Accueil > Le Rail > Matériel roulant > Relevage > La modernisation des techniques de relevage : deux nouvelles grues pour la SNCB
La modernisation des techniques de relevage : deux nouvelles grues pour la SNCB
Georges Finet.
mercredi 26 mars 2014, par
Un train de relevage est un convoi spécialisé, habituellement composé de deux voitures, dépêché sur les lieux d’un déraillement pour rétablir une situation normale. Une grue de relevage est un engin qui intervient lorsque les ressources du train de relevage sont estimées insuffisantes. Au cours des deux dernières décennies, le réseau belge a modernisé son matériel, son infrastructure et ses méthodes d’exploitation (cfr. le plan de restructuration).
La modernisation se poursuit dans tous les domaines. Peu connue du grand public, la technique de relevage a subi une profonde restructuration au cours de la même période. La SNCB vient d’acquérir deux grues puissantes qui pourront servir à d’autres tâches que celles des élémentaires « relevages » (rechargement ou déchargement de matériel ou d’appareils lourds par exemple).
Histoire et évolution technique des trains de relevage
Pour la période précédant 1926 - les auteurs sont peu prolixes à ce sujet - il est difficile d’établir un schéma complet et fiable de l’organisation des trains de relevage. On les appelait communément « les wagons de secours » et étaient mobilisés lors d’accidents. Jusqu’à la première guerre mondiale, le matériel tracté et de traction restait relativement léger : une voiture (en bois) pesait 20 tonnes, un wagon 10, tout au plus 15 tonnes et les locomotives à vapeur restaient loin du gabarit massique des futures locos types 1,7 ou 10.
Les remises aux locomotives
En 1926, on dénombrait environ quatre-vingts dépôts de locomotives vapeur souvent situés très près les uns des autres.
En 1945, le nombre de remises oscillait toujours autour de cinquante. Au groupe de Liège, par exemple, on dénombrait encore onze dépôts : Kinkempois, Renory, Ans, Pepinster, Herbesthal, Visé, Trois-Ponts, Gouvy, Statte, Montzen et Saint-Vith. A l’exception d’Ans, tous ces dépôts disposaient d’un « train de relevage ».
Avec la disparition de la traction vapeur, la dieselisation et l’électrification des dépôts, la SNCB a organisé son service « traction » autour de quatorze remises. Neuf circonscriptions « de relevage » ont été organisées au départ des ateliers diesel de Schaerbeek, Anvers Dam, Kinkempois, Ronet, Merelbeke, Hasselt, Monceau, Saint-Ghislain et de l’atelier électrique de Stockem, soit une réduction de plus de 80 % des circonscriptions du début des années 60. Si on ajoute à cette liste les ateliers diesel de Courtrai, Haine-St-Pierre, Latour ainsi que les ateliers électriques d’Ostende et de Bruxelles Midi, on obtient la liste complète des « ateliers de traction ».
Le matériel de relevage
Au fil du temps, le matériel équipant les « wagons de secours » a évolué vers une sophistication technologique de plus en plus poussée. Le train de relevage est composé habituellement de deux voitures métalliques déclassées et adaptées à leurs nouvelles missions. La première voiture, réservée au personnel, est pourvue d’une cuisine équipée, d’une réserve de vivres, d’une table et de sièges ainsi que d’une quinzaine d’armoires vestiaires abritant les effets appartenant aux deux équipes de six agents, spécialistes en relevage.
Le second véhicule abrite le matériel indispensable aux travaux :
- des bonbonnes de gaz et des chalumeaux ;
- un groupe motopompe hydraulique pour alimenter en énergie des crics de levage de 10/15 et 30/60 tonnes ;
- une potence et un palan d’une puissance de 250 kg ;
- un compartiment « atelier » avec banc et étau ;
- une poutre de ripage avec chariots et cric de poussée et de rappel pour tous véhicules et à toutes distances ;
- des tire-for, des blocs de bois cerclés de toutes dimensions ;
- des lorries ; une civière ;
- le matériel de protection du chantier : feux tournants, signaux mobiles, pétards, talkie-walkies et farde de documentation pour formalités de mise hors service de voie ou de caténaires (par exemple).
Il appartient au chef d’équipe ou au fonctionnaire technique accompagnant le « Train », de réquisitionner une « grue de relevage » soit lorsqu’il estime que les moyens dont il dispose seront insuffisants, soit pour déblayer les voies dans des délais raisonnables.
Les grues de relevage
Les premières « grues de relevage » furent mises en service au début du siècle. Elles prenaient la relève de grues à main, montées sur wagon plat ou autonome. Heureux hasard : il en reste une, peut-être le dernier représentant de ce groupe d’engins, à la sortie de l’ancien dépôt des locomotives de Braine-le-Comte.
