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Les gares de Bruxelles

G. Feron.

vendredi 3 octobre 2008, par rixke

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Après la défaite de Napoléon à Waterloo en 1815, les Alliés intégrèrent la Belgique au Royaume des Pays-Bas. La situation économique et financière de nos provinces était des plus lamentables. Pour y remédier, S.M. Guillaume Ier décida de doter nos régions de moyens de communications par voie d’eau. En 1816, on entreprit le creusement du canal de Bruxelles à Charleroi. En 1821. Thomas Gray et John Cockerill proposèrent au Roi de ne pas mettre la tranchée sous eau mais d’y placer des rails pour permettre la circulation de trains en traction hippomobile. Ce projet fut rejeté. En 1830, nos provinces accédèrent à l’indépendance. Après la joie vint l’angoisse car la situation économique empira surtout par suite de gros problèmes avec nos voisins du Nord.

En Grande-Bretagne, les chemins de fer avaient pris un essor formidable. Nos gouvernants virent dans ce mode de transport révolutionnaire la possibilité de résoudre nos problèmes. Les ingénieurs Simons et De Ridder furent dépêchés en Angleterre pour y étudier la question. Enthousiasmés, ils revinrent au pays avec un formidable projet visant à réaliser ce qu’on appela le Rhin d’acier. Les Chambres purent se mettre assez rapidement d’accord sur l’idée d’un chemin de fer national, mais les discussions s’éternisèrent sur le point de savoir si le réseau serait construit et exploité par l’Etat ou par le Privé.

Bruxelles-Nord

 L’Allée Verte

Les travaux furent poussés activement et le 5 mai 1835 on put procéder à l’inauguration du premier tronçon reliant Bruxelles-Allée Verte à Malines. L’Allée Verte, sise près du canal de Bruxelles à Willebroek, à l’ouest de la ville, était la promenade préférée des Bruxellois. La première gare, nom bien prétentieux pour un modeste pavillon en planches abritant le vendeur de billets et une place entourée d’une clôture, fut installée à cet endroit. On y trouvait trois voies parallèles en impasse. Un temps magnifique favorisa le rassemblement de marées humaines venues assister au départ des premiers trains.

Le roi Léopold Ier était présent mais il ne participa pas au voyage inaugural. Les locomotives « La Flèche », « Stephenson » et « l’Eléphant » remorquèrent les trois trains emportant 900 invités. La distance Bruxelles - Malines fut couverte en 45, 50 et 55 minutes. Au retour les trois convois furent réunis en un seul et remorqués par « l’Eléphant ».

En arrivant à Vilvorde, la machine tomba à court de vapeur. Il fallut prendre de l’eau, refaire la vapeur et repartir. Devant le retard pris sur l’horaire prévu on commença à s’inquiéter à Bruxelles, mais bientôt on put percevoir les coups de sifflet de la locomotive et c’est dans un enthousiasme délirant que les participants débarquèrent, fiers d’avoir participé à cette grande première qui allait tellement marquer la vie du pays. C’est le lendemain que naquit le tourisme ferroviaire. En quelques mois, plus de 150 000 curieux firent le voyage jusqu’à Malines. Il fallut même prendre des mesures énergiques pour mettre fin à un florissant marché noir de tickets de chemin de fer.

Bruxelles-Midi

Un service d’omnibus circulant en ville amenait les voyageurs à l’Allée Verte.

Bien vite il fallut procéder à des aménagements des installations primitives. Bruxelles-Allée Verte était dépassée par les événements et la construction d’une plus grande gare s’imposa. L’Allée Verte deviendrait alors une gare réservée aux marchandises. Durant la première guerre mondiale, les Allemands l’aménagèrent en faisceau pour trains de munitions. Après la tourmente, la gare devint une dépendance de Bruxelles Nord. Elle fut rouverte au trafic « voyageurs ». Chaque jour, environ 5 000 travailleurs venant surtout de la région de Zottegem et que l’on appelait « Platteblokken » y débarquaient.

Le samedi 16 janvier 1954, vers 16 heures, le dernier convoi quitta l’Allée Verte sous le regard triste de son dernier chef et de son supérieur, le chef de gare principal de Bruxelles Nord. A minuit, la gare fut fermée définitivement. Lors de l’exposition de 1958 on y aménagea un héliport.

