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Petits trains du pays de Galles et de l’ile de Man

Dennis Gill.

mercredi 4 février 2015, par rixke

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Les chemins de fer sont évidemment un moyen de transport d’un endroit à un autre. Mais il existe en Grande-Bretagne un certain nombre de chemins de fer dont l’attrait principal réside dans le fait qu’ils sortent de l’ordinaire. On y est attiré par la simple curiosité de les voir ou par le plaisir d’une petite promenade en train, sans destination précise. La destination, en vérité, n’a qu’une importance secondaire par rapport à l’enchantement du voyage lui-même.

Des petites lignes de chemin de fer ont suscité un tel intérêt que des « associations de préservation » ont été constituées par de fervents adeptes pour assurer la continuation de leur exploitation en dépit de la concurrence écrasante de l’automobile. Cela a eu pour conséquence de rendre à la vie un certain nombre de lignes « pas comme les autres » qui étaient menacées, de disparaître.

Tel fut le cas pour le « Ravenglass and Eskdale Railway », qui charme ses passagers sur un parcours d’une douzaine de kilomètres, de Ravenglass, sur la côte du Cumberland, jusqu’au village de Boot, en traversant la vallée d’Eskdale. Cette ligne fut exploitée à l’origine, en 1875, avec un gabarit de voie de trois pieds, gabarit qui fut ramené à quinze pouces en 1915. Mais, il y a deux ans, on eut l’impression que le « Ratty » (le Grincheux), comme on l’appelle familièrement, allait cesser pour toujours de faire son petit bonhomme de chemin, et c’est alors que la « Ravenglass and Eskdale Railway Preservation Society » vint à la rescousse. Elle lança une souscription nationale et acheta la ligne pour 12.000 livres sterling. L’avenir du Grincheux est assuré à présent, et l’on peut de nouveau voir, chaque été, les petits trains serpenter à travers l’admirable paysage de la région située sur le bord ouest du Lake District. L’hiver, il existe un service réduit.

Toutefois, c’est le Talyllyn Railway, dans le centre du Pays de Galles, qui fit naître l’idée de constituer la première association de préservation du chemin de fer et montra ce que des supporters décidés pouvaient faire en unissant leurs efforts pour empêcher une ligne de disparaître. Il est fort possible que si la Talyllyn Preservation Society n’avait pas donné l’exemple, certaines des autres lignes mentionnées dans cet article n’existeraient plus aujourd’hui. Le Talyllyn, dont l’écartement est de deux pieds trois pouces, fut inauguré en 1865 et appartint en dernier lieu à sir Haydn Jones, un ancien membre du Parlement élu par la circonscription de Merioneth. Lorsque sir Haydn Jones mourut en 1950, il sembla que la ligne de chemin de fer allait disparaître aussi. Mais la fondation d’une association de préservation et l’accueil chaleureux qui fut réservé à son appel sauvèrent la situation. Et c’est ainsi que de Towyn, sur la côte du Merioneth, les petits trains continuent de faire leur trajet de sept milles à l’intérieur des terres, et que deux des locomotives commandées il y a près d’un siècle pour la mise en service de la ligne (le Talyllyn et le Dolgoch) sont encore bien actives. Quatre des premiers wagons pour voyageurs utilisés sur la ligne sont encore en service, et l’association a ouvert un intéressant musée de chemins de fer à voie étroite.

A mesure qu’il s’éloigne de la côte pour grimper à l’assaut des collines Voisines, le Talyllyn s’aventure dans un paysage de rêve où fleurissent les rhododendrons, les jacinthes des bois, les genêts et les digitales pourprées. Sur près de la moitié du trajet qui sépare Towyn d’Abergynolwyn, la ligne s’accroche à flanc de coteau et, à un moment donné, elle passe au-dessus d’un ravin de près de 18 mètres de profondeur.

Le succès du Talyllyn fut d’un extraordinaire encouragement aux enthousiastes qui s’employaient à rendre vie au Festionog (à quelque 25 milles au nord), le plus ancien chemin de fer public à voie étroite du monde, fermé en 1946. D’un écartement d’un peu moins de deux pieds, cette ligne avait été ouverte en 1836 pour le transport d’ardoises extraites des carrières de Blaenau Festionog jusqu’à la côte du Caernavonshire, à une distance de treize milles et demi. Le premier transport de passagers s’effectua en 1865 et, pendant des générations, la traversée impressionnante du Val de Festionog demeura, pour les touristes visitant la Galles du Nord, un des clous du voyage. A présent, l’exploitation de la ligne a été reprise sur une distance de sept milles et demi, entre Portmadoc et Tan-y-Bwlch, où le chef de gare (une femme) observe la coutume instaurée par ses prédécesseurs en portant la robe galloise traditionnelle. Une des locomotives, Prince, est probablement la plus ancienne du monde à assurer un service régulier de passagers (elle est en service sur la ligne de Festionog depuis 1863). Il est aussi de curieuses antiquités, comme Earl of Merioneth et Merddin Emrys, locomotives à double chaudière, de 80 ans d’âge, avec une cheminée à chaque extrémité.

