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Quand notre B porte des fleurs

mercredi 1er avril 2015, par rixke

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André Demoustier.

A votre service

« Le personnage le plus important de mon train, c’est le voyageur ! »

Ainsi parlait un chef garde principal de la vieille école que nous avons bien connu, et sa leçon mérite d’être méditée : sans voyageur, plus besoin de chef garde, plus besoin de trains... Il n’y aurait plus qu’à fermer !

C’est en partant d’une idée aussi évidente que la Société a voulu « faire quelque chose de plus » pour son public ; cela semblait particulièrement indiqué au moment où s’amorce un incontestable « retour au rail », encourageant pour tous les cheminots, eux qui, précisément, forment « la Société ». Ne voit-on pas l’automobile elle-même, naguère encore concurrente du train, sinon même son ennemie mortelle, s’adresser à lui pour trouver la vitesse, le confort et la sécurité ? Nous pensons au succès éclatant des trains d’autos accompagnées de leurs conducteurs.

Mais pour accélérer ce mouvement de reprise, il ne suffit pas que le voyageur dispose de services toujours mieux adaptés à ses besoins. Il faut encore, et de plus en plus, qu’il se sente « bienvenu » dans nos gares et dans nos trains, qu’il y trouve l’atmosphère aimable et souriante que lui offrent les concurrents. Tel est le but précis de la campagne « Bon Accueil », qui s’est déroulée en juillet et en août dans quelques grandes gares du réseau.

Il était nécessaire que « la gare », entité matérielle, se fît aimable : la propreté, l’accueil, la décoration florale, le « style » des annonces au micro ont retenu l’attention des chefs de gare. Mieux : un drapeau ou un panonceau, placé à un endroit convenable, a souhaité « bon voyage » — signé « (B) » — aux voyageurs : simple attention, mais qui n’a pas manqué de faire une impression favorable.

Une brochure d’accueil a été éditée ; sa présentation élégante lui confère une tenue digne de la grande et ancienne maison qui est la nôtre. Le bureau de renseignements l’a remise au visiteur venu demander un horaire, et sur la grille qu’elle contient, l’horaire demandé a été inscrit par l’hôtesse ou par le commis préposé — « l’hôte », voudrions-nous dire : c’est bien là son rôle ! Cette brochure contient aussi un certain nombre de données utiles aux voyageurs occasionnels, qui sont nombreux en période de vacances : comment voyager à moindres frais, où s’adresser pour faire prendre ses bagages, à quelles conditions scinder un voyage, etc. Elle s’ouvre sur une introduction, rédigée sous forme de lettre, comprenant quelques mots de bienvenue et des vœux d’heureux voyage, et surtout elle porte, en première page, une mention qui est tout un programme : « A votre service... » et un emblème qui est un symbole très clair : notre (B), que l’artiste a enjolivé de fleurs stylisées.

Une gare n’est pas seulement un bâtiment, et les réalisations matérielles ne suffiraient pas à la rendre accueillante. Une gare est avant tout une collectivité humaine, et c’est aux cheminots qui la composent qu’il incombe de créer l’atmosphère aimable que le voyageur est en droit d’attendre. C’est pourquoi la campagne du « Bon Accueil » présentait un côté « relations humaines » destiné au personnel. S’inspirant des moyens qui ont donné les résultats que l’on sait en matière de sécurité du travail, toute une petite organisation s’est efforcée de renforcer chez nos collègues des grandes gares touchées quelques notions importantes sur la façon de mieux servir, notions que chacun possède évidemment, mais dont il est toujours utile de souligner la valeur commerciale.

C’est ainsi que l’attention des cheminots a été attirée sur le fait qu’en juillet et en août, le rail devient, pour de très nombreuses personnes, la source, la matérialisation même d’une joie annuelle attendue avec impatience : le voyage de vacances. Il importe donc que chacun fasse en sorte que « le plaisir du voyage commence à la gare ». C’est à ce prix que les « vacanciers » reviendront chez nous l’an prochain.

Un autre élément primordial, et dont la concurrence joue d’ailleurs avec brio, est ce qui a été baptisé le « SERVICE EN PLUS ». Qu’est-ce donc ? Il serait bien malaisé d’en donner une définition satisfaisante, et ce service-là, d’ailleurs, n’a pas de règlement. C’est surtout la manifestation d’un état d’esprit qui, au-delà de la courtoisie de rigueur, donne au visiteur l’impression que le cheminot à qui il s’adresse est heureux de le voir, qu’il est prêt à l’aider parce qu’il se sent son obligé. Le client est notre invité ; nous nous devons donc de le recevoir avec courtoisie ; avec le sourire aussi : cette « force qui n’a pas besoin de la force pour vaincre... ».

Bref, un effort important a été tenté pour améliorer le contact entre le client du rail... et les « vendeurs de rail » que sont les cheminots en relation avec le public.

Pour valoriser aux yeux du grand public la fonction si importante, et si souvent dénigrée, d’une entreprise comme la nôtre, pour lui rendre en somme son prestige, certaines réussites de nos services ont été montées en épingle, en dehors de toute idée de pure publicité. On visait là à influencer favorablement l’opinion publique pour notre Société. Par exemple, à Liège-Guillemins, une photo géante montre un transport de fonte d’Espérance-Longdoz à Chertal [1] et porte ces seuls mots : « Seul le Rail pourrait réaliser ce transport... » La preuve en est faite, mats il importait de le proclamer urbi et orbi.

Ailleurs, à Bruxelles-Midi, pour faire connaître au grand public où en est l’électrification, on a eu l’idée d’exposer une carte du réseau réalisée en « tapis de sable ». Un artiste spécialiste du genre, M. Roger De Bocck, d’Hekelgem (Alost), a créé en sable multicolore une carte de dimensions imposantes — 4 m sur 3 —, sur laquelle il a représenté chaque grande ville par un monument historique célèbre, et l’effet est charmant. La preuve en est que le public s’est pressé nombreux devant ce petit chef-d’œuvre d’art populaire... ce qui a permis d’atteindre le double but que l’on se proposait : valoriser les services que rend notre Société et créer un centre d’intérêt attrayant dans la gare. Plusieurs grands journaux ont d’ailleurs publié une photo.

Nouveautés que tout cela ? Oui et non : notre vieux chef garde, dont nous parlions en débutant, savait déjà que « le voyageur est roi ». Et lui qui fut heureux de la campagne de courtoisie menée avant l’Expo de 195 S l’aurait encore été sans doute s’il avait pu voir notre (B) ferroviaire porter quelques fleurs pour accueillir cette très importante Majesté.


Source : Le Rail, septembre 1963


[1Voir Le Rail de juin 1963.