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Un quart de siècle de trans europ express

mercredi 1er janvier 2014, par rixke

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Qui ne connaît le Trans Europ Express, une variante moderne de Pullman d’avant guerre, qui célèbre cette année son 25e anniversaire ? Le TEE, né en effet en 1957, est devenu au cours de ses 25 ans d’existence, le symbole du voyage rapide et confortable.

Certaines liaisons connaissent un grand succès (Bruxelles - Paris, par exemple). Sur d’autres lignes, il existe tout simplement ; mais parfois aussi il ne parvient pas à s’affirmer et il disparaît définitivement, cédant la place à un train Intercity, plus social grâce à ses deux classes.

D’aucuns prétendent que le TEE est voué à la disparition, que son temps est révolu. D’autres en garantissent indéniablement un avenir sur certaines liaisons. Il est peut-être intéressant, à l’occasion de ce jubilé, de rappeler les buts qu’on s’était proposés à l’origine et de voir ce qu’il est advenu.

l’Etoile du Nord à Bruxelles Midi

 Projet néerlandais

L’idée d’un train spécial rapide luxueux pour voyageurs de première classe a été lancée en 1954 par le directeur général de l’époque des Chemins de fer néerlandais, le Dr.Ir.F.G. den Hollander.

M. den Hollander lançait en ’54 l’idée d’un train de voyageurs rapide et luxueux

On ne parlait alors que d’un « Europ Express », le « Trans » étant venu s’ajouter par après. Enthousiasmée par l’idée de vitesse et de luxe qui auréolait le projet, la presse réagit favorablement. Quelques titres en font foi : « Plan néerlandais pour accélérer la circulation européenne des trains », « Europe Express » provoque le rapprochement de six pays », et « Le train doit devenir un avion sur roues » ...

Les trains TEE de l’avenir allaient en effet rapprocher les divers pays, mais à l’origine, den Hollander ne voyait pas les choses de la même façon que ses collègues européens. En bref, il imaginait des trains rapides de jour, avec restauration et conditionnement d’air, roulant quotidiennement, avec arrêt réduit aux frontières et contrôle des papiers et des bagages pendant le parcours, hôtesse pour les petits services, mise à disposition de littérature et système rapide de réservation.

Il faudrait évidemment des trains diesel à composition fixe puisque à beaucoup d’endroits les parcours prévus ne permettaient pas la circulation de trains électriques. Le TEE couvrirait normalement une distance ne dépassant pas 500 km et son aspect, aussi bien extérieur qu’intérieur, serait le plus possible uniforme. den Hollander lui, ne voyait dans son esprit qu’une seule compagnie d’exploitation indépendante - à l’instar de Intercontainer - qui ferait construire le matériel, exploiterait le produit TEE tout en veillant sur sa qualité.

Cela ne s’est pas passé tout à fait de cette manière... La Société séparée n’obtint pas l’autorisation des Ministres des Transports. Seuls, les Allemands, les Néerlandais et les Suisses projetaient un tout nouveau train et il n’y eut que les Néerlandais et les Suisses pour se trouver d’accord au sujet d’une construction commune et d’une exploitation uniforme. La Belgique et le Luxembourg ne participèrent pas à la construction du matériel étant donné que, dans le concept TEE, ils se considéraient comme des pays de transitaires, (plus tard, la Belgique et la Suisse ont également investi dans les nouvelles voitures françaises).

Les Français eurent en effet tôt fait de construire un « train » en 1956, mais celui-ci n’avait pas de conditionnement d’air alors que les repas étaient servis sur place. Les Italiens firent quelque chose de semblable mais tout de même quelque peu différent.

L’homogénéité se retrouvait uniquement dans la peinture, ce qui fit dire, lors de l’inauguration, au directeur général de la SNCF, Louis Armand, cet éminent Européen : « Nous faisons exactement le contraire de l’aviation. Là on commande à une usine un type d’avion, et après la livraison on lui confère avec le pinceau une caractéristique propre. Nous, par contre, nous essayons de masquer notre diversité dans l’aspect extérieur et la conception, en utilisant le même pot de couleur pour du matériel totalement différent ».

Ce n’était que trop vrai, et il est regrettable que Louis Armand, protagoniste de l’uniformisation, ait vu apparaître, les années suivantes, encore plus de diversité dans l’aspect extérieur comme dans l’exploitation.

 TEE le plus international.

Au départ, il y avait une tendance avérée en faveur d’un réseau uni de trains TEE. La première année, dix trains firent leur apparition. Toutefois, l’Italie demeurait à l’écart jusqu’en 1961, année où les Suisses introduisirent les rames électriques polycourant. Dès lors naquit réellement un réseau de trains TEE qui a subi pas mal de modifications durant un quart de siècle. A un certain moment, il n’y eut pas moins de 45 trains TEE en exploitation. Ce nombre est actuellement ramené à 29.

