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Le métro sous la gare de Bruxelles-Midi

Delannoy J.M.

mercredi 15 janvier 2014, par rixke

Dans « Le Rail » de juillet 1975, nous décrivions les travaux du passage du Métro de Bruxelles sous la Jonction Nord-Midi à hauteur du Jardin Botanique.

A cette occasion nous annoncions que d’autres chantiers « métro » devaient s’ouvrir dans les abords immédiats des installations de la SNCB, entre autres le long de la ligne 28 à la gare de l’Ouest, la place Simonis, la place Bockstael ainsi qu’aux gares du Nord et du Midi. La plupart de ces chantiers sont terminés ou sont sur le point de l’être. Grâce à une étroite collaboration entre les services intéressés de la STIB, de la SNCB et les entrepreneurs, ces travaux ont pu être menés à bien sans trop gêner le trafic ferroviaire. Nous évoquons aujourd’hui le passage sous les installations de la gare du Midi pour lequel une phase importante des travaux est en cours.

 Station de correspondance « Gare du Midi ».

Cet ouvrage est d’une importance primordiale pour le futur réseau de transports en commun bruxellois. Il s’agit en effet d’une véritable charnière entre la gare de chemin de fer du Midi d’une part, les axes métro et prémétro de Petite Ceinture et Nord-Sud d’autre part, ceux-ci devant relier par des voies très différentes le centre de la Ville aux futures extensions périphériques vers Anderlecht et Uccle.

armatures des poutres post-contraintes

De plus, une halte souterraine pour tramways à implanter sous l’avenue Fonsny permettra une liaison directe avec les lignes de tramways desservant Forest et ses abords. La station implantée sous la rue Couverte, donc sous le viaduc de la jonction SNCB Nord-Midi, s’étendra sous toute la largeur et la longueur de cette rue, ce qui implique une reprise en sous-œuvre [1] complète de toute la voirie et surtout de sa superstructure constituée par le viaduc ferroviaire. L’ouvrage comprendra trois étages souterrains : au niveau -1, on trouvera la mezzanine en communication directe avec la gare de chemin de fer et la halte de tramways de l’avenue Fonsny ; au niveau -2, un quai central assurera une liaison immédiate entre les lignes venant de la place Louise et celles allant vers Uccle au départ du centre de la ville ; enfin, au niveau -3, les lignes venant des faubourgs et se dirigeant vers la place Louise ou la Bourse seront également mises en correspondance directe.

 Les fondations du viaduc.

Le viaduc ferroviaire existant de la rue Couverte est constitué d’une superstructure en poutrelles métalliques enrobées reposant sur des colonnes en béton armé réparties en quatre rangées, deux au droit des trottoirs et deux rangées intermédiaires. Les fondations de ces colonnes sont constituées de pieux descendant à environ 10 mètres sous le niveau de la voirie et dont certains sont inclinés.

L’obligation de respecter le gabarit minimum pour la largeur de la station Métro, a obligé les auteurs du projet à envisager l’enlèvement de certains pieux inclinés sous les fondations de la gare, côté Sud. Préalablement à l’enlèvement de ces pieux inclinés, gênant pour la réalisation des murs, des pieux de remplacement ont été posés. Il s’agit de pieux du type « MEGA » mis en place sous les fondations et constitués d’éléments d’un mètre de longueur enfoncés successivement par l’intermédiaire de vérins, jusqu’à atteindre la profondeur de la couche résistante. Après la mise en place des pieux « MEGA », les pieux inclinés ont pu être retirés sans danger pour l’ouvrage existant.

 La congélation

Pour éviter une décompression du terrain [2] sous les fondations de la gare et du pont lors de la construction des murs latéraux, trois murs de glace d’environ un mètre d’épaisseur ont été réalisés jusqu’à une profondeur de 30 mètres.

batterie de congélateurs

Ces murs de glace sont constitués à partir d’une installation comprenant un groupe frigorifique et des tubes métalliques enfoncés tous les 1,30 m dans le sol jusqu’à la profondeur de la fondation des murs latéraux futurs, soit à environ 30 m sous la voirie. Dans ces tubes métalliques appelés « congélateurs », circule une saumure - mélange d’eau et de sel - à une température de -25°C à -40°C. Cette saumure apporte donc au terrain les « frigories » dont il a besoin pour congeler, un peu comme l’eau de circulation d’un chauffage central véhicule les calories.

Au cours de la circulation du fluide froid, un cylindre de terrain gelé se développe autour des congélateurs. La formation du mur de glace se prolonge jusqu’à la soudure des différents cylindres de terrain gelé. Puis vient la période de consolidation qui est le temps nécessaire pour que la zone gelée ait l’épaisseur de résistance suffisante pour assurer en toute sécurité la stabilité du sol derrière la zone des excavations. Après 4 à 5 semaines l’épaisseur du mur a atteint au moins un mètre.

