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L’office de recherches et d’essais

F. Baeyens.

mercredi 4 février 2015, par rixke

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 Le passé, le présent, l’avenir

La S.N.C.B. participe aux travaux de divers organismes internationaux parmi lesquels il faut citer spécialement l’Association internationale du Congrès des Chemins de fer (A.I.C.C.F.) et l’Union internationale des Chemins de fer (U.I.C.).

L’activité de l’A.I.C.C.F., dont la présidence et le secrétariat sont assurés par la S.N.C.B., se caractérise par l’organisation de congrès (tous les quatre ans, le dernier ayant eu lieu en 1962) et de réunions de sa Commission permanente élargie (également tous les quatre ans, la dernière ayant eu lieu en I960) ainsi que par l’édition de deux revues mensuelles de réputation internationale : le Bulletin et son supplément mensuel consacré à la traction électrique.

Les réunions de l’A.I.C.C.F. ont principalement pour but de formuler les conclusions qui résultent de l’analyse des études effectuées par des rapporteurs et relatives à des problèmes importants sur lesquels les membres de l’association ont été interrogés par la voie de questionnaires précis.

M. Baeyens, directeur de l’O.R.E., à qui notre revue doit plus d’un article sur des sujets dont on a pu goûter l’éclectisme : techniques ferroviaires, relations de voyages et communications radiophoniques par ondes courtes ...

C’est une organisation mixte, en ce sens que non seulement les administrations de chemin de fer, mais aussi les gouvernements y sont représentés.

L’A.I.C.C.F. analyse le passé et, par la voie des conclusions qu’elle formule, elle prépare l’avenir. Trente-deux gouvernements, douze organismes et cent trois administrations de chemin de fer en tirent le plus grand profit.

Les travaux de l’U.I.C. — dont le secrétariat général est à Paris — sont effectués dans des commissions et des sous-commissions. Son activité principale se résume en un mot d’une profonde signification : unification.

Cette unification doit, avant tout, avoir pour but l’amélioration des conditions d’établissement et d’exploitation des chemins de fer en vue du trafic international. Unification des dimensions de certains organes du matériel roulant, ce qui a pour conséquence de permettre aux voitures et aux wagons de franchir les frontières et d’éviter ainsi le transbordement des voyageurs et des marchandises. Fixation de valeurs unifiées pour les tensions nominales d’alimentation des lignes électrifiées (1.500, 3.000, 15.000 et 25.000 volts), ce qui permet aux engins moteurs appartenant à des pays ayant, adopté un même système de franchir eux aussi les frontières. Etablissement de solutions unifiées pour le matériel polycourant. Unification des spécifications pour la fourniture de matériel, unification des règles d’entretien, établissement de tarifs-types, unification des règles comptables, etc.

Du point de vue cheminot, l’U.I.C. a réalisé cette Europe que les guerres ont déchirée et que les politiciens essaient de recoudre, et elle s’efforce de perfectionner encore cet ensemble. A ce titre, elle coordonne et oriente aussi l’activité d’organismes tels que la Conférence des Horaires, Interfrigo, le groupement T.E.E., Eurofima, etc.

En résumé, ayant conscience des difficultés du passé, l’U.I.C. s’occupe du présent et de l’avenir.

L’Office de Recherches et d’Essais (O.R.E.), qui est un organe de l’U.I.C, a connaissance des techniques du passé et du présent, et il s’efforce de trouver des solutions meilleures pour l’avenir.

 Naissance de l’O.R.E.

Après la deuxième guerre mondiale, la plupart des administrations européennes ferroviaires se trouvaient devant d’énormes problèmes : destructions importantes, disparition progressive du quasi-monopole du transport à la suite du développement de l’automobile et de l’avion, renaissance de l’industrie.

Durant la guerre, pour répondre à des besoins stratégiques, la recherche scientifique avait été développée à un niveau inconnu jusqu’alors, et des progrès immenses avaient été réalisés. Pour amortir le capital engagé dans ces recherches, il fallait en exploiter les résultats sur le plan industriel et à des fins autres que la destruction.

Une locomotive suisse Ae 6/6 en fête d’un train d’essai...

Fermement décidés à ne pas disparaître, les chemins de fer européens ont alors renforcé leur union et, en vue de la lutte qui se dessinait, ils ont établi des plans de coordination scientifique et technique, à l’échelle internationale. Et, en 1950, quelques administrations de l’U.I.C. ont créé l’O.R.E., organisme géré et contrôlé directement par l’U.I.C., en vue :

  • de mettre en commun les moyens de recherche (laboratoires et autres installations d’essais) ;
  • de mettre en commun les résultats de leurs recherches et de les diffuser ;
  • d’exécuter des études pour compte commun ;
  • d’étudier la rationalisation des moyens de construction ;
  • de rechercher la possibilité de répartir les fabrications entre divers pays en vue d’abaisser le prix de revient.

