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Evolution de l’effectif

M. Vervoort.

mercredi 17 juillet 2013, par rixke

 Les 25 premières années : un début déconcertant

Lors de la création de la SNCB, le 1er septembre ’26 (n’ayons pas peur de le répéter), 119 886 agents ont été transférés des services de l’Etat dans ceux de la Société.

Avec le recul que nous confère le temps, le chiffre nous paraît particulièrement élevé et la Direction de l’époque a probablement eu la même impression. En effet voici ce qui se passe aussitôt. Ayant pour mission d’exploiter le chemin de fer d’une façon plus commerciale et industrielle, la Direction prend d’emblée une série de mesures énergiques destinées à rationaliser les méthodes de travail en vigueur dans le régime « Etat ». Aussi, entre autres choses, l’entretien des voies est organisé de tout autre manière et plus efficacement, les réparations du matériel sont centralisées dans un nombre plus restreint d’ateliers, la charge des trains est augmentée, certains services et bureaux sont regroupés, on met au point un système de roulements des équipes plus économique.

Simultanément, la Société prenait une série de dispositions qui, aujourd’hui nous font ouvrir de grands yeux et dont nous nous demandons encore comment elles ont été possibles.

Jugez-en sur pièces : pendant la première année d’exploitation, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 1927, pas moins de onze mille ouvriers provisoires ont été licenciés, environ dix-huit cents employés, dont l’âge se situait entre 60 et 65 ans, ont été mis d’office à la retraite, plus de mille ouvriers et employés ont été mis en disponibilité ou ont quitté la Société de leur plein gré parce que leurs attributions étaient supprimées. En outre, l’âge de la retraite était ramené de 66 à 65 ans, ce qui allait dans le sens de la diminution de l’effectif, puisque la plupart des pensionnés n’étaient pas remplacés. Il faut néanmoins insister sur le fait que tout agent touché par l’une, voire plusieurs, de ces mesures a été gratifié d’une bonification d’ancienneté ou d’une indemnité de licenciement, selon le cas. La chose mérite d’être soulignée.

En tout cas, c’était une opération énergique qui a eu pour effet de ramener l’effectif du personnel de 119 886 à 103 881 en 16 mois. En 1927 l’effectif moyen du personnel en service a été de 105 342 !

 La réduction du personnel continue

Cette tendance à la diminution de l’effectif, réalisée grâce à une politique rationnelle, s’est maintenue jusqu’en 1937, qui fut d’ailleurs la dernière année d’exploitation normale avant que n’éclate la guerre 1940-45. En ’37 donc, la SNCB n’employait plus que 85 929 agents. A noter ce fait important : malgré cette réduction draconienne de l’effectif, le personnel n’a jamais été victime de mesures arbitraires. Au contraire, le bien-être et la sauvegarde des droits des cheminots ont toujours été la première et la plus importante des préoccupations.

Ce souci social prend délibérément le dessus pendant les années de guerre. Et c’est ainsi que, presque inévitablement, le nombre d’agents s’accroît : en 1946, il y a au total à nouveau 97 862 cheminots. Il va de soi que cela est dû aux nombreux recrutements qui ont été effectués pendant les années sombres. La Société s’est laissé guider par un sentiment patriotique et humain, en soustrayant le maximum de jeunes gens au travail forcé auquel l’occupant les astreignait.

C’est aussi à cette époque-là (1940) que la Société a « repris » la Compagnie du Nord Belge.

 Les années d’après-guerre : des heures difficiles

Immédiatement après la guerre, la Société fut confrontée avec une tâche extrêmement lourde : les installations et le matériel se trouvaient dans un état déplorable, secoués qu’ils avaient été par les bombardements, sabotages, etc.

Pourtant presque aussitôt, un effort considérable était réalisé. C’est ainsi que, dès 1947, on pouvait remarquer une nouvelle régression du nombre de cheminots (91 698). Et, à la fin de 1951, on se retrouve avec un effectif global de 87 304 unités, malgré la reprise entre-temps de Malines - Terneuzen et de la Compagnie de Chimay.

 Vers le cinquantenaire

La Société, hormis la période de guerre, s’est toujours efforcée d’adapter, et avec le plus d’exactitude possible, ses effectifs aux nécessités du moment.