Uccle Calevoet

 L’ancienne gare du Nord

Lorsque la construction de la gare du Nord fut décidée afin de remplacer les modestes installations de l’Allée Verte, il fallut faire l’acquisition des terrains nécessaires. Par arrêté royal du 15 juillet 1839, il fut procédé à l’expropriation d’un terrain de 7,5 ha au pied du Jardin Botanique, dans la vallée de la Senne, le long de l’enceinte de la ville et dans la prolongation de la longue rue Neuve.

La pose des voies commença immédiatement. Le 28 septembre 1841, S.M. le roi Léopold 1er posa la première pierre du bâtiment conçu par l’architecte Coppens, mais la construction effective ne commença qu’en 1846. Le service des trains démarra le 1er novembre 1841. En 1842, on compta 437 425 voyageurs au « Nord ». L’inauguration officielle eut lieu en mars 1846, mais les travaux ne furent terminés qu’en 1862. La façade, côté place Rogier, était bien connue des vieux Bruxellois. Elle comportait une partie centrale encadrée de deux pavillons. Des bas-reliefs dus à Eugène Simonis remplissaient les éminçons des fenêtres cintrées des pavillons et symbolisaient l’Escaut, la Meuse, la Seine el le Rhin. La partie centrale s’ornait de huit statues, à savoir au rez-de-chaussée : le Commerce, l’Industrie, l’Agriculture et les Arts, de Joseph Geefs, et à l’étage la Fraternité, l’Abondance, la Paix et le Progrès, de Fraikin.

La vieille gare du Nord disposait de 27 voies en impasse, recouvertes d’une immense marquise comme il y en a encore dans certaines grandes gares (à Anvers p. ex.). A partir de 1871, elle sera reliée au Midi par la ligne de ceinture Ouest. Pour aller d’une gare à l’autre, les voyageurs prenaient, néanmoins et selon l’époque, les fiacres qui empruntaient les boulevards du centre, les trains, les autobus ou les taxis. Souvent ils préféraient aller à pied pour faire du lèche-vitrine ou pour économiser le pris du transfert. Lorsque les travaux de la Jonction Nord-Midi eurent relégué la vieille gare du Nord au rang d’un monument inutile et branlant, on y porta la pioche et en 1955 ce témoin du passé disparut définitivement pour faire place au complexe Rogier. dit Tour Martini.

La nouvelle gare fut construite à environ 300 m en retrait par rapport à l’emplacement de l’ancien bâtiment, en direction de Schaerbeek.

 Les Bogards et le Midi

De 1835 à 1840, le réseau s’était étendu vers Anvers et toujours en partant de Malines, vers Louvain, Tirlemont, Landen, Saint-Trond, Waremme, Ans et Liège, et vers l’ouest : à Termonde, Gand, Bruges et Ostende. On songea également à réaliser le réseau prévu vers la France et un premier tronçon de cette ligne, c’est-à-dire de Bruxelles à Tubize, fut ouvert au trafic le 18 mai 1840. Cette amorce de la ligne de Paris fut inaugurée en même temps que la première gare du Midi, dite gare des Bogards, à l’endroit de la Place Rouppe et de l’Avenue de Stalingrad. A cette époque, cet endroit était encore couvert de prairies délimitées par les rues Terre-Neuve, des Bogards, la Senne et les boulevards.

Au début de l’exploitation ferroviaire, les villes prélevaient d’importantes taxes sur la circulation. Afin d’éviter l’octroi mais aussi en fonction de considérations d’ordre militaire, les gares furent généralement construites à proximité des villes mais toujours en dehors des murs. Pourtant, la gare des Bogards fut construite intra munis avec l’accord de la ville de Bruxelles qui accepta même d’intervenir pour un tiers dans les frais de construction, tout en maintenant la gare en dehors de l’octroi. Par la même occasion, la ville insista à nouveau pour la réalisation d’une jonction entre le Nord et le Midi.

