, fait aujourd’hui partie du folklore des chemins de fer belges, au même titre que la locomotive à vapeur et les fameuses troisièmes classes à banquettes de bois. Aujourd’hui, la barrière tombe du ciel, roide, nous barrant la route avec l’inexorabilité du destin et de l’automatisme d’un bon robot. Car les passages à niveau eux aussi ont été soumis au processus de l’automatisation.

Les automobilistes et les autres usagers de la route se sont vite (trop vite peut-être, nous le verrons plus loin) habitués à ce nouveau genre de signalisation qui leur donne... feu blanc.

A partir de 1963, un vaste programme de modernisation a été entrepris par la S.N.C.B. Il visait à automatiser 780 passages à niveau gardés, éventuellement avec barrières partielles, et 500 non gardés ordinaires. Il comprenait aussi le perfectionnement de 120 autres passages déjà automatiques. Il portait donc sur un total de 1.400 installations.

Si l’on rappelle que, pour un développement total d’environ 4.600 km, le réseau belge compte environ 4.000 passages à niveau ouverts à la circulation publique, on pourra en conclure qu’il s’agissait là d’un programme de grande envergure.

Évidemment, la solution idéale, tant pour le chemin de fer que pour l’usager de la route, est la disparition pure et simple du passage à niveau. Et de fait, au cours des quinze dernières années, la S.N.C.B. a procédé à la suppression de 400 de ces passages, principalement dans les sites urbains et sur les lignes électrifiées [1].

Le remplacement d’un passage à niveau par un ouvrage d’art coûte au minimum 5 millions de francs belges. Un tel programme ne peut donc se réaliser que progressivement.

Dans ce domaine d’application, nous disent les techniciens, le nombre de fonctions logiques (c’est-à-dire « d’interdictions » et « d’autorisations ») est moins élevé que pour les postes de signalisation. Le problème est donc moins complexe. Il a été possible d’obtenir des ensembles qui donnent satisfaction et assurent une grande sécurité.

En quoi consiste un équipement-type, c’est-à-dire commandant un passage à niveau à quatre signaux routiers et deux demi-barrières ?

Dans la loge qui renferme l’appareillage de commande, des groupes fonctionnels sont installés. Ils sont fixés sur un châssis-support auquel est attaché le câblage normalisé reliant les groupes entre eux. Le raccord se fait par connecteurs. Les câbles de liaison avec les installations extérieures (circuits de voie, feux routiers et barrières) aboutissent à un répartiteur qui est aussi fixé au châssis.

Ces groupes fonctionnels assurent, entre autres, l’alimentation du fonctionnement de l’ensemble, la commande des feux et de la sonnerie et la commande de la fermeture des barrières, 15 secondes après l’allumage des feux rouges, et de leur ouverture.

Mais le principal problème en ce qui concerne les passages à niveau n’est peut-être pas (comme on pourrait le croire) d’ordre technique !

L’élément humain aussi préoccupe les experts. L’automatisation fait lentement mais sûrement disparaître les dangers dus à une éventuelle négligence ou à une inattention du garde-barrière. Reste encore un aléa : l’usager de la route.

La plupart des accidents qui se produisent aux passages à niveau (les enquêtes le démontrent) sont le fait de la non-observance des signaux de protection.

Le grand souci des responsables de la S.N.C.B. est donc d’étudier la psychologie du conducteur d’automobile, de contribuer à son éducation et, en même temps, de rechercher et d’appliquer tous les perfectionnements susceptibles de pallier le plus largement possible les défaillances et la témérité humaines. Tout en apportant le moins d’entraves possible à la circulation.

Dans un système comprenant deux barrières partielles, la route est barrée à droite par une demi-barrière, dite d’amont. Mais la partie gauche de la route reste libre. Un véhicule engagé à la dernière minute sur les voies ne peut être pris au piège. Soupape de sûreté. Mais aussi tentation à laquelle certains automobilistes et le plus souvent encore certains motocyclistes ne résistent pas. Et d’obliquer vers la gauche et de se livrer à un dangereux slalom pour passer quand même in extremis. Une fraction de temps gagnée - si la chance sourit - mais aussi parfois une ou plusieurs vies perdues.