Le Pays de Galles, on peut le voir, est un terrain de chasse extrêmement intéressant pour ceux qui sont à la recherche de chemins de fer inhabituels, et le Talyllyn et le Festionog ne sont pas les seuls. Ceux dont l’alpinisme n’est pas le fort peuvent, tout aussi bien que leurs frères amateurs d’ascensions pédestres, jouir de l’admirable panorama que l’on découvre du sommet de Snowdon : un chemin de fer à crémaillère les conduira jusqu’à l’hôtel. La ligne s’étend sur à peu près cinq milles, et la pente, qui n’est jamais de moins de 2 %, atteint en certains endroits 18 %. Elle fut mise en service en 1896. Non loin de là se trouve le funiculaire qui va de la station balnéaire de Llandudno aux hauteurs qui dominent le promontoire du nom de Great Orme. La dénivellation maximale est de 22 %, et les cabines pour 48 passagers transportent approximativement 250.000 visiteurs chaque saison.

Le centre du Pays de Galles peut prétendre posséder la seule ligne à voie étroite (1 pied 12 pouces) pour le transport de passagers exploitée par les British Railways, et le parcours de douze milles suivi par le Vale of Rheidol Railway depuis la station côtière d’Aberystwyth jusqu’à Devil’s Bridge, un endroit d’une beauté du diable au cœur des monts du Cardiganshire, le dispute en splendeur avec le trajet du Talyllyn et du Festionog. Les trains qui s’accrochent aux corniches étroites en grimpant en lacet le flanc des montagnes abruptes et boisées sont tirés par des locomotives de 25 tonnes qui ont noms Prince of Wales, Owaln Glyndwr, Llywelyn. Le trajet est d’une heure.

D’autres attractions du Pays de Galles sont le Fairbourne Railway (15 pouces d’écartement), partant de Fairbourne et suivant sur une longueur de deux milles la plage sablonneuse de Merioneth, et le Welshpool and Llanfair Light Railway, dans le comté de Montgomery.

Du sommet de Snowdon, on peut voir par temps clair les contours de l’île de Man se dessiner à l’ouest. Quiconque s’intéresse aux curiosités du rail ne devrait rater l’occasion de s’y rendre. Le bref voyage par mer ou par air apporte une profusion de récompenses, car les chemins de fer mannois sont uniques en leur genre. Ayant en tout une longueur de 46 milles, la ligne mannoise est de loin la plus longue ligne à voie étroite (3 pieds) de Grande-Bretagne, et elle n’a cessé, depuis la mise en service de la première section, de Douglas à Peel, en 1873, de desservir fidèlement les habitants de l’île. Elle dessert la plupart des régions de l’île et utilise 16 petites locomotives à vapeur pour tirer d’archaïques wagons de couleur rouge et crème.

La traction à vapeur doit faire face, dans l’île de Man, à la sympathique concurrence de la traction chevaline des trams, à Douglas, et aussi à celle des chemins de fer électriques, qui s’étendent principalement le long de la côte, de Douglas à Ramsey (18 milles), à travers un paysage de toute beauté. « Goûter leur agréable allure tranquille, calculée pour calmer le plus impatient des voyageurs et l’amener doucement à apprécier le charme de cette façon de voyager, c’est, dit miss Maxwell Fraser dans In Praise of Manxland, comme faire un pas en arrière au temps de nos ancêtres. » Cette ligne de chemin de fer, d’un gabarit de voie de trois pieds, connue sous le nom de « Royal Mail and Direct Coast Route », a été achevée en 1899 et a été empruntée une fois par le roi Edouard VII et la reine Alexandra. Les billets de transport permettent aux voyageurs d’interrompre leur voyage aux diverses gorges de montagnes et autres sites pittoresques qui jalonnent le parcours — et de faire arrêt notamment à Groudle Glen, où il existe un train miniature. De Laxey, la ligne secondaire, qui conduit les touristes à proximité du sommet de Snaefell (2.034 pieds), s’étire, sur une distance de plus de quatre milles et demi, sur une pente qui la plupart du temps est de 8 %. C’est la ligne la plus escarpée de Grande-Bretagne à être uniquement exploitée par adhésion. L’écartement des voies est de trois pieds six pouces. La vue qui s’offre aux passagers au fur et à mesure que le train monte lentement les lacets en spirale au flanc de la montagne est superbe, et, du sommet, on peut voir l’île tout entière s’étendre à ses pieds.


Source : Le Rail, avril 1963