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Le wagon-restaurant

mercredi 5 février 2014, par rixke

Un peu d’histoire

Les premières tentatives (sans succès toutefois) de popularisation du wagon-restaurant dans les trains remontent à 1864, sur les lignes Odessa - Kiev et Londres - Peterbourough. Il fallut attendre 16 ans pour que, le 15 juin 1880, la Compagnie Internationale des Wagons-Lits se lance à son tour dans l’aventure, en accrochant aux trains Berlin - Francfort deux voitures supplémentaires : une salle à manger et une cuisine. C’étaient deux voitures de la compagnie allemande Berlin Anhalter Eisenbahn, transformées pour la circonstance. Leur exploitation connut également l’échec et fut abandonnée en 1882.

Confortée cependant dans son idée par l’expérience acquise, la Compagnie fit construire par les ateliers Ratgeher de Munich une voiture-restaurant à trois essieux. Le châssis et la caisse furent livrés comme prévu le 1er août 1882 et les Ateliers de Saint-Ouen s’attaquèrent à la décoration intérieure. Début octobre, la voiture-restaurant numéro 107 était prête. C’est un record que l’on ne pourrait battre aujourd’hui, mais qui s’explique par le fait que les ouvriers, à l’époque, travaillaient 12 heures par jour et n’avaient pas encore (il fallut attendre 1906 pour cela) de jour de repos hebdomadaire.

L’habitacle de cette voiture de 12,5 mètres comprenait trois parties : une cuisine centrale et deux salles à manger de 12 places chacune, dont une dévolue aux dames et aux non-fumeurs. Murs et sièges étaient habillés de cuir.

La cuisine avait une surface de 4 m2. Dans ce mouchoir de poche, on avait placé un four, deux bacs-éviers, deux tables, une cuisinière et une charbonnière. Deux petites caves étaient aménagées sous le plancher de la cuisine, et deux autres sous le couloir entre les deux salles à manger.

L’exiguïté ne faisait pourtant pas obstacle à la créativité du chef-coq.

Qu’on en juge en consultant le menu gastronomique du voyage inaugural, le 10 octobre 1882 :

  • huîtres, potage aux pâtes d’Italie
  • turbot, sauce verte
  • poulet chasseur
  • filet de bœuf, pommes château
  • chaud-froid de gibier
  • salades
  • crème chocolat
  • dessert

La voiture était éclairée au gaz, les candélabres à 4 becs étant alimentés par deux réservoirs de 960 litres suspendus au châssis.

Un ingénieur en chef des Chemins de fer de l’Ouest, invité au voyage inaugural, expose dans son rapport ce qu’il faut savoir de la suspension de la voiture : « ... la stabilité est parfaite. Au grand étonnement des convives, je l’ai testée à plusieurs reprises. J’avais placé sur une table un verre d’eau rempli à ras bord. Pas une goutte n’en a coulé pendant plusieurs heures... ».

La 107 prit du service le 5 juin 1883 dans l’Orient Express. Elle quitta l’activité - tout comme ses homologues 114 à 116 et 138 à 141 - à l’arrivée des voitures à bogies : elle offrait trop peu de places. Les pays balkaniques la rachetèrent et elle travailla encore, pour eux, une vingtaine d’années. Elle roula ses derniers kilomètres en Roumanie et fut démontée en 1904.


Source : Le Rail, août 1983