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La nouvelle ligne du Tokaido

mercredi 17 septembre 2014, par rixke

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Au pays du soleil levant et des jeux olympiques 1964

La ligne du Tokaido actuelle, à l’écartement de 1,067 m, est la plus importante du Japon : non seulement elle traverse les trois plus grandes villes du pays, Tokyo, Nagoya et Osaka, mais environ 40 % de la population japonaise et 70 % du potentiel industriel sont situés à l’intérieur de la région desservie. Cette ligne à double voie est complètement saturée : 120 trains de voyageurs et 75 convois de marchandises circulent quotidiennement sur la plupart de ses sections : c’est un maximum.

Pour contribuer à l’expansion économique de la nation, un chemin de fer entièrement nouveau et à écartement normal (1,435 m) assurera une liaison à grande vitesse sur les 515 km qui séparent Tokyo d’Osaka. Les plus récentes applications de la technique ont été utilisées pour la réalisation de cette ligne qui, grâce aux efforts des Japanese National Railways (J.N.R.), sera inaugurée bientôt.

 L’institut des Recherches des J.N.R.

Installé à Kuniitachi, près de Tokyo, l’Institut de Recherches est un ensemble ultra-moderne comprenant 35 laboratoires et une équipe d’environ 700 techniciens et experts. Ce sont les ingénieurs de cet institut qui, les premiers, envisagèrent la possibilité de faire rouler des trains réguliers à plus de 200 km/h. C’est là aussi qu’on étudia la structure de la voie, l’esthétique du matériel roulant, l’appareillage de contrôle des trains et le système de caténaire capable de répondre aux exigences d’un service ultrarapide.

 La ligne expérimentale.

Une ligne expérimentale de 37 km, située à l’est de Kamonomiya, près d’Odawara, a permis d’éprouver la résistance du terrain et de vérifier le comportement de l’équipement et du matériel. Comme quartier-général pour les essais et l’entraînement du personnel, un dépôt spécial fut établi à Kamonomiya, avec des installations permettant l’entretien des rames et des voles.

Deux automotrices prototypes sont en service sur la ligne expérimentale depuis juin 1962. Le 30 mars 1963, la vitesse de 256 km/h était atteinte, après une série de parcours quotidiens à 200 km/h, effectués pour vérifier la possibilité d’assurer un service régulier de 515 km en trois heures.

 Let installations fixes et la signalisation.

Les rails en barres soudées de 1.500 m pèsent 54 kg au mètre. Il est prévu un appareil de dilatation à chaque extrémité, avec joint isolant. Ces rails, posés sur des selles en caoutchouc rainuré, sont attachés aux traverses par des crapauds élastiques.

Les traverses, en béton précontraint, sont très lourdes (250 kg) et longues de 2,400 m. La partie centrale est légèrement évidée, et les extrémités ont 20 cm d’épaisseur sur 30 cm de largeur. On pose 1.666 traverses au kilomètre.

Le ballast en pierre cassée est disposé sur une épaisseur de 30 cm et déborde d’un mètre les extrémités des traverses. Il repose sur une couche de sable de même épaisseur.

La distance maximale qui sépare les axes des deux voies est de 4,200 m. De ce fait, l’entrevoie autorise la circulation de véhicules de grande largeur, tout en permettant le croisement des convois aux plus grandes vitesses sans réactions excessives.

Les courbes ont 3.000 m de rayon, et les rampes ne dépassent pas 15 mm par mètre. La charge maximale par essieu est de 16 tonnes.

La caténaire à double suspension est alimentée en courant monophasé 25.000 volts 60 Hz. On a pu la prévoir à hauteur constante, ce qui facilite énormément la captation du courant et explique aussi le faible encombrement des pantographes.

Le pays étant très accidenté, la ligne comporte de nombreux ouvrages d’art. Les voies sont établies en talus sur la plus grande partie du tracé, ce qui a permis d’éviter les passages à niveau.

Dans le domaine de la signalisation, les J.N.R. ont adopté le système de répétition des signaux dans le poste de conduite. Ils ont réalisé un bloc automatique lumineux par circuits de voie, réparti tous les 1.500 m. De longues distances d’arrêt ont été prévues, afin d’éviter les risques de déformation des organes de roulement encourus en cas de freinage trop brusque aux grandes vitesses. La signalisation présente de ce fait un grand nombre d’indications successives. C’est ainsi que, sur la section d’essais, le conducteur d’une automotrice roulant à 250 km/h rencontre successivement : un feu vert, franchissable à plus de 200 km/h, puis, de 1.500 en 1.500 m, un feu Jaune-vert, franchissable à 160 km/h ; un feu jaune, franchissable à 110 km/h, un double feu jaune, franchissable à 70 km/h ; un feu jaune-rouge, franchissable à 30 km/h, et enfin le feu rouge d’arrêt. Le convoi est ainsi stoppé sur une distance de 4.500 à 5.000 mètres.

 La commande automatique du freinage.