Le bâtiment des recettes et un atelier de réparation du matériel roulant se trouvaient respectivement à l’emplacement des actuels magasins Vandenborre et des locaux du parti communiste belge. Là où nous pouvons encore voir les anciens bâtiments du complexe administratif de la ville, il y avait une grande remise. Notons en passant que les premiers trains de nuit furent mis en service à partir de l’année 1840 et que la gare des Bogards fut raccordée à l’Allée Verte par une première jonction posée à même les boulevards et qui servit de 1841 à 1871. La gare des Bogards, comme celle de l’Allée Verte, devint rapidement trop petite. De nombreuses constructions avaient été érigées aux abords de la Place Rouppe et il fallait pourtant se résoudre à étendre les installations ferroviaires. L’Etat acquit des terrains dans les marais de la Senne en dehors de l’enceinte de la ville. La nouvelle gare du Midi, conçue par Auguste Payen, fut terminée et mise en service en 1869.

Le bâtiment, dont nous retrouvons la silhouette dans plusieurs œuvres du peintre Paul Delvaux, n’était pas particulièrement beau. Seule son entrée monumentale avait réellement de l’allure. C’était un arc de triomphe à colonnes corinthiennes dont Ducaju avait assuré la décoration sculpturale en y représentant des allégories de l’Industrie métallurgique, de l’Industrie houillère, du Commerce maritime et des Industries diverses. Un attique, situé au-dessus de l’entablement, était décoré de quatre figures symbolisant les Chemins de fer, les Canaux, la Poste et le Télégraphe. Un char ailé monté par un génie représentait les progrès réalisés grâce aux chemins de fer. Lorsque cette gare fut démolie, il y eut des tractations avec la ville de Gand qui se disposait, moyennant paiement du franc symbolique, à racheter le fameux portique. Les frais de démontage, de transport et de reconstruction étaient tellement élevés, que le projet fut abandonné. Par contre, nous pouvons toujours admirer au parc de la Dodaine à Nivelles, la statue représentant les chemins de fer, appelée Déesse du Rail par les uns, Déesse des Machinistes par les autres à cause de la locomotive qu’elle tient dans les bras comme une poupée.

Déjà, à cette époque, la gare du Midi était la plus grande gare à voyageurs du pays. Comme la gare du Nord elle disparut par suite des travaux de la Jonction pour faire place en 1949 à l’actuelle construction conçue par les architectes Blomme et Petit. Rue de France, à proximité de la gare, se trouvent actuellement les bâtiments de direction de la SNCB. A cet endroit, il y avait naguère un moulin à eau, le Nieuwmolen, où l’on fit encore moudre du blé en noir bien sûr, durant la dernière guerre. Dans la Senne, à côté du moulin, on avait aménagé un bassin de natation. Sur ordre de la police le port du caleçon de bain y était obligatoire sous peine de poursuites.

 Le Quartier-Léopold

Bruxelles- Quartier Léopold, maintenant Luxembourg

Lorsque le réseau atteignit les quatre frontières du pays, le programme prévu initialement par la loi du 1er mai 1834 put être considéré comme virtuellement réalisé. Devant le succès remporté par le rail, les détenteurs de capitaux sentirent croître leur vocation ferroviaire. Les demandes de concessions affluèrent et l’Etat leur réserva bien trop facilement une suite favorable qu’il eut souvent à regretter.

La première concession touchant Bruxelles fut accordée par arrêté royal du 18 juin 1846 à MM. Closmann et Consorts. Elle visait à accorder à cette société anglaise une concession pour l’établissement d’une ligne de chemin de fer entre Bruxelles et le Grand-Duché en passant par Namur et Arlon. Cette compagnie intéressait les Anglais car elle mettait à leur disposition une liaison ferroviaire via Trieste qui leur permettait d’atteindre plus rapidement leur empire. Le cahier des charges prévoyait que le point de départ serait situé à Bruxelles. Pour la construction de la gare du Luxembourg, appelée maintenant Quartier-Léopold, la Compagnie acheta des terrains appartenant à l’Hospice Sainte-Gertrude (arrêté royal du 2-11-1846). Les travaux commencèrent le 30 novembre 1846. La gare occupait un vallon dominant l’ancien jardin zoologique, remplacé par l’actuel parc Léopold. Le bâtiment réalisé en pierre de taille existe encore de nos jours. Il donne toujours une impression d’inachevé. Il semble en effet que deux ailes devaient s’ajouter à la construction que nous connaissons. Le premier tronçon de Bruxelles Q.-L. à La Hulpe fut inauguré le 12 août 1854.

