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Matadi - Léopoldville

K. Destoop.

mercredi 28 mai 2014, par rixke

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L’histoire du premier chemin de fer au Zaïre

 La découverte du Congo

L’embouchure du fleuve Congo fut découverte en 1482 par Diego Cao, un navigateur portugais. Trois ans plus tard, lorsqu’il refit le voyage, il remonta le fleuve. A hauteur de la rivière Mpozo, il dut cependant mettre fin à l’expédition en raison des trop nombreux rapides qui rendaient la rivière non navigable. Diverses tentatives furent encore entreprises en vue d’explorer l’intérieur du pays en longeant le fleuve Congo, mais toutes butèrent sur les rapides et les cataractes des Monte Cristal.

La découverte de ce qui deviendra plus tard le Congo belge s’effectua par des expéditions organisées au départ de la côte orientale de l’Afrique.

Un pas décisif fut franchi par le journaliste anglais Henry Morton Stanley. Après avoir rencontré l’explorateur Livingstone en 1871, il repartit en Afrique en 1876. Il explora les lacs Victoria, Nyanza et Tanganyka et de là rejoignit le Lualaba, le cours supérieur du Congo.

Après une expédition pénible qui dura 999 jours, à l’issue de laquelle seulement 115 des 400 membres que comptait l’expédition survécurent, il parvint à Borna, à l’embouchure du fleuve Congo, le 9 août 1877.

 Comment la Belgique fut entraînée dans l’aventure

Le roi Léopold II de Belgique avait toujours manifesté un vif intérêt pour l’Afrique, en partie sous l’influence d’Emile Banning, son homme de confiance, qui était fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères.

A l’initiative du Roi, qui suivait pas à pas l’expédition Stanley, une conférence géographique internationale se tint au Palais le 12 septembre 1876. Elle aboutit à la création de l’Association internationale africaine (AIA). Cette association poursuivait par priorité un but humanitaire, à savoir la suppression de la traite des noirs et la pénétration de la civilisation en Afrique centrale. Cette organisation fut placée sous la présidence de Léopold II. Etant donné que Stanley, après ses découvertes ne rencontra aucune compréhension ni en Angleterre ni aux Etats-Unis, 0 accepta les propositions de Léopold II de poursuivre l’exploration du Congo pour le compte de l’AIA.

La première locomotive parvenue au Stanley Pool en 1898, exposée à la gare de Kinshasa.

Il fut déjà question de la construction d’un chemin de fer dès le premier entretien entre Stanley et Léopold II le 10 juin 1878. Stanley le jugeait absolument essentiel pour pouvoir contourner les biefs non navigables du fleuve Congo. Il déclarait notamment : « Sans le chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny ». La même année, Léopold II fonda le Comité d’études du Haut-Congo. Mandaté par celui-ci, Stanley se rendit à nouveau en Afrique et se fraya un chemin à travers les Monte-Cristal vers le Stanley Pool. Il fondit Léopoldville à cet emplacement le 1er décembre 1881. La rive droite du fleuve était déjà occupée par l’explorateur français de Brazza. Afin d’avoir une plus large liberté de manœuvre, le Comité d’études fut dissous par Léopold II et remplacé par l’Association internationale du Congo qui se trouvait placée sous son autorité directe.

Ces locomotives Mikado assuraient la traction des trains de ligne entre Matadi et Kinshasa (1935)

La nouvelle association qui devait acquérir la souveraineté sur le territoire, organisa diverses expéditions. Malgré les frictions suscitées à ce propos avec le Portugal et la France, l’organisation fut reconnue par les Etats-Unis. L’Allemagne suivit l’exemple et, à l’initiative de Bismarck, la conférence de Berlin à laquelle participèrent 14 états, fut convoquée le 23 février 1885.

La convention finale était conçue en ces termes : « ... que les territoires d’Afrique centrale récemment découverts soient placés sous une administration unique appelée Etat indépendant du Congo... Nous avons décidé de proposer comme souverain Léopold II, Roi des Belges ».

 Les premières propositions

Tandis que ces derniers événements se déroulaient sur la scène politique, la reconnaissance du territoire se poursuivait au Congo comme si de rien n’était. Stanley fut aidé par nombre d’Européens dont - comment pouvait-il en être autrement - beaucoup de Belges.

Le 6 août 1884, l’ingénieur belge Zboïnski partit pour effectuer une étude du tracé de la ligne de chemin de fer Matadi - Léopoldville. Sa proposition différait radicalement de celle de Stanley. Ce dernier voulait réaliser une liaison entre Matadi et Isanghila (afin d’éviter les cataractes méridionales) et entre Manyanga et Léopoldville (cataractes septentrionales), le bief intermédiaire aurait été parcouru par un bateau à vapeur.

Le train express Matadi-Kinshasa relie en quelques heures la capitale au port maritime de Matadi

Zboïnski trouva pareil projet trop compliqué et difficilement réalisable. Il était partisan d’une liaison directe Matadi - Léopoldville, un projet qui avait en outre l’avantage d’être beaucoup moins onéreux car c’était bien là le grand problème !

 Les problèmes financiers de Léopold II

Le roi insista auprès de Stanley pour que l’on entamât rapidement la construction du chemin de fer, bien que celui-ci fût assez réticent en raison du coût du projet qui, d’après ses estimations, s’élèverait à quelque 21,5 millions. Il attira l’attention du Roi sur le fait que la Belgique ne serait jamais à même de réunir le capital nécessaire d’autant plus que le roi avait déjà englouti une grande partie de sa fortune personnelle dans l’expédition. Il désirait dès lors présenter le projet également à l’Angleterre.

Convaincu par les arguments de Stanley, le roi signa contre son gré, le 24 décembre 1885, une convention provisoire avec le Syndicat de Manchester pour la constitution d’un organisme au capital de 25 millions qui serait chargé de construire le chemin de fer, mais l’opinion publique belge s’émut et se montra hostile à cette participation étrangère.

 L’opiniâtreté d’Albert Thys

Albert Thys, aide de camp du Roi en même temps que son conseiller personnel pour les affaires congolaises, ne pouvait se résoudre à l’idée qu’après le travail de pionnier déjà fourni par le souverain, le chemin de fer passerait aux mains des Anglais.

Il engagea le Roi à ne pas trop compter sur Stanley et à construire lui-même le chemin de fer. En dépit de multiples difficultés, il promit au Roi de réunir le capital nécessaire.

Albert Thys se dépensa sans compter dans sa nouvelle mission. Il tint des conférences et organisa des plaidoyers de tous côtés, chercha à établir des contacts avec des banquiers et des hommes d’affaires et consacra tout son temps à réaliser cette gageure.

Au début, il se heurta à l’incompréhension, mais quelque temps après, il sut convaincre les milieux d’affaires belges. Il réunit le premier million nécessaire en vue de mener l’étude préparatoire sur le terrain.

Dès le moment où le capital fut disponible, le Roi dénonça la convention passée avec le Syndicat de Manchester et fonda la Compagnie du Congo pour le commerce et l’industrie (CCCI).


Source : Le Rail, avril 1986