Elle agit deux secondes après l’indication fournie au conducteur deux secondes également après l’entrée dans la section. Cette commande, électronique, est obtenue quand le train capte les Indications transmises par les appareils placés le long de la voie.

En plus du dispositif de contrôle automatique des trains, la sécurité de ces derniers est encore renforcée par la « commande centralisée du trafic », la « commande centralisée des sous-stations » et les télécommunications.

Les 25 sous-stations, espacées de 20 km environ, et les 22 postes de sectionnement sont contrôlés depuis le poste central de Tokyo.

 Nouvelles gares.

Aux deux extrémités de la ligne, les gares de Tokyo et Osaka vont devenir des centres de transbordement importants. A Tokyo, le terminus de la ligne sera intégré dans la gare actuelle, tandis qu’à Osaka, une grande gare appelée « Shin-Osaka » est en construction à quatre kilomètres au nord-est de la station actuelle. Dans les deux villes, des aménagements sont apportés pour le transfert des voyageurs entre les rames du Tokaido et les autres modes de transport.

De nouvelles stations seront édifiées à Yokohama et à Hashima. Ailleurs, les quais et les aménagements de la nouvelle ligne s’ajouteront aux installations de la ligne actuelle.

 Le matériel roulant.

Les plus modernes dans tous les domaines, les automotrices prototypes sont le fruit des recherches entreprises par les J.N.R. et révèlent leur compétence en la matière.

Livrés en mai 1962, les deux types se composent respectivement de deux et de quatre voitures. Ces deux ensembles peuvent être accouplés de manière à former une rame de six voitures. Au début de l’exploitation commerciale, les trains seront composés de six voitures. Le nombre de voitures de chaque train sera fonction de l’accroissement du trafic et atteindra un maximum de 16 véhicules.

Avec un gabarit beaucoup plus généreux que celui des automotrices actuelles du type « Kodama » (Echo) et une puissance trois fois plus élevée, ces véhicules aux lignes très pures dégagent une impression de vitesse et de puissance. Ils sont décorés extérieurement en deux tons, blanc ivoire et bleu. Le carénage a fait l’objet de soins attentifs.

Les bogies sont dotés d’une suspension pneumatique, de freins à disque et de roues monobloc.

Les moteurs, entièrement suspendus, développent 170 kW chacun en régime continu, utilisant le courant ondulé (450 ampères sous 415 volts à 2.200 tours/minute). Ce courant provient du transformateur principal, qui alimente un redresseur au silicium de 1.500 kW. Les moteurs sont alimentés à tension variable, et il y a deux crans de shuntage On compte huit moteurs pour une automotrice double, répartis sur quatre bogies.

Le freinage dynamique est employé aux allures n’excédant pas 50 km/h, tandis que le frein pneumatique est utilisable à toutes les vitesses.

Les voitures sont munies de haut-parleurs, et les passagers disposent du téléphone en plus des commodités habituelles. L’appareillage de conditionnement d’air est logé au-dessus du plafond, sous la toiture, et on a veillé à éliminer les bruits et les vibrations... Une pressurisation adéquate supprime les effets désagréables provoqués à l’entrée des tunnels et par le croisement d’autres convois.

Les voitures composant une automotrice prototype pèsent 58 tonnes chacune. Cette tare élevée est due à l’appareillage supplémentaire exigé pour les essais. Le poids des véhicules des futures automotrices ne dépassera pas 54 tonnes.

Dimensions principales d’une voiture : longueur, 25,000 m ; hauteur toit, 3,950 m ; largeur caisse, 3,380 m ; hauteur du plancher au-dessus du rail, 1,300 m ; axe de l’attelage automatique au-dessus du rail, 1,000 m ; empattement des bogies, 2,500 m ; diamètre des roues, 0,910 m. Puissance continue d’une automotrice double : 1.360 kW.

 L’exploitation.

Après l’achèvement de la nouvelle ligne, le temps de parcours actuel de 6 h 30 entre la capitale et Osaka sera réduit de plus de la moitié. Les nouveaux trains express directs accompliront le voyage en trois heures alors que les express ordinaires, desservant les dix stations intermédiaires, l’effectueront en quatre heures. Initialement, les premiers circuleront à une heure d’intervalle, et les seconds, toutes les demi-heures. La fréquence journalière sera de trente trains dans chaque direction.

Les horaires seront coordonnés avec ceux de la ligne actuelle et des lignes de correspondance.

Le trafic nocturne des marchandises en « containers » sera introduit peu après, accélérant aussi le mouvement des marchandises entre les principaux centres. Les containers seront disposés sur des plates-formes automotrices roulant à 140 ou 150 km/h.

La nouvelle ligne du Tokaido n’apportera pas seulement un bénéfice inestimable au lapon, mais il est certain qu’elle contribuera à l’ouverture d’une nouvelle ère de progrès pour l’avenir des chemins de fer du monde entier.


Source : Le Rail, octobre 1964