Le Quartier-Léopold fut raccordé au réseau de l’Etat le 24 novembre 1866. La majeure partie de cette jonction fut réalisée en tunnel sous l’avenue Dechanel pour remonter en surface à la Cage aux Ours à Schaerbeek. Il y avait plusieurs gares ou points d’arrêt sur cette ligne, notamment rue Royale - Sainte-Marie, rue Rogier, à la chaussée de Louvain et à la rue de la Loi, à proximité de l’actuel « Résidence Palace ». La gare de Bruxelles-Chaussée de Louvain à Saint-Josse-ten-Noode existe toujours mais peu de gens s’en rendent compte en regardant cette construction en style nougat au bas de la chaussée de Louvain, au coin de la rue Wouwermans. Comme la gare d’Etterbeek, Bruxelles-Chaussée de Louvain était construite en selle sur les rails. Deux verrières protégeaient les voyageurs descendant vers les quais. Située à environ 800 m de la caserne de la Place Dailly, une consigne avait été établie en vue de l’utilisation de la gare pour l’embarquement rapide des carabiniers, les « carapates » comme disaient les Bruxellois, si nos ploucs avaient eu à se rendre d’urgence à l’un ou l’autre endroit de notre territoire.

Bruxelles-Allée Verte

 Schuman

Plus proche du Quartier-Léopold, nous voyons se développer une nouvelle gare, celle de Bruxelles-Schuman, desservant les communautés européennes du Berlaimont. Les deux voies actuelles seront bientôt complétées par deux voies en impasse pour la réception des trains, de telle manière qu’on n’ait pas à les expédier dans la Jonction Nord-Midi à l’heure de pointe, donc à l’heure de saturation. Schuman est également une gare commune du métro bruxellois et à la SNCB.

Lors de sa mise en service on y comptait 7 000 voyageurs par jour. Actuellement, ce nombre est monté à 16 500. A Etterbeek, dans le quartier des casernes et de l’actuel campus universitaire de l’ULB-VUB, une nouvelle gare est venue remplacer l’ancienne, réalisée dans le même style que les bâtiments militaires voisins et appelée en son temps « Etterbeek-Casernes ». Sur le territoire de la commune d’Etterbeek il y avait jadis une gare connue sous le nom d’ « Etterbeek Cinquantenaire » et « Etterbeek Cinquantenaire Marchandises » où nous trouvons actuellement la gare « Merode » commune à la SNCB et au Métro.

 De la jonction dans l’air

Malines devait être le point central du réseau. N’y avait-on pas planté la colonne militaire en 1835, non seulement comme monument commémoratif, mais aussi comme borne 0 du réseau. Pour se rendre de Bruxelles à Cologne ou à Ostende, il fallait toujours passer par Malines. Lorsque Le Hardy de Beaulieu projeta, en 1855, la construction d’une Jonction Nord-Midi avec gare centrale au cœur de la cité, il fit remarquer qu’il fallait en même temps réaliser une liaison directe entre Louvain et Bruxelles en passant par Kortenberg. Le bourgmestre de cette localité, Monsieur Hensmans, maître des Postes, ne perdit pas de temps. Il introduisit immédiatement une demande de gare à Kortenberg, à la limite de sa commune et de Nossegem. Il était conscient que les malles-poste étaient condamnées, mais à l’endroit où il recommandait la construction d’une gare, les registres du cadastre nous apprennent qu’il possédait de vastes terrains que la réalisation du projet aurait valorisés. La ligne directe en question ne sera pas réalisée avant la fin de l’année 1866 et la gare sera située plus en direction de Louvain.

En 1856, la capitale sera reliée directement à Gand via Denderleeuw et Schellebelle. C’est à cette occasion que seront créées les gares de Laeken, Jette, Berchem-Sainte-Agathe et Dilbeek.

A proximité de la gare de Laeken, le roi Léopold II fit construire une gare royale qui existe toujours, mais qui ne sert plus que sporadiquement depuis qu’il y a des salons royaux dans les principales gares de la capitale. Le Roi aimait les chemins de fer et dans le parc de Laeken on peut toujours voir les vestiges de chantiers pour la réalisation d’un raccordement ferroviaire avec le Palais. Les travaux furent arrêtés dès l’annonce de son décès. Léopold II voulait aussi une jonction est-ouest avec des voies passant sous le palais royal et une gare centrale à proximité de la Putterie.

1866 sera aussi l’année de l’ouverture de la ligne de Bruxelles-Bogards à Tournai via Forest Midi où on peut toujours voir le bâtiment au style très particulier à la mode à cette époque.

