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L’importance du métal dans la construction de nos halles de gare au siècle dernier

K. Destoop.

mercredi 9 juillet 2014, par rixke

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 Un départ prudent

II est impossible d’évoquer l’architecture du 19è siècle sans parler de l’évolution de l’utilisation du métal et plus précisément du fer. Bien que celui-ci fût déjà utilisé depuis de longues années comme matériau de construction, son usage se limitait le plus souvent aux bâtiments de type utilitaire qui jadis avaient un caractère plutôt temporaire, tels les dépôts, les magasins et les usines.

La qualité du fer fut considérablement améliorée grâce aux perfectionnements techniques ; celui-ci se prêtait dès lors mieux à un traitement. L’évolution du fer forgeable à l’acier via la fonte n’est plus à démontrer.

Braine-le-Comte - Intérieur de la gare

Bien que les possibilités d’application eussent augmenté de façon spectaculaire au cours du 19e siècle, il fallut encore attendre tout un temps avant que le fer ne soit traité de la même manière que la pierre et le bois. Dès 1830, une des grandes préoccupations des dirigeants de la Belgique indépendante fut d’assurer au pays beaucoup de stabilité et de dynamisme. Ils dotèrent le pays d’une infrastructure économique en construisant un réseau de communication dense. La construction des chemins de fer revêtait donc la plus grande importance.

Cela supposait tout à la fois la construction de gares et de ponts, un domaine dans lequel les Belges avaient toujours excellé, même à l’étranger.

Gand - Intérieur de la gare

C’était en même temps un domaine où l’on fit pour la première fois un grand usage du fer. Notre pays disposait ainsi de trois splendides ponts métalliques, tous construits avant 1860.

  • Avant 1820, il existait déjà un pont en fonte sur l’Ourthe à Ourtheville. Il se composait d’une succession d’arches.
  • Vers 1842, un magnifique pont suspendu fut construit sur la Meuse à Seraing. Le pont était suspendu à des câbles en fer, les appuis étant constitués par deux colonnes creuses en fer de 8,5 m de hauteur. Ce fut un des premiers ponts de ce type en Europe.
  • Vers 1860, un ingénieur du nom de Vergniais construisit un pont en fer du type à arches sur la Meuse à Namêche.

L’évolution dans le domaine architectural s’opèra cependant plus lentement que prévu parce que les architectes ne connaissaient pas encore toutes les possibilités offertes par le nouveau matériau. Ce préjugé qui avait pour effet de confiner l’usage du métal aux travaux de construction industrielle et ainsi de le rendre impropre à des fins artistiques pour le simple motif de sa prétendue laideur disparut néanmoins progressivement.

Les marchés couverts, les halles d’exposition et les gares furent les premiers terrains de prédilection ; il s’agissait donc en majeure partie de bâtiments publics.

 Des cathédrales de verre et de suie

Une halle couverte à toujours eu un rôle fonctionnel, à savoir protéger les voyageurs contre les intempéries. Il y a lieu de distinguer une évolution en ce domaine, c’est pourquoi il convient de faire un retour en arrière au temps des marquises sur colonnes en bois et accolées au bâtiment de la gare de Malines, construites vraisemblablement entre 1840 et 1843.

Braine-le-Comte - Intérieur de la gare

Il ne s’agissait bien souvent que de simples auvents établis en saillie sur la longueur du bâtiment voyageurs ou de marquises indépendantes fixées sur des colonnes qui recouvraient une partie des quais. Ces abris prirent progressivement de plus grandes proportions et couvrirent même les voies.

A l’origine, ils étaient encore de conception très rudimentaire : il ne s’agissait ni plus, ni moins que de hangars en bois recouverts de zinc comme on en trouvait à Ostende-ville et Verviers-Ouest.

A Ostende, deux hangars juxtaposés couvrant les deux voies s’étiraient sur toute la longueur du bâtiment voyageurs. On ne sait pas si la toiture reposait sur des poteaux en bois ou sur des colonnes en fonte.

L’évolution se poursuivit et dans les gares de Gand Sud, Bruxelles Nord et Bruxelles Midi, on en vint à construire une charpente de toit entièrement métallique subdivisée en trois nefs. Etant donné que les fermes en bois étaient exposées en permanence aux fumées et à la vapeur, elles se disloquaient rapidement, constituaient en outre un danger d’incendie et requerraient dès lors de nombreuses réparations.

Turnhout - Intérieur de la gare

Le toit des nouvelles marquises métalliques était recouvert de zinc mais des ouvertures avaient été ménagées en divers endroits pour laisser échapper la fumée et laisser pénétrer la lumière par le vitrage.

Les travaux de la gare du Nord dont les plans avaient été dessinés par F.-J. Coppens en 1840, ne furent achevés qu’en 1862.