Tableau des grues de relevage au 1.9.84 - Caractéristiques principales | |||||
Dépôt d’attache | Motorisation | Force maximale de levage | Constructeur | Année de construction | Vitesse max. |
Schaerbeek | Diesel | 55 T | ABR | 1971 | 80 km/h |
Anvers-Dam | Diesel | 55 T | ABR | 1971 | 80 km/h |
Ronet | Diesel depuis 1969 | 55 T | FU | 1954 | 80 km/h |
Kinkempois | Vapeur | 35 T | Craven-brothers (GB) | 1912 | 35 km/h |
Merelbeke | Vapeur | 20 T | Cowans-Sheldom (GB) | 1905 | 25 km/h |
La grue actuelle de Merelbeke a été retirée en 1980 de l’officieux musée de Louvain où elle reposait depuis quelques années. On constate, à la lecture de ce tableau, que la SNCB ne pouvait, jusqu’il n’y a guère, se targuer d’être à la pointe du progrès dans ce domaine.
La SNCB a tenté de remédier à cette situation. Deux nouvelles grues très sophistiquées, d’un maniement très simple, ont été construites par l’Association momentanée ABT (Ateliers de Braine-le-Comte et Thiriau) et Gottwald de Dusseldorf.
Dimensions de la grue
Longueur hors tampons | 10 600 mm |
Longueur en position de travail (flèche rentrée) | 13 300 mm |
Longueur du châssis en position de travail (tampons rabattus) | 9 600 mm |
Hauteur en position convoi et travail | 4 220 mm |
Largeur | 3 100 mm |
Ecartement entre pivots des bogies | 5 000 mm |
Empattement entre trains de roues dans le bogie | 1 500 mm |
Diamètre des roues neuves | 920 mm |
Diamètre des roues usées | 860 mm |
Passage en courbe de rayon minimum | 75 mm |
Base de calage : | |
-* bras complètement sortis | 5 500 X 5 500 mm |
-* bras dans les deux positions | 4 200 X 6 600 mm |
-* intermédiaires | 3 280 x 6 800 mm |
-* bras rabattus | 2 700 X 6 900mm |
Cylindrées de calage | |
-* 0 x course | 200 X 450 mm |
Plaque de calage | 400 X 400 mm |
800 X 1 150 mm |
Capacités de levage
Nominales : 1 000 KN à 6 m de portée, 630 KN à 8 m de portée.
Présentation
Construit au gabarit du matériel moteur (selon fiche UIC 505-1) avec flèche télescopique horizontale relevable, cet engin est apte à circuler sur les réseaux de l’UIC. Le wagon-grue se compose de 2 éléments accouplés formant un ensemble indissociable, à savoir :
- la grue ferroviaire, châssis roulant sur deux bogies à 3 essieux, au centre duquel sont fixés, par l’intermédiaire d’une couronne d’orientation, la partie tournante avec flèche télescopique et le contre poids mobile ;
- le wagon-allonge à 2 essieux recevant le palonnier et les élingues.
Selon les impératifs de relevage sur le site de déraillement, le wagon-allonge peut être manutentionné rapidement, sans déplacement de la caténaire et placé indifféremment vers l’avant ou l’arrière de la grue, directement à l’aide du crochet de celle-ci ; le palonnier verrouillé au wagon-allonge sert de lien entre ce dernier et le crochet de la grue. Le wagon-allonge est équilibré de façon à rester horizontal durant la manœuvre.
La grue et le wagon-allonge sont étudiés selon les dernières dispositions pour permettre l’application ultérieure de l’attelage automatique ; actuellement ils sont équipés de tractions à crochets et de tampons de choc « Ringfeder ». Ces derniers peuvent être repliés latéralement à la grue, le long des longerons en vue d’augmenter l’aire de travail devant l’engin.
Lors des opérations de levage en régime autonome, les suspensions sont bloquées hydrauliquement. Quatre bras de stabilisation articulés avec vérin de calage de 450 mm de course, mis en place hydrauliquement et verrouillables dans la position choisie, sont disposés aux coins du châssis roulant. Déployés au maximum ils forment une base de calage de 5,5 m de côté.
Le wagon-grue peut être remorqué en convoi à la vitesse de 100 km/h (acheminement rapide sur le lieu de déraillement).
En régime autonome, sur site de travail, la grue est autopropulsée, un des essieux de chaque bogie étant moteur.
Elle peut également être utilisée sous caténaire. Dans ce cas la flèche est verrouillée à l’horizontale, le sabot frotteur de mise à la masse est abaissé et mis en contact avec la voie.
Les caractéristiques de l’engin présenté se résument donc en : rapidité d’intervention, puissance, efficacité, fiabilité, technologie de pointe et sécurité totale.
En cas d’intervention sur les lignes saturées ces qualités sont encore plus appréciées. Les deux grues nouvelles sont affectées aux dépôts de Schaerbeek et de Ronet qui ont cédé leurs anciens engins à Merelbeke et Kinkempois.
La grue de 1905 peut à présent jouir d’un repos bien mérité.
Pour être complet, signalons que la SNCB dispose depuis 1976, de deux camions UNIMOG, garés à Anvers Dam et Monceau. Ils sont équipés pour la circulation « Rail-Route ». Ils interviennent en cas de déraillements peu importants n’exigeant qu’un minimum de moyens de relevage si l’endroit de l’incident peut être facilement atteint, via une gare ou via un PN. Ils n’interviennent cependant que dans leurs circonscriptions de secours et ne comptent qu’une vingtaine de sorties par an.
Source : Le Rail, mars 1985