En 1871, l’ouverture de la ligne de ceinture ouest par Bruxelles Petite-Ile, Curegem, Bruxelles Ouest et Pannenhuis, sonna le glas de la première Jonction Nord-Midi par les Boulevards. Dans un proche avenir, cette ligne de ceinture sera ouverte à un important trafic « Voyageurs » comme ce fut le cas pour la ceinture est, avec gares communes rail-métro à Bockstael.

Bruxelles-Midi

En 1873, l’ouverture d’un tronçon Bruxelles Midi - Nivelles constitua une première étape de la ligne vers Charleroi. En observant les gares de Uccle-Calevoet et de Stalle, on est frappé par la ressemblance qu’elles présentent avec celles de Veltem, Kortenberg, les anciennes gares de Zaventem et Diegem, et autres du genre. On peut suivre ainsi sur le réseau le règne et l’empreinte de certains architectes des chemins de fer. A Diegem, nous trouvons maintenant une coquette gare de conception moderne. Par contre, à Zaventem, le nouveau complexe réalisé en acier rouillé se situe à l’avant-garde de l’architecture mais ne compte pas que des admirateurs.

En 1881, Bruxelles Nord fut raccordé à Termonde via Laeken, Jette, Zellik et Asse.

 Schaerbeek

A l’origine, nos chemins de fer furent essentiellement conçus pour assurer le transport des marchandises, mais après l’inauguration de la première ligne en 1835, l’engouement des voyageurs pour le nouveau mode de transport fut tel que l’accessoire devint rapidement l’essentiel. Pourtant, une grande ville comme Bruxelles reçoit et expédie de grandes quantités de marchandises. En conséquence, chaque gare avait été pourvue de voies et de halles à marchandises. Il fallut néanmoins repenser le problème et concevoir des gares spécialisées répondant mieux aux exigences du trafic moderne. Pour la formation et le triage des trains de marchandises, il faut de vastes étendues. Un tel emplacement fut trouvé au nord-est de Schaerbeek. Au début de l’ère ferroviaire, cette localité comptait à peine 2 000 habitants. Au point de vue chemin de fer on y disposait d’une halte avec un modeste baraquement en planches. A partir de 1880, on entreprit la construction d’une gare de formation et de triage. Bien vite, on y construisit également une remise aux locomotives, un atelier de réparation de voitures et de wagons, des faisceaux de garage pour les rames de Bruxelles Nord. Actuellement on y trouve aussi, à la limite de Haeren, un vaste dépôt de la voie où l’on prépare les rails longs soudés. En tout, ces installations couvrent une superficie de 244 ha. En importance, Schaerbeek se classe en 2e position après Anvers Nord. N’oublions pas en effet qu’en période normale, on y traite environ 3 000 wagons par jour et que cette gare constitue une escale importante du réseau TEEM. Schaerbeek est aussi le siège d’un centre moderne pour la gestion du parc à wagons par ordinateur. La gare de formation est reliée au port et à l’avant-port ainsi qu’au réseau privé du chemin de fer « Londerzeel-Vilvorde », créé en 1908. La gare de Schaerbeek Josaphat, sur la ligne de ceinture Est, est une antenne-marchandises de la grande gare de formation. On y reçoit essentiellement des charges complètes de Ludwigshafen et des marchandises destinées aux centres routiers du réseau. En fait, les voyageurs ne connaissent que la gare de Schaerbeek Sud mise en service en 1913. Elle fut conçue par l’architecte des chemins de fer de l’Etat, Franz Seulen. C’est d’ici que partent la plupart des TAA (Trains-Autos Accompagnées) qui emportent les touristes et leur auto vers le soleil.

Bruxelles Chaussée de Louvain

 Tour et Taxis et Petite Ile

Après leur réception et triage à Schaerbeek Formation, les véhicules, transportant les marchandises à dédouaner, sont transférés à Bruxelles Entrepôt ou à Tour et Taxis selon le cas.

Cette gare, ouverte en 1907, avec ses grandes verrières, nous fait penser aux grandes gares d’antan. Avec Anvers Central, elle est d’ailleurs la seule gare du réseau à disposer encore de voies couvertes à la mode rétro. Chaque jour environ 1 400 wagons y sont traités. Bruxelles TT est le plus grand centre routier du pays puisque la zone desservie s’étend sur 600 km2 et que plus de 200 camions et camionnettes assurent la liaison avec plus de 2 500 clients. Afin de dégager cette gare, certaines de ses activités furent transférées à Bruxelles-Petite Ile, gare de marchandises qui est également le siège de l’imprimerie centrale des chemins de fer et du dépôt central des imprimés.