La S.N.C.B. a participé activement à la « naissance » de l’O.R.E.

 Fonctionnement de l’O.R.E.

Actuellement, l’O.R.E. groupe au total 36 administrations : celles de la plupart des pays d’Europe, ainsi que celles de quelques pays plus lointains (Canada, Inde, Iran, Israël, Japon, etc.).

Le contrôle du travail de l’O.R.E. est confié à un Comité de Direction qui se réunit en principe quatre fois par an. C’est lui qui soumet au Comité de Gérance de l’U.I.C. les propositions d’inscription de questions nouvelles ainsi que les comptes de l’O.R.E., et qui approuve les rapports techniques relatifs aux questions au programme. La présidence du Comité de Direction est confiée à l’un des directeurs généraux des Chemins de fer néerlandais, et celui-ci est aidé dans sa tâche par un bureau de coordination, installé à Utrecht.

Ce bureau comprend une douzaine d’ingénieurs appartenant à huit nations. Ils ont été choisis avec l’intention de réunir une équipe de spécialistes de techniques différentes, travaillant sur le plan de l’intérêt général — et non national — des chemins de fer.

Un bureau d ingénieurs. Y sont rassemblés : un Allemand, un Italien et un Suisse. A noter que, quelquefois, quand cela détient compliqué, on mélange à l’O.R.E. le français, l’allemand et l’anglais pour se faire comprendre. Cela donne une langue nouvelle que les utilisateurs appellent l’ORELIA !

Un groupe de traducteurs et de secrétaires-dactylographes (six nations y sont représentées !) complète cette équipe.

Les questions mises à l’étude sont présentées par les administrations membres et, après approbation par les instances supérieures (Comité de Direction de l’O.R.E. et Comité de Gérance de l’U.I.C), elles sont étudiées par des comités d’experts, constitués d’ingénieurs appartenant aux administrations disposant de spécialistes dans le domaine considéré. On y introduit quelquefois des experts appartenant à l’industrie ou à l’enseignement supérieur.

Le bureau d’administration générale : réception de la correspondance, classement, central téléphonique, etc.

Il appartient notamment aux ingénieurs du bureau de l’O.R.E. de procéder aux premières enquêtes, d’assurer le secrétariat des comités d’experts, de surveiller l’exécution des essais, de coordonner les travaux de comités traitant de problèmes connexes, d’assurer l’exécution des décisions du Comité de Direction.

Depuis la création de l’O.R.E., 78 questions ont été inscrites à son programme de travail. Elles ont fait l’objet de près de 200 rapports techniques. Pour 27 questions, l’étude est terminée ; 7 questions ont été abandonnées. Actuellement, 44 questions sont donc à l’étude. Une vingtaine de rapporteurs et près de trois cents ingénieurs appartenant à quinze nations s’en occupent, et cela représente au total une centaine de réunions par an.

Le bureau de l’O.R.E. publie un Bulletin semestriel.

La S.N.C.B. participe activement aux travaux de l’O.R.E., et ce à tous les échelons de cet organisme : Comité de Direction, bureau de coordination et comités d’experts.

 Nature des questions traitées

Les questions traitées ont toutes un certain caractère scientifique. Toutes nécessitent des recherches et des essais importants. Elles touchent tous les domaines de la technique ferroviaire : traction électrique, signalisation, télécommunications, traction diesel, matériel remorqué, voie, ouvrages d’art, technologie des matériaux.

Comme il n’est évidemment pas possible, dans le cadre de cet exposé, d’entrer dans des détails techniques, il faut se contenter de mentionner quelques exemples pour montrer l’universalité, des recherches effectuées par l’O.R.E.

Dix-sept ingénieurs, appartenant à dix nations, étudient le comportement des pantographes et des lignes caténaires aux grandes vitesses. Les essais déjà effectués ont permis de formuler des conclusions importantes quant à la construction des pantographes et à la constitution des lignes.

Dix ingénieurs appartenant à huit administrations s’occupent de la normalisation des wagons et de l’étude de wagons suivant une formule nouvelle. Une des idées avancées consiste à concevoir des wagons de durée de vie plus réduite, moins chers et nécessitant moins de réparations, plus légers, mais d’une robustesse qui satisfasse de manière plus économique aux conditions de service.

Le service de reproduction de documents.

Onze ingénieurs appartenant à dix nations développent la normalisation des locomotives diesel, aidés dans leur tâche par les représentants de dix pays faisant partie du Groupement des Constructeurs européens de Locomotives à moteur thermique. Il s’agit ici d’un travail important dont les conclusions doivent orienter les constructions futures du matériel, et qui répond à chacun des points de la mission générale confiée à l’O.R.E. lors de sa création !