 Incorporation de trains du service intérieur.

Retour au 2 juin 1957, date du premier TEE. Bruxelles et Anvers virent arriver le premier Ile de France de Paris, passer l’Edelweiss et l’Etoile du Nord et suivirent le soir au garage le premier Oiseau Bleu à Schaerbeek.

Dans les années qui suivirent, le nombre de TEE augmenta régulièrement, avec l’introduction des trains de luxe des services intérieurs en France, en Allemagne et en Italie. Un peu avant, le réputé Rheingold avait acquis la dignité de TEE, avec sa voiture panoramique et sa voiture-restaurant et une cuisine à deux étages.

le Rheingold en gare de Genève

Pour les TEE nationaux, on laissa naturellement tomber le préfixe « Trans ».

L’offre d’origine « première classe uniquement » a été maintenue, ce qui est sans équivoque.

En parcourant la liste de trains TEE du service d’été actuel, on y retrouve encore douze TEE internationaux, mais pas moins de dix-sept TEE nationaux, même après la suppression des Ligure et Lemano italiens et du Friedrich Schiller allemand.

 Bruxelles-Paris : la ligne la plus fréquentée.

A propos de la diversité du matériel, il y aurait beaucoup à dire : les rames diesel allemandes type VT 11, les voitures françaises de grand confort avec leur tachymètre dans la voiture-restaurant, le « Brabant » qui débuta comme un ordinaire train-RIC mais avec un restaurant bleu (avec supplément complet). La Deutsche Reichsbahn n’a jamais adhéré au Groupement TEE, mais présenta en 1957 son Vindsbond de Berlin à Vienne ainsi que le Sassnitz de Stockholm-Sassnitz à Munich.

Citons encore quelques curiosités dans l’exploitation journalière, qui en valent la peine.

Ainsi, saluons le trajet le plus fréquenté de tout le réseau TEE : Bruxelles - Paris. Avec actuellement six relations TEE dans chaque sens, on transporte en moyenne 200 voyageurs par train. Lorsque le nombre des TEE était encore limité à 4, les trains du soir de 15 voitures (bourrées) ne constituaient pas l’exception. Les cuisiniers des deux voitures-restaurants en service préparaient et servaient alors quelque 300 dîners, avec le tintouin qu’on imagine. Grâce à l’adjonction des TEE Memling et Rubens, les choses se sont quelque peu arrangées.

Il y eut par la suite pas mal de combinaisons, et même assez exceptionnelles. Ainsi, entre Paris et Mulhouse, pendant plusieurs années, le TEE Arbalète fut accouplé à une rame verte du service intérieur. De même le Parsifal et le Diamant ont longtemps roulé comme un seul train entre Liège et Cologne. Une autre solution économique : En Suisse on coupla l’Helvetia (allemand) entre Bâle et Zurich à l’Arbalète (français).

 Hôtesses et restaurants.

La présence d’hôtesses à bord du TEE a été depuis le début un point de discussions. Il y avait bien sûr l’exemple de l’aviation. Il n’y en eut que sur les TEE néerlandais et suisses, et plus tard également sur le « Mistral ». Indépendamment des tâches respectives, on n’a jamais pu savoir qui commandait en réalité le train : le chef garde ou l’hôtesse d’accueil ! Aider quelqu’un pour le transport de ses bagages, c’est fort joli, mais c’était aussi très mal vu des porteurs dont les recettes diminuaient. Le rôle traditionnel que les hôtesses assument à bord de l’avion (boissons et repas) était, dans le TEE, confié à la brigade du restaurant. Pas étonnant alors qu’elles aient disparu.

A propos des restaurants « roulants », il est assez séduisant de se voir servir à sa place « le grand menu » grâce aux cuisines exploitées par la C.I.W.L.T., de constater que la Cie suisse des WL, selon les coutumes du pays, présente après le dîner, avec la liqueur, un excellent cigare.

Téléphoner dans le train est un vieux rêve, mais seule la Deutsche Bundesbahn l’a réalisé.

Nous n’allons pas parler des innombrables modifications de parcours que les TEE ont subies en 25 années. Nous regrettons avec tous la suppression de la combinaison « bateau d’Angleterre » avec les trains TEE Saphir (Ostende) et Rheingold (Hoek van Holland), et nous ne comprenons pas pourquoi dans certains pays les locomotives arborent fièrement le nom de leur train alors que, dans d’autres, elles ne s’ornent que d’une plaquette avec le sigle TEE.

Le TEE compte donc 25 années d’existence. Il a encore un bel avenir devant lui, même si les trains nationaux et internationaux Intercity et TGV le concurrencent sérieusement. Il y a cependant des relations où le TEE est devenu tellement familier qu’il n’y a pas de doute que, dans 25 ans, on peut s’attendre à célébrer son cinquantenaire.


Source : Le Rail, juillet 1982