En rétablissant les deux demi-barrières d’aval, on supprime la tentation. Mais la sûreté doit demeurer : ces demi-barrières ne s’abaissent que quelques secondes après les demi-barrières d’amont ; la possibilité d’évacuation rapide d’un véhicule engagé est sauvegardée.

 Poste de commande centralisée de l’alimentation des caténaires.

L’électrification poussée du réseau ferroviaire belge a fait apparaître, au-dessus de la toile d’araignée des voies aux approches des grandes gares (le « gril » en langage de cheminot), une autre toile d’araignée. Les lignes caténaires distribuent aux locomotives et aux automotrices électriques du courant continu à la tension nominale de 3.000 volts. La transformation du courant alternatif, produit par les centrales, en un courant continu « de traction » s’effectue dans des sous-stations.

La zone électrifiée de Bruxelles est évidemment très importante ; elle comprend plusieurs sous-stations.

Un contrôle constant et efficace de l’alimentation des caténaires est indispensable dans une zone ferroviaire si fréquentée. La création du poste de commande centralisée de Bruxelles-Midi fut payante.

Cette installation permet de commander à distance les sous-stations et les postes de sectionnement, dont le plus éloigné - celui de Waremme - se trouve à plus de 75 km du poste de commande centralisée. Les postes de sectionnement sont situés, en règle générale, à mi-distance de sous-stations voisines ; ils sont chargés de mettre en parallèle, par l’intermédiaire de disjoncteurs, les quatre sections, de caténaires qui y aboutissent.

Comme un feu d’artifice perpétuel, les lampes s’allument et s’éteignent sur le grand tableau vert olive qui épouse la courbe de la paroi. Là, une disparition de tension est signalée sur une arrivée haute tension... Ici, la position de la manette de l’appareil est différente de celle de la manette correspondante du poste de commande. Un signal acoustique retentit.

L’artificier est un cheminot en blouse claire : le répartiteur qui assure l’alimentation et la surveillance des caténaires. L’ambiance de la salle est douce, ouatée.

Confortablement assis à sa table, le répartiteur a constamment sous les yeux - grâce à l’immense tableau mural - le plan schématique des installations caténaires appartenant à sa zone. Chaque voie électrifiée y est représentée par un trait, accompagné de nombres et de lettres correspondant aux isolateurs de section et aux câbles d’alimentation. La partie inférieure du tableau mural comprend les manettes nécessaires à la commande des disjoncteurs d’arrivée H.T., des groupes redresseurs et des disjoncteurs de câbles d’alimentation 3 KV. Des lampes permettent le contrôle des manœuvres effectuées. Toute fausse commande est exclue.

Le poste de commande centralisée de Bruxelles-Midi

Le répartiteur peut vérifier à chaque instant le bon fonctionnement de l’appareillage à l’aide de manettes, de boutons-poussoirs de contrôle. Des signaux visuels et acoustiques, déclenchés automatiquement, renforcent ce contrôle.

La télécommande et la télésignalisation s’effectuent à l’aide de trains d’impulsions de courant fournis par des sélecteurs « pas à pas » et des relais.

Ainsi, le bon fonctionnement de cet important secteur électrifié de la S.N.C.B. dépend, en fait, d’un homme isolé comme Robinson Crusoé sur son île.

Isolé ? Voire.

Le répartiteur a été doté d’un circuit d’appel sélectif « de régulation », sur lequel sont raccordés les sous-stations, les postes de sectionnement, certaines cabines de signalisation et les « dispatchers ». De plus, un circuit S.O.S. est raccordé aux postes téléphoniques d’alarme répartis le long des lignes.

Depuis une dizaine d’années, il dispose de communications « radio » avec les véhicules d’entretien des caténaires de la zone.

(A suivre.)


Source : Le Rail, mars 1970


[1Ce chiffre comporte uniquement les passages éliminés par construction d’ouvrages d’art, déviation de voiries ou autres moyens. Il ne tient donc pas compte des passages supprimés par désaffectation de lignes.