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Les perspectives de notre trafic des produits agricoles et alimentaires

C. Lokker.

mercredi 6 août 2014, par rixke

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Les produits agricoles et alimentaires constituent pour certains réseaux un trafic d’une exceptionnelle importance : c’est le cas des pays où il existe des centres de production importants éloignés des grandes agglomérations (France, U.R.S.S.) ou tributaires des marchés internationaux (Italie, Yougoslavie, Hongrie). En Belgique, les distances courtes et l’éparpillement de la production font que ce trafic est relativement modeste. Jadis, il était essentiellement dominé par la campagne betteravière, qui nous procurait, deux mois par an, un volume considérable de trafic effectué essentiellement sur courtes distances. La motorisation de l’agriculture, la concurrence du camion et la diminution des emblavements ont déterminé un recul considérable des transports par fer de betteraves et de pulpes, de sorte qu’aujourd’hui, nous ne jouons un rôle essentiel que dans les transferts de tonnages massifs à longues distances. La perte du trafic éparpillé, à courtes distances et de plus saisonnier, ne constitue absolument pas un mal pour la S.N.C.B. Nous nous en consolons d’autant plus aisément que le volume et les caractéristiques des transports des autres produits agricoles et alimentaires sont des plus intéressants : 1.400.000 t/an pour une recette d’un quart de milliard de francs.

Nous analysons ci-après les principaux courants que nous détenons actuellement, ce qui nous permettra de déterminer plus aisément pourquoi nous professons en ce domaine (comme dans d’autres, pour ceux qui ont lu nos articles précédents) un certain optimisme dans l’avenir de la S.N.C.B.

 Fruits et légumes.

Au total, le trafic dépasse annuellement le demi-million de tonnes. En service intérieur, l’intensité du trafic est très faible, phénomène que la géographie explique. A l’exportation, nous notons un trafic en expansion : les « witloofs » vers la Suisse et l’Italie, et des courants variables suivant les récoltes et les marchés : pommes de terre vers l’Allemagne, la France et l’Italie. En revanche, à l’importation, les courants sont très importants et aboutissent essentiellement à Bruxelles Tour et Taxis : pommes de terre de Hollande, oranges d’Espagne, primeurs, légumes et fruits d’Italie, d’Espagne et de France.

Les tonnages italiens sont particulièrement diversifiés : choux-fleurs, haricots, raisins, prunes, pêches, poires, citrons...

Par ailleurs, des courants réguliers et importants transitent par nos lignes :

  • Les fruits, légumes et primeurs d’Italie vers la Grande-Bretagne ;
  • Les productions hollandaises vers la France ;
  • Les bananes vers l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, via le port d’Anvers ;
  • Les oranges d’Espagne vers les Pays-Bas.

 Céréales, produits de minoterie et aliments pour bétail.

Dans l’ensemble, le trafic est modeste et ceci pour deux raisons :

  • Les productions indigènes sont consommées en partie sur place et en partie à faible distance des lieux de production ;
  • Les importations s’effectuent via Anvers et sont transbordées en allèges qui ont le rôle à la fois de magasins et de transporteurs.

Toutefois, tout est remis en question quand la voie d’eau est gelée. C’est ainsi que, pour les trois premiers mois de 1963, les transports par fer de ces produits ont dépassé au total le trafic d’une année entière normale.

 Sucres.

La concentration de l’industrie sucrière a déterminé pour le chemin de fer d’importants trafics au départ des sucreries vers les raffineries. La tendance régressive dans les emblavements de betteraves oblige aussi les raffineries à importer de grandes capacités de sucres bruts pour maintenir un rythme d’activité en rapport avec leurs installations ; ces sucres bruts sont généralement réexportés après raffinage. L’ensemble de ces mouvements détermine un volume de trafic pouvant atteindre et dépasser les 200.000 t/an.

 Viandes, poissons et dérivés.