Les mêmes formules de coopération internationale sont appliquées pour l’étude des problèmes relatifs au chauffage des voitures, à la recherche des défauts dans les rails, aux effets dynamiques dans les ponts, à la qualité des lubrifiants, à la protection des matériaux contre la corrosion, à l’étude des circuits de voie et des relais de signalisation, à la transmission d’informations entre voie et machine, aux conséquences des vibrations des wagons pour le comportement des marchandises et de leurs emballages, aux recherches concernant l’application du caoutchouc pour les appareils d’appui de ponts, à l’application de matériaux synthétiques pour les parties résistantes du matériel roulant, etc.

C’est aussi grâce à des initiatives prises par l’O.R.E. qu’on a créé à Vienne une station d’essais de chauffage et de climatisation, unique au inonde. Elle a été mise en service en 1961. On peut y reproduire toutes les conditions climatiques depuis celles qui règnent dans l’extrême nord jusqu’à celles qui règnent sous les tropiques. Chacune des deux halles de cette station peut recevoir un véhicule de 27 mètres de long.

C’est enfin l’O.R.E. qui est chargé des essais relatifs à l’un des problèmes les plus importants actuellement étudiés par les chemins de fer européens : l’introduction de l’attelage central automatique.

 Atmosphère internationale...

Malgré tout ce qui pourrait séparer des techniciens appartenant à des pays différents, ayant reçu leur formation scientifique dans des écoles différentes et parlant des langues différentes, l’atmosphère des réunions internationales est réellement passionnante. Ou peut-être est-ce à cause de toutes ces... différences ?

Chacun des participants apporte des renseignements précieux et chacun y acquiert une foule de connaissances nouvelles.

Dans les discussions, on fait usage du français, de l’allemand et de l’anglais, ce qui permet à chacun de compléter sa connaissance des langues étrangères. Mais, à ce point de vue, les ingénieurs de l’O.R.E. sont privilégiés : après quelques mois de présence à Utrecht, ils se débrouillent même en... néerlandais.

 ... et atmosphère d’Utrecht

Dans les opuscules de propagande édités à l’intention des touristes, on écrit ici : « Visitez la Hollande et vivez à la hollandaise ». Cela me mènerait trop loin de vous expliquer en quoi cela consiste, et de vous raconter ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire, ce qu’il faut croire et ce qu’il faut voir.

Sachez au moins qu’en Hollande, il faut boire du café à dix heures et du thé à quatre heures. Sachez aussi qu’il faut fumer des cigares frais.

Oui, vivre à la hollandaise, cela consiste aussi à avaler des harengs crus (ici, ils les appellent « verts » !) arrosés d’un verre de genièvre, ce qui les fait glisser...

Mais, puisque c’est à côté de la porte, venez donc voir les canaux d’Amsterdam et de Delft, l’île de Texel et ses oiseaux, les champs de tulipes de Lisse, les moulins à vent de Kinderdyk, les lacs de Loosdrecht couverts de mille petits voiliers, les pittoresques villages de pêcheurs d’Urk et de Spakenburg, les gigantesques travaux du Zuiderzee et du plan Delta...

Utrecht

Depuis des siècles, on cultive des fleurs dans le triangle Leyde, Utrecht, Haarlem, et cette immense étendue prise à la mer est, d’avril à octobre, une contrée féerique.



Quel enchantement d’y circuler ! A perte de vue, au printemps, toutes les espèces de tulipes s’y épanouissent — tulipes-lis, tulipes-pivoines, tulipes perroquet, tulipes Darwin —, formant des damiers éblouissants ; ailleurs, ce sont des tapis de jacinthes, de narcisses, d’anémones, de crocus, de renoncules et, l’été, quand ces merveilles éphémères ont disparu, leur succèdent les bégonias, les dahlias, les glaïeuls, tandis que des serres abritent les plantes plus délicates, en même temps qu’elles font mûrir les énormes grappes de raisins blancs et noirs.



A l’extrémité orientale de cette région lacustre, Utrecht apparaît comme une ville noble, que domine la tour carrée de sa cathédrale, séparée par une place ombragée d’un splendide sanctuaire élevé au XIV siècle. Arrosée par le Rhin « courbé » — Kromme Rhyn —, qui s’y divise en deux bras, le « vieux » Rhin — Oude Rhyn —, et le Vecht, le premier allant vers Leyde, le second vers le Zuiderzee, elle offre à la fois le mouvement d’artères modernes commerçantes et, au long des canaux qui serpentent partout, des visions paisibles de la Hollande de jadis, certains sous-sols, toujours habités, ouvrant portes et fenêtres au ras de l’eau ; des parcs, habilement dessinés, ceinturent en partie l’agglomération, et c’est dans l’un d’eux que, non loin de la gare, s’élève le monumental palais de la direction des Chemins de fer des Pays-Bas.


Source : Le Rail, avril 1963