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Les 25 ans du frein de voie

C.F.

mercredi 1er janvier 2014, par rixke

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Une grande « première » à Saint-Ghislain

En 1957, les premiers freins de voie étaient mis en service au triage de Saint-Ghislain-Hornu, non loin du point frontière franco-belge de Quiévrain-Blanc-Misseron.

Comme cette gare avait été complètement détruite au cours des bombardements alliés de 1944, la SNCB avait décidé, dans les années 50, de l’équiper d’un triage moderne, avec deux cabines « tout relais », les blocs 28 et 29, et un poste de triage automatique fonctionnant dans cette seconde cabine. Au lieu des anciens faisceaux « accolés », le triage est composé d’un faisceau de réception de quatorze voies, d’une butte de triage assurant la dispersion vers trente-deux voies disposées en quatre sous-faisceaux. Deux faisceaux « d’attente » de six voies sont accolés au faisceau de triage tandis qu’à l’autre extrémité de ce dernier, un chantier « de formation », doté d’une voie de manœuvre en impasse assure les classements des trains de desserte de l’hinterland de Saint-Ghislain. La gare traite, en ce moment, une moyenne de 1500 wagons par jour. Elle a déjà fait beaucoup mieux.

un frein de voie au repos

Cette gare est une gare « mixte ». Elle dispose de cinq voies à quai pour son service voyageurs et d’un faisceau « voitures ». Elle est gare de coïncidence vers Tournai - Mons -Quiévrain et Mons via Pâturages. Deux lignes industrielles vers Tertre-Carbo et le zoning de Ghlin d’une part et le zoning de Frameries d’autre part complètent l’ensemble. Toute la gare de Saint-Ghislain est électrifiée de même que quelques voies de son dépôt de locomotives, qui accueille une cinquantaine d’engins de traction autonome.

Les premiers freins de voie furent donc mis en service en 1957. C’était une innovation sur le réseau belge. Pour les non-initiés, disons qu’un frein de voie assure le ralentissement des wagons dévalant de la butte de triage. Pour éviter des « rattrapages » au cours des mouvements imposés par la succession des coupes, qui épousent un mouvement de plus en plus accéléré depuis le sommet de la « bosse », les wagons sont freinés deux fois avant d’arriver sur les voies où sont formés les trains assurant l’acheminement des transports jusqu’à leurs destinations finales.

Un exemple : un train SNCF transitant par Blanc-Misseron comprend une cinquantaine de wagons pour diverses destinations belges, hollandaises, voire allemandes. Ce train préalablement « démaillé » passe sur la butte.

Les wagons sont à tour de rôle dirigés vers les voies spécialisées où sont formés des trains assurant leurs acheminements ultérieurs.

le freineur-opérateur à son tableau

Jusqu’en 1957, dans tous les triages belges, le freinage des wagons manœuvres par la gravité était obtenu par le placement, à la main, sur le rail, d’un sabot métallique qui, une fois sa fonction de freinage remplie, était éjecté automatiquement lors de son passage, quelques mètres plus loin, sur un appareil déviateur. L’enraiement des wagons se faisait sur deux lignes : un premier sabot ou bloc d’arrêt était placé sur les aiguillages, en tête de la pince de dispersion des voies intéressées et un second - le freinage de deuxième ligne - sur la voie d’arrivée des wagons. En un premier stade - et ce principe est toujours d’application sur le réseau « B » - celui-ci a mécanisé le freinage de première ligne. Ce système présente des avantages :

  • augmentation considérable de la puissance de freinage, autorisant l’aménagement de buttes de triage plus hautes et le triage de coupes plus lourdes (la réglementation ancienne avec freinage manuel intégral prévoyait un maximum de trois wagons - 75 tonnes par coupe).
  • diminution des risques d’accidents de personnes et d’avaries aux marchandises.

Nous n’entrerons pas dans la description technique intégrale des « freins de voie ». Ceux-ci sont constitués principalement de poutres, moulées ou en profilés d’une vingtaine de mètres de long, qui sont les mâchoires de serrage, ainsi que de mécanismes de mise au serrage ou au desserrage. Lorsque les essieux sont présents dans le frein et que les mâchoires sont en position « serrage », le frottement entre les jantes des roues et les mâchoires provoque la décélération de la coupe.

Avec les premiers freins de voie placés à Saint-Ghislain en 1957, l’effort de freinage était laissé à l’appréciation du « freineur ». Ces premiers freins avaient un fonctionnement pneumatique avec utilisation d’air sous pression et à commande entièrement manuelle. Au fil du temps, d’autres gares belges furent équipées de freins de voie à fonctionnement semi-automatique : des radars contrôlent la vitesse des coupes dans les freins de voie et commandent la mise au serrage et au desserrage des poutres en fonction de la consigne affichée par le « freineur ».

Autre particularité : les freins fonctionnent comme des tenailles de sorte que l’effort de freinage est automatiquement proportionnel au poids des essieux.

Après vingt-cinq ans d’utilisation, la SNCB s’est trouvée confrontée avec le remplacement des pièces mécaniques de l’installation de Saint-Ghislain.

Ce remplacement s’avérait plus onéreux que son complet renouvellement. Une adjudication fut lancée, à l’issue de laquelle la firme française « SAXBY » fut chargée d’installer à Saint-Ghislain le « dernier cri » en matière de frein de voie : celui-ci constitue vraisemblablement une « première mondiale ».

Ce système moderne présente les avantages suivants :

  • le freinage est à manœuvre « électrique » et non plus « pneumatique » ou « hydraulique ». Il est commandé en « manuel » ou en « semi-automatique ». Le freineur-opérateur sélectionne la vitesse de sortie des wagons du frein de voie en tenant compte de la position des autres coupes dévalant la butte et de la qualité de roulement des wagons catalogués « bons rouleurs », « moyens rouleurs » ou « mauvais rouleurs ».

La distance à parcourir par les wagons avant d’accoster les véhicules se trouvant déjà sur la même voie de classement entre également en considération.

un frein à voie avec ses mâchoires de serrage

Le radar en campagne contrôle en permanence la vitesse des wagons à l’intérieur des freins de voie ; un asservissement électronique commande le serrage des freins pour obtenir la vitesse souhaitée : l’effort de serrage, comme il est dit plus haut, est à commande électrique et à réalisation mécanique, en manière telle que le freinage soit proportionnel au poids des essieux. Un microprocesseur limite les appels de courant au réseau et traite la mesure de la qualité de roulement des wagons.

L’opérateur est installé devant un petit tableau d’où il dispose d’une vue panoramique sur la zone de freinage. Ce tableau est formé de multiples poussoirs et voyants d’action ou de contrôle où chacun a une fonction particulière. Le système SAXBY est une étape importante dans la simplification et l’allégement du matériel mis en œuvre. L’expérience de Saint-Ghislain est suivie avec grand intérêt.

le faisceau de Saint-Ghislain

La SNCB n’a pas encore jusqu’à présent automatisé le freinage de seconde ligne qu’elle veut « pratique » et « économique » : des études sont en cours à ce sujet.

Enfin, si Saint-Ghislain fut la première gare de triage à profiter des freins de voie à partir de 1957, d’autres triages belges furent également dotés de ce système au fil du temps : Kinkempois, Monceau, Châtelineau, Ronet, Montzen, Courtrai, Gand Maritime, Stockem et Hasselt (travaux en cours dans ces deux dernières gares).

La modernisation des méthodes de travail à la SNCB suit son cours.


Source : Le Rail, août 1982