 Les murs emboués

Maintenant que la stabilité des fondations est assurée par les pieux MEGA et les murs de glace, la réalisation des murs latéraux de l’enceinte de la station Métro peut commencer.

excavation d’un mur emboué

Ces murs sont construits par la méthode utilisée fréquemment à Bruxelles, dite des « murs emboués ». Cette méthode est indispensable du fait de la hauteur de la nappe phréatique située environ à 5 m sous la voirie. D’une épaisseur de 1,50 m, ils descendent à une profondeur d’environ 30 m pour atteindre une couche suffisamment résistante. Lors de l’excavation, les terres sont remplacées par de la bentonite - mélange d’eau et d’argile - capable de maintenir les parois de la fouille, et éviter ainsi les éboulements. La profondeur étant atteinte, les armatures du mur sont mises en place dans la fouille. Ensuite, le béton est coulé à partir du fond de la fouille et refoule la bentonite vers le haut où elle peut être récupérée et recyclée après nettoyage. Ces murs latéraux serviront d’appuis aux poutres postcontraintes qui reprennent les fondations des colonnes intermédiaires.

Une des grandes difficultés ici est due à la hauteur réduite sous le pont (environ 4,50 m) ce qui a obligé l’entrepreneur à travailler avec des engins spécialement adaptés et à poser les cages d’armatures par morceaux de 4 m liaisonnés [3] bout à bout.

 Appuis intermédiaires

Entre les murs latéraux il fallait encore des appuis intermédiaires pour supporter les poutres en béton qui reprendront toutes les charges du pont.

Ces appuis intermédiaires sont constitués de colonnes métalliques fondées sur des murs emboués bétonnés jusqu’au niveau du radier inférieur de la station Métro.

 Poutres post-contraintes en béton

Après la réalisation des murs latéraux et des appuis intermédiaires, la réalisation de la dalle du plafond peut commencer. Cette dalle devra reprendre les charges du pont lorsque les pieux seront enlevés sous les fondations des deux rangées de colonnes intermédiaires.

enlèvement d’un pieu incliné

Cette reprise des charges est un élément important dans la conception de l’ouvrage. Etant donné les charges très importantes qui se concentrent sur les colonnes, la reprise par une simple dalle en béton n’était pas possible. Cette difficulté a été contournée en remplaçant la dalle de plafond par une série de poutres en béton armé d’environ 3 mètres de hauteur dans lesquelles sont insérées les fondations des colonnes intermédiaires du pont. Malgré leur grande hauteur, ces poutres seraient encore insuffisantes pour supporter les charges énormes sans le recours à la post-contrainte. C’est-à-dire que lors du bétonnage, des câbles sont mis en place dans les coffrages. Quand le béton a suffisamment de résistance, on procède à la mise en tension de ces câbles pour « serrer » le béton et lui permettre d’avoir une résistance plus grande. Après la mise en contrainte des poutres et la réalisation de la dalle de plafond de la gare Métro, l’excavation pourra se poursuivre ainsi que la démolition des pieux. A ce stade des travaux, des mesures particulières de sécurité sont prises pour éviter les tassements du pont et des perturbations au niveau des voies.

Tous les jours des mesures de tassements sont effectués. Si les affaissements atteignent 5 mm seulement, des vérins doivent être mis en œuvre pour relever la structure.

Ce sont des vérins d’une capacité de 600 tonnes qui seront utilisés, les mêmes que ceux qui ont permis la construction du Métro sous les arcades du Cinquantenaire. Notons que par mesure de sécurité, les emplacements prévus pour les vérins permettront d’intervenir si nécessaire quand les travaux seront terminés et pendant toute la vie de l’ouvrage.

 Achèvement des niveaux inférieurs

Après ce stade, la partie la plus délicate des travaux sous le pont ferroviaire est terminée, mais il reste encore à enlever les terres des trois niveaux inférieurs et à bétonner des dalles intermédiaires et le radier.

mise en place des cages d’armature des murs emboués

Les travaux de parachèvement de ce tronçon du Métro de Bruxelles feront l’objet d’une adjudication séparée.

Dans l’état actuel des travaux, on peut prévoir que la partie visible des travaux dans la rue Couverte pourra être terminée vers le début 1983, ce qui permettra de rétablir la circulation routière et tramway sous le pont à ce moment.

La mise en service en pré-métro est, elle, programmée pour 1986.


Source : Le Rail, octobre 1982

Portfolio


[1en fait, créer de nouvelles fondations sous l’ouvrage existant.

[2c-à-d, pour qu’il conserve la résistance nécessaire

[3emmanchés