A cet égard, l’année 1951 est significative, dans la mesure où elle marque un tournant de l’exploitation ferroviaire. C’est l’époque des grands travaux d’électrification, de la dieselisation et de l’élimination de la « vapeur » qui avait pourtant constitué, pendant plus d’un siècle, le symbole même de l’activité ferroviaire. Les wagons et voitures sont renouvelés ; le service de la Voie acquiert des machines imposantes pour l’exécution des travaux d’entretien (notamment). La signalisation est modernisée ou renouvelée. Tout cela se fait progressivement mais provoque évidemment une modification dans les exigences techniques que demande l’équipement des gares et des services. Notons également au passage que l’électronique (et notamment le télex et l’ordinateur) s’installe en force. Dans tous les domaines, de nouvelles techniques sont étudiées et appliquées ; certains aspects des activités de la Société se trouvent profondément modifiés. Cet état de choses devait fatalement avoir des répercussions sur l’effectif. En clair, cela revient à dire que le travail lourd a été remplacé, en grosse partie, par des besognes spécialisées. On recrute désormais plus d’ouvriers qualifiés, de techniciens.

La rationalisation des activités ferroviaires allait de pair avec une diminution du nombre d’agents et ce, jusqu’en 1969 où l’effectif, qui était alors de 55 554 agents, a atteint son point le plus bas.

A ce moment, il y a, si l’on ose dire, un renversement de la vapeur. Le vieillissement du personnel se fait sentir de plus en plus et les emplois à combler posent de sérieux problèmes.

L’effectif qui avait jusqu’alors diminué régulièrement se remit à croître avec une constance analogue. C’est ainsi qu’en 1970, il y avait 56 685 cheminots ; 58 846 en 1971 ; 60 414 en 1975.

Les graphiques qui escortent cet article indiquent nettement cette évolution ; ils illustrent également le rapport qu’il y a entre l’effectif, le nombre de voyageurs/kilomètres et le nombre de tonnes/kilomètres.

 Anciennes et nouvelles qualifications

Certaines professions, qui se justifiaient à l’époque des pionniers, ont disparu sous l’effet de la mécanisation et des nouvelles méthodes d’exploitation qui en découlent.

Pour le prouver, il suffit d’énumérer quelques qualifications dont bien peu se souviennent : serre-frein, appareilleur-gazier, lampiste (ce subalterne à qui on faisait endosser tant de responsabilités), chauffeur, manœuvre-passeur de tubes à fumée des locomotives, vannier, cordier, bourrelier, couvreur, manœuvre de combustibles, etc.

Toutes ces professions ont été sacrifiées sur l’autel du progrès. Mais cela arrive fréquemment dans la vie, « il y en a qui partent et d’autres qui arrivent » : ainsi le médecin, l’infirmière, l’assistante sociale, l’hôtesse, le programmeur, le technicien-électromécanicien, l’ajusteur conducteur de véhicules rail-route, le conducteur de traction électrique... pour n’en citer que quelques-uns.

L’application du frein continu sur le matériel à marchandises, l’électrification, la traction diesel, la suppression de la traction à vapeur, le remplacement sur certaines lignes ou sections de ligne de trains par des autobus, l’adaptation des machines et de l’outillage, la réorganisation des ateliers, la mécanisation des opérations administratives, l’instauration et le développement des services médicaux et sociaux, etc. ont permis l’adaptation progressive du nombre d’agents, comme de la diversité des qualifications, aux nécessités de l’époque. A titre d’illustration, citons encore que, en 1926, la SNCB démarrait avec 119 886 unités, réparties sur environ 310 professions différentes, alors que, depuis le 1.1.76, 269 professions sont exercées par 59 931 cheminots.

Toutes les modifications, s’étendant sur une période de 50 ans, ont, ainsi qu’il a été dit plus haut, été réalisées méthodiquement et toujours en collaboration étroite avec les organisations reconnues du personnel ; jamais n’a été perdu de vue le souci de ne léser aucun des membres du personnel en quoi que ce soit.

Cinquante ans de SNCB ! Bien des choses ont évolué pendant ce temps-là. Et il faut bien dire qu’à plus d’une reprise certains augures ne donnaient pas cher de la vie de la Société. A l’heure actuelle pourtant, le vent souffle plus favorablement et même les pronostics les plus prudents prévoient, lorsque sera résorbée la récession économique que nous traversons (qu’elle nous quitte au plus tôt !) le début d’une ère florissante pour les transports publics. Il faut tout mettre en œuvre pour s’y préparer.


Source : Le Rail, juillet 1976