Chose qui vous paraîtra étrange, c’est l’existence de gares sans rails. Je pense, par exemple. à Bruxclles-Duquesnoy et Bruxelles-Chartreux, gares dont on peut encore voir les vestiges et qui étaient de vastes bureaux d’acceptation et de remise à domicile de colis. La liaison avec les « vraies » gares se faisait par porteurs ou par charrettes bâchées tirées par de robustes chevaux brabançons. Nous avons déjà fait allusion à la fameuse ligne de ceinture Ouest conçue pour résoudre, si possible, l’épineux problème de la jonction entre les gares du Nord et du Midi.

 La ceinture Est

Cette ligne n’apporta pas la solution espérée, mais elle fut néanmoins très utile pour le transfert du matériel, le transit des trains de marchandises et la desserte de la périphérie. On envisagea donc une solution identique à l’Est de la ville, ce qui fut fait en 1930 par la création d’une ligne de Vilvorde à Schaerbeek Formation et de cette gare à Hal en passant par Schaerbeek Josaphat, Beersel et Huizingen.

Signalons en passant que c’est vers la même époque, en 1933, plus précisément, que fut réalisée la ligne directe entre Bruxelles Midi et Gand en passant par la vallée de la Pede. Du viaduc créé pour franchir les marécages, on a une vue magnifique sur la toute belle chapelle de Pede-Sainte-Anne représentée par Bruegel dans deux de ses tableaux.

Mais revenons, à notre ceinture Est. Nous y trouvons le tunnel du Cinquantenaire long de 1 716 m.

C’est en 1890 qu’if fut décidé de réaliser une jonction à l’Est de l’agglomération bruxelloise. Les travaux avancèrent avec une lenteur navrante. En 1896, on avait réalisé à peine 200 mètres du tunnel à construire sous la chaussée de Tervuren. Les travaux s’inscrivaient dans le cadre de l’aménagement de cette importante artère urbaine. En 1911.il fut procédé à des adjudications pour la poursuite des travaux. Diverses méthodes furent essayées mais les chantiers furent abandonnés très rapidement. Les travaux reprirent en 1925 et furent menés à bonne fin en 1926. La nouvelle ligne du métro vers Auderghem et Woluwe devait croiser cette ligne à hauteur de la gare de Bruxelles Cinquantenaire-Marchandises.

La SNCB décida de réserver cet emplacement pour la réalisation de la gare commune dite de « Merode ».

En 1973, le tronçon Etterbeek - Hal de la ligne 26 fut ouvert au trafic voyageurs, afin de décharger si possible la jonction Nord-Midi. De nouveaux points d’arrêt furent crées à Uccle-Saint-Job, Moensberg, Beersel et Huizingen. En 1976, une mesure identique fut prise sur l’autre tronçon reliant Etterbeek à Vilvorde avec arrêts à Delta, Merode, Meiser, Evere-Bordet et Machelen. Nous ne pouvons pas dire que le succès soit grand.

Il y a donc des gares communes entre la SNCB et le Métro à Merode, Schuman, Central. Lorsque le métro sera prolongé jusqu’à Molenbeek, il y aura là aussi une gare commune, notamment « Bockstael ». Haeren-Tilleul, sur la ligne 26, est une installation d’apparence modeste. C’est pourtant de cette gare que partent des quantités industrielles de witloofs vers l’étranger.

Jusqu’il y a peu, l’aérodrome de Bruxelles National était un des seuls au monde à disposer d’un raccordement ferroviaire avec le cœur de la capitale.

Ce sont les Allemands qui, en 1942, eurent l’idée de créer un raccordement ferroviaire entre la gare de Zaventem et l’aérodrome militaire de Melsbroek. Cette liaison fut reprise et modifiée, améliorée et électrifiée par la SNCB. D’autres pays comme la France, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne viennent de reprendre cette idée à leur compte. Je m’en voudrais de ne pas vous parler de l’ancienne ligne de chemin de fer de Bruxelles à Tervuren, d’autant plus émouvante que ses derniers vestiges disparaissent les uns après les autres et à rythme accéléré.