Entre-temps la gare avait été mise en service en 1846. Les quais et les voies étaient entièrement couverts par une halle de construction très simple. La ferme métallique était divisée sur toute sa longueur en 3 nefs dont la toiture était de forme triangulaire. Il n’y avait rien d’original ni de recherché. La marquise reposait sur des poutres lourdes, massives et continues, elles-même soutenues par des colonnes de fonte assez distantes les unes des autres. La gare du Midi conçue par Auguste Payen et construite un peu plus tard, fut également pourvue d’une halle couverte. Bien que cette halle fut elle aussi divisée en 3 nefs, son aspect était radicalement différent.

Le lanternon était supporté par des baies en plein cintre qui à leur tour s’appuyaient sur des colonnes de fonte de 9 m de hauteur. La cohésion de cet ensemble était particulièrement réussie.

Auguste Payen fut également le concepteur de la gare de Gand Sud (II). La halle de cette gare reposait sur un certain nombre de fermes du type Polouceau qui étaient elles-mêmes soutenues par deux files de colonnes. La halle couverte de la gare de Courtrai fut conçue en 1879 par H. Fouquet. Elle était d’un modèle courant en Belgique, notamment à Namur II, Louvain II, Liège-Guillemins II, Mons II, Tournai III et Ostende-ville II. En fait, à partir des années 1860, les ingénieurs chargés de la construction des grandes gares, commencèrent à abandonner la subdivision en nefs latérales en faveur d’un seul espace dégagé sous un arc unique.

Ce nouveau mode de construction était indubitablement inspiré des exemples étrangers telle la gare de l’Est de Paris conçue par l’ingénieur Serinet ou la gare St-Pancras à Londres, dont la construction fut entamée en 1863 par W.H. Barlow et R.M. Ordisk. Les réalisations belges se distinguaient par l’utilisation d’une forme de conception très simple : un arc équilibré par un tirant droit. La gare de Tournai fut l’œuvre de l’architecte Henri Beyaert. Sa halle s’étirait sur toute la longueur du bâtiment voyageurs. Sa toiture en forme de voûte avait 118 m de long et 36 m de large et était soutenue par 16 fermes en arc sur colonnes. Le toit de 24 m de hauteur était en outre étayé par des sections courbes de poutres. Les panneaux latéraux du toit étaient recouverts de zinc et donnaient à l’intérieur l’aspect d’un quadrillage métallique. Le vitrage se trouvait au faîte de toit.

Bien que les voies ne fussent pas encore posées dans la halle, la gare fut officiellement inaugurée le 24 août 1879 en présence de Léopold II. A cette occasion, Beyaert fut nommé chevalier de l’ordre de Léopold. La halle de la gare ne fit pas long feu : après avoir été irrémédiablement endommagée lors des bombardements de 1944, elle fut démolie.

Bruges, édifiée en 1883 d’après les plans de J. Schadde, était elle aussi dotée d’une halle couverte. La halle de 33 m de haut se composait d’une galerie de 5 m de large et d’une nef principale y attenante de quelque 28 m. Les points de jonction et le quadrillage des poutres reposaient d’une part sur des colonnes formant séparation avec la galerie et l’autre part sur le mur d’enceinte de la gare.

En 1886, la gare de Braine-le-Comte fut dotée d’une halle couverte. Elle fut conçue par A. Carlier et consistait en deux halles contiguës couvrant les quais.

Anvers - Intérieur de la Gare Centrale

L’architecte Janlet conçut pour Malines vers la fin des années ’80 un nouveau bâtiment voyageurs ainsi qu’une halle en forme de voûte. D’autres gares tels Louvain, Mons, Charleroi et Tumhout disposaient d’une toiture similaire. L’entreprise la plus prestigieuse fut sans nul doute la halle d’Anvers Central, réalisée par l’ingénieur Van Bogaerde et inaugurée en 1898.

D’une longueur de 185 m, elle enjambe les 10 voies et son point culminant se trouve à 38 m au-dessus du sol. Son énorme verrière est soutenue par 15 fermes en arc à trois articulations.

Outre les gares couvertes de Verviers et Bruxelles Tour et Taxis, Anvers Central est la seule gare belge qui ait pu conserver sa halle couverte.

Bruxelles - Gare de Tour et Taxis

La plupart de ces constructions métalliques n’ont pas résisté au temps ; l’entretien de tels « palais » est dispendieux en temps et en moyens financiers. Il suffit de songer à la quantité de verre qui se brise annuellement à cause du gel. Il n’est dès lors pas surprenant que la plupart d’entre eux, lors de détériorations plus ou moins graves, ne soient plus restaurés mais tout simplement démolis.

 Sources

  • D. VERHAEGEN - le bâtiment des voyageurs du chemin de fer belge et plus spécialement à Anvers et à Tournai, Louvain - 1976 - 228 p.
  • POELAERT et son temps, édité sous la direction de Richard Vandendael - 1980

Source : Le Rail, avril 1987