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Cheminots et cinéma

R. Magotteaux.

mercredi 27 août 2014, par rixke

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Les 28, 29 et 30 octobre dernier, les cheminots de Couillet-Montignies, Andenne, Huy-Sud et Ciney prêtaient une efficace collaboration à une équipe de cinéastes français venus tourner les séquences ferroviaires d’un film d’espionnage intitulé « Coplan prend des risques ».

Cette équipe, appartenant à la firme Cinéphonic, de Paris, était autorisée à opérer en certains points de notre réseau ferré et avait acquitté les redevances prévues pour pouvoir disposer d’un train de marchandises spécialement conçu, remorqué par une locomotive diesel type 200. A cela se limitait, disons la partie administrative et financière de l’affaire. Comme on va le voir, il fallut bien d’autres choses encore pour que les prises de vues, diantrement mouvementées, fussent menées à bien.

Parmi les problèmes qui se posaient aux IPX de Charleroi, Liège et Namur et, partant, aux inspecteurs du mouvement et aux chefs de gare des endroits choisis figuraient les « coupures » dans les horaires pour permettre les évolutions du train appelé à jouer un rôle capital dans le film. Ces évolutions et les occupations de voies principales, pour satisfaire aux nécessités de la vraisemblance, sans toucher aux règles de la sécurité, allaient donner du fil à retordre aux spécialistes des groupes de Charleroi et de Namur, tout particulièrement.

Mais l’exécution de quelques séquences « acrobatiques » devait mettre à l’épreuve l’ingéniosité et la patience de tous, depuis le metteur en scène, Maurice Labro, jusqu’au signaleur manœuvrant le passage à niveau de Couillet-Montignies. Calme et savoir-faire pour les uns, courage physique pour le cascadeur, doublant Dominique Paturel, et contraint de sauter, à trois ou quatre reprises, dans un wagon-tombereau du train en marche, après s’être cramponné à la partie extérieure de la balustrade de la passerelle pour piétons. Sang-froid et maîtrise pour Roger Dutoit, le sympathique acteur belge, pilotant une Citroën, lancée à toute allure et passant in extremis sous les barrières du passage à niveau. Les témoins de cette scène délicate, qui exigeait une parfaite coordination avec les gars de la cabine, ont encore aux oreilles le raclement brutal avec lequel les chaînes flottantes de la deuxième barrière heurtèrent le toit de la voiture.

Les cinéastes du film et de la télévision flamande braquent leurs caméras sur le saut du cascadeur à CouilIet-Montignies.

Les témoins ? Parlons-en ! Les alentours de la gare de Couillet grouillaient de gens affairés : techniciens du cinéma et de la télévision, journalistes, quêteurs d’autographes auprès de l’actrice Virna Lizi, ouvriers des usines environnantes et, enfin, les inévitables badauds, bouche bée, que les policiers écartaient à grand-peine du champ des caméras.

Tout ce petit monde, en vérité, fut gâté. On assista encore à la montée, en pleine course, de trois espions, patibulaires à souhait, sur un des wagons transporteurs d’autos, incorporés au convoi pour la circonstance. Enfin se déroula une courte scène, plus tranquille celle-là, à laquelle certain officier de police de la gare participa brillamment, sous les regards critiques et peut-être un peu envieux de ses collègues...

Les prises de vues de la seconde journée devaient se situer, en pleine voie, entre Andenne et Ampsin. Elles furent malheureusement entravées par un brouillard glacial et tenace, qui rendit impossible la réalisation de la plupart des scènes prévues. Songez donc : il s’agissait bel et bien de filmer une poursuite éperdue sur les toits des wagons fermés et à toiture enroulable, au sein d’une débauche de coups de revolver, et cela à plus de 30 km à l’heure ! Chefs de gare et machiniste instructeur furent sur les dents ce jour-là et, le soir tombant, alors que la fatigue marquait tous les visages, il fallut bien constater qu’une troisième journée de travail était nécessaire. Au pied levé, avec un entrain et un esprit de coopération admirables qui ravivèrent le courage des acteurs et des cinéastes, les cheminots firent ce qu’il fallait pour que matériel, personnel et... nouveaux horaires fussent mobilisés pour le lendemain, cette fois sur la ligne de Ciney à Evrehailles.

Au soir de ce troisième jour, non prévu au programme mais favorisé par une luminosité idéale, les séquences ferroviaires étaient achevées, sans le moindre incident et à la plus grande satisfaction des réalisateurs, émerveillés par la compétence souriante et le désir de bien faire dont, à tous les échelons, les cheminots belges avaient donné la preuve en cette occasion inusitée.

Le film est, à l’heure qu’il est, entièrement terminé.

Soucieux de témoigner leur reconnaissance à la S.N.C.B., les dirigeants de la firme Cinéphonic sont venus exprimer leurs vifs remerciements à MM. Van Cauwenberge, directeur C, et Lataire, directeur P.S. La « première » de « Coplan prend des risques » aura lieu à Charleroi. La recette de cette soirée de gala, selon le désir des réalisateurs, sera versée à la caisse de nos Œuvres sociales en faveur des vacances des enfants.


Source : Le Rail, avril 1964