L’essentiel du trafic (± 70.000 t/an) provient du transit des produits hollandais et danois vers la France, des produits yougoslaves, roumains et hongrois vers la Grande-Bretagne et de nos exportations vers divers pays.

 Œufs.

Ce trafic d’une importance égale au précédent est axé en ordre principal sur nos exportations vers l’Allemagne, l’Italie, la Suisse et la France.

 Boissons.

En dépit de la concurrence, nous détenons encore un trafic intérieur important en eaux minérales et bières. A cela s’ajoutent les importations d’eaux minérales et vins français, et le transit de ces produits vers le nord.

Nous voyons donc le rôle déterminant des trafics internationaux dans le volume total du mouvement des produits agricoles et alimentaires sur notre réseau. Dans l’ensemble, les perspectives sont favorables sans pouvoir pour autant prévoir un rythme d’expansion mathématiquement défini pour ces courants. En voici les raisons essentielles.

 Le Marché commun agricole.

Le Marché commun agricole vise à la réalisation progressive de la libre circulation des produits agricoles au sein du Marché commun et à une protection de ce marché vis-à-vis des pays tiers.

Dans cette optique, la France pourrait progressivement et plus ou moins efficacement concurrencer les céréales américaines en Belgique, en Allemagne et en Hollande. Il se créera ainsi des courants d’importation et de transit où le chemin de fer pourra jouer un rôle beaucoup plus actif qu’au départ de ports.

Le Marché commun agricole incite par ailleurs les producteurs français à améliorer la commercialisation de leurs productions pour accéder à des débouchés dont l’accès se ferait en partie par notre réseau.

 L’amélioration des relations Est-Ouest.

Déjà actuellement, la Grande-Bretagne utilise d’une manière plus ou moins importante les productions yougoslaves, hongroises et roumaines, pour lesquelles notre réseau est la ligne de transit tout indiquée. Or, nous devons reconnaître que, dans le cadre d’une situation politique normalisée, les pays balkaniques pourraient être les grands pourvoyeurs de denrées du monde occidental : la Bulgarie, par son climat et la grande variété de ses productions, constitue le véritable potager de l’Europe ; la Yougoslavie possède une production de prunes qui rivalise en quantité avec celle des Etats-Unis ; la Roumanie, la Grèce, la Hongrie et la Yougoslavie possèdent de grandes ressources dans le domaine de l’élevage.

Tout permet de croire que le transit vers la Grande-Bretagne pourrait s’accroître, et déjà nous commençons à enregistrer de modestes envois pour notre propre consommation.

 L’amélioration du niveau de vie.

Dans les pays voisins et en Belgique, le niveau de vie des populations s’accroît constamment et détermine chez les consommateurs des besoins nouveaux, non seulement en quantité mais autant en qualité et en variété. A cela s’ajoute le fait que l’industrialisation des productions agricoles permet d’offrir à des prix abordables des produits de haute qualité. Ces deux phénomènes constituent un stimulant pour la consommation, donc pour le transport. Nous assistons depuis l’après-guerre à une rapide démocratisation des produits autrefois de luxe : primeurs, oranges, bananes, raisins...

Le chemin de fer permet l’acheminement massif et rapide de ces denrées.

 Amélioration de la qualité des services ferroviaires.

Les chemins de fer ont fait porter leurs efforts sur les deux plans essentiels :

  • La préservation des denrées durant le transport par la création de la Société Interfrigo (voir numéro d’août 1961) ;
  • La création de liaisons rapides Trans Europ Express Marchandises (T.E.E.M.) spécialement prévues pour relier rapidement les régions de grandes productions et les ports aux importants centres consommateurs (voir numéro de novembre 1963).

En conclusion, le climat pour un épanouissement de ce trafic existe ; nous ne pouvons en prévoir l’importance, mais le fait que techniquement la S.N.C.B. est à la hauteur de sa tâche nous incite à l’optimisme.


Source : Le Rail, janvier 1964