 Bruxelles - Tervuren

En 1870, le Baron Cartier et les habitants de Watermael, de Boitsfort et d’Auderghem introduisirent une demande de concession pour la création de cette ligne. L’Etat ayant décidé, en 1870, de procéder au rachat de toutes les lignes qu’il avait concédées à partir de 1842 ne put, par conséquent, réserver une suite favorable à cette demande. La Banque de Bruxelles finança, à partir de 1877, la réalisation du projet pour le compte de l’Etat. Le premier tronçon de Bruxelles QL à Auderghem fut ouvert au trafic le 9 juin 1881, le jour même du centenaire de la naissance de G. Stephenson. L’année suivante, le rail arriva à Tervuren. En 1926, en dérogation au cahier général des charges de 1866 et en vertu d’une loi, l’Etat céda ses droits à la Compagnie du Chemin de Fer Economique de Bruxelles à Tervuren (Electrorail) pour la création d’un chemin de fer privé. La ligne fut électrifiée à partir de 1931. Les trains ressemblaient à s’y méprendre aux rames du métro de Paris. Il y avait des gares à Etterbeek, Watermael, Auderghem-Chaussée de Wavre, Auderghem, Woluwe-Chaussée, Woluwe-Gare, Kapelleveld, Stockel, Wezenvbeek-Ophem, Sterrebeek et Tervuren.

Les gares étaient de modestes constructions assez semblables à celles de l’Etat. A Tervuren, point terminus, et dépôt de la ligne, il y avait d’assez importantes constructions. La gare faisait penser à un gros chalet de style suédois et je me suis laissé dire que le toit était en bois. Au Quartier-Léopold le « B.T. » disposait de voies et quais en impasse. On les quittait en empruntant un escalier couvert et une construction accolée à la gare en forme de véranda. Le dernier convoi quitta Tervuren le 31 décembre 1958. La S.N.C.B. reprit alors la ligne pour l’exploiter comme raccordement industriel, mais en 1970 il fut mis fin à cette exploitation peu rentable. Depuis lors, les ouvrages d’art ont disparu, l’assiette a été remise à la STIB ou vendue.

Bruxelles Tour et Taxis

Dans la même région, partant de la charmante gare de Groenendaal, sise au milieu de la forêt de Soignes, un raccordement fut créé en 1892 pour la desserte de l’hippodrome. La petite gare est tout ce qu’il y a de plus rétro. Face à la gare de Groenendaal, nous avons connu une autre ligne aux caractéristiques exceptionnelles, c’est-à-dire la ligne vicinale à écartement normal de Groenendaal à Overijse via Hoeilaart et Zavelenborre. Il n’y eut que 4 lignes de ce type en Belgique (Dohain - Poulseur-Anvers Ijskelder).

Tuée par le progrès, les tarifs de la CEE et l’autoroute, cette ligne fut fermée au trafic comme quasi toutes les autres de la S.N.C.V. Elle eût été digne de devenir un musée vivant de la vapeur, comme il fut suggéré un instant. Les gares de Hoeilaart et le dépôt d’Overijse étaient d’un type simple mais en parfaite harmonie avec la région. De vieilles photos nous montrent, plus près de Bruxelles et perdue au cœur des bois, la halte de Boitsfort-Forêt, aujourd’hui disparue. A mon avis elle a pu inspirer le grand Paul Delvaux lorsqu’il peignit sa poétique gare forestière.

Nous sommes au terme de notre promenade, et avant de nous quitter, j’aurais voulu encore vous emmener dans la Jonction Nord-Midi.

Mais Le Rail y a consacré un numéro spécial en septembre ’77, pour célébrer le 25e anniversaire de la jonction en question. Pour terminer, je voudrais encore vous apporter quelques précisions au sujet de l’importance des installations ferroviaires de l’agglomération bruxelloise en vous disant qu’elles occupent 4,5 % de la surface totale, soit environ 7 km2 sur les 161 km2 du Grand Bruxelles. Nous y dénombrons 27 gares et dépendances et 9 points d’arrêt. Il faut avoir visité une de nos grandes gares vers 8 heures du matin ou 5 heures de l’après-midi pour se faire une idée de la vie des abeilles ou des fourmis.


Source : Le Rail, août 1979