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Histoire du transport postal

K. Destoop.

mercredi 3 juin 2015, par rixke

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 Courriers et messagers à cheval

Le besoin de faire circuler les messages écrits existait déjà dans la plus haute Antiquité. Les Chinois, les Egyptiens, les Perses, les Grecs et les Romains disposaient déjà de services de courriers bien structurés. La transmission des nouvelles s’effectuait le plus souvent par des estafettes à pied. La première mention de courriers à cheval date de l’époque de Cyrus le Grand en Perse (± 550 av. J.-C).

Ce furent cependant les Romains qui mirent sur pied un service de courriers bien organisé, ce qui n’était pas étonnant au regard de l’étendue de leur territoire.

Le courrier officiel, le « cursus publicus » était généralement transporté dans des chars lourds à 4 roues, tirés par 2, 3 ou 4 chevaux. Pour les transports rapides, on disposait toutefois d’un char à 2 roues, le « cisia », qui pouvait transporter deux personnes et quelques bagages légers. A en croire Cicéron, ce char postal effectuait un parcours de 80 km en 10 heures.

Grâce à cette organisation, le service s’effectuait à merveille, la relève des chevaux et des courriers étant assurée à intervalles réguliers.

 Déclin général des communications

A la chute de l’Empire romain, le char perdit de son importance. La dégradation progressive des chaussées romaines provoqua une forte régression de la communication dans son ensemble. Sous Charlemagne, trois routes postales régulières subsistaient dans nos régions en direction de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Espagne mais après la partition et la chute de l’Empire carolingien, ces voies de communication disparurent à leur tour.

Durant plusieurs siècles, il n’y eut plus que des courriers particuliers au service des nobles ou d’autres personnages importants. Il existait également un service interne de courriers entre les nombreux couvents ; ces messagers étaient d’ordinaire des moines qui faisaient la route à pied. Vers la fin du Moyen Age naquirent les premières universités. Elles disposaient de courriers qui échangeaient les lettres entre étudiants et celles entre les étudiants, leur famille et leurs professeurs. C’est ainsi qu’existait à 1 Université de Paris un service de factage renommé qui, après un certain temps, accepta également la correspondance privée. Une coutume typique dans les Flandres consistait pour les marchands de bestiaux à se charger de lettres de particuliers au cours de leurs voyages.

 Un accroissement des échanges

Un service postal proprement dit fut finalement créé dans nos contrées dès le début du 15e siècle, sous l’influence de la multiplication des relations commerciales entre grandes villes. Pour acheminer sur place une correspondance en augmentation croissante, nombre de villes disposaient de leurs propres courriers, qui étaient payés par la municipalité.

Bruxelles devint vers la fin du 15e siècle le nœud d’un service postal international. C’est que l’empereur Maximilien d’Autriche désirait entretenir une liaison permanente entre la Cour d’Innsbruck et celle de son fils Philippe à Malines. Dès le début, ce service postal (à cheval) fut doté d’une antenne en direction de Milan, suivie aussitôt après par des lignes postales vers la France et l’Espagne.

Ce furent les princes de Tour et Taxis qui acquirent le monopole de cette organisation. Ils considéraient les courriers au service des villes comme de grands concurrents et tentaient dans la mesure du possible de leur mettre des bâtons dans les roues, généralement pour les distributions internationales de courrier. Ces entreprises de la famille de Taxis connurent surtout un grand succès dans les Pays-Bas du sud.

A la suite de la Révolution française, la famille perdit son monopole et sa tentative pour le récupérer en 1814 échoua.

a formation d’un certain nombre d’états modernes, aboutit du reste dans toute l’Europe à la création de services postaux exploités par l’Etat.

 La diligence

Après avoir été utilisé à l’époque romaine, le char tomba quelque peu en désuétude au cours du Moyen Age, mais connut une nouvelle vogue à partir des 16e et 17e siècles. L’amélioration de la qualité des voitures sous Louis XIII, ainsi que le développement d’un réseau routier convenable sous Louis XIV, aboutit à la mise en service de diligences au milieu du XVIIe siècle qui, outre les colis postaux, prenaient également des personnes et des bagages. A la même époque, l’Allemagne et l’Angleterre virent à leur tour l’instauration des premiers services de diligences.

Malgré toutes ces améliorations, le transport par diligence fut loin d’être satisfaisant au XVIIIe siècle. On lui reprochait surtout sa lenteur, son inconfort et ses retards.

Une grande amélioration intervint en France lorsqu’en 1775, le ministre Turgot réforma la poste en profondeur et mit en service des nouvelles voitures dites « Turgotinnes ».

Le trafic postal s’effectua alors avec rapidité et régularité.

Au début du XIXe siècle, le réseau routier s’étendit et le nombre de voitures s’accrût sensiblement.

Les services des postes instaurèrent une desserte postale rapide et systématique : ce fut l’âge d’or de la diligence.

Des postes de relais furent établis le long des lignes de diligence, pour assurer la relève des chevaux et éventuellement celle des courriers. Ces arrêts étaient souvent des auberges qui servaient de lieu de rassemblement pour les voyageurs. Il existe encore quantité d’auberges dont les noms font référence a ce passé glorieux : Auberge de la Poste, Au Postillon, Au Cheval blanc...

A peine la diligence atteignit-elle son apogée qu’elle dut abandonner sa position de monopole au profit du chemin de fer. Cette conversion s’effectua non sans mal ; la vitesse inhabituelle suscita pas mal de méfiance, de telle sorte que la diligence, malgré l’entrée en scène du chemin de fer, parvint encore à se maintenir jusqu’à la fin du 19e siècle, grâce aux grandes améliorations techniques réalisées par les fabricants de voitures.

 Poste et train : une collaboration fructueuse

Après l’ouverture du premier chemin de fer en 1825, la poste décida très rapidement d’adopter ce nouveau mode de transport pour la desserte postale.

En Angleterre, ce furent le colonel Maberley et Rowland Hill qui décidèrent de transporter le courrier postal par chemin de fer.

La Direction générale des Postes signa un contrat avec diverses grandes compagnies de chemin de fer.

Elle payait à cet effet un certain montant pour les frais de transport, mais exigeait en contrepartie la ponctualité en matière d’heures de départ et d’arrivée. A l’origine, la poste plaça ses propres véhicules sur des wagons marchandises, mais en raison des insuffisances de ce système, l’administration des postes décida très vite de commander des wagons postaux spécifiques. On se borna d’abord à acheminer des envois préalablement triés, ce qui fut une source de fâcheux retards. Pour obvier à cet inconvénient, on mit en service des wagons-postes avec tri ambulant, qui permettaient le tri en cours de route. Le premier wagon fut mis en service en 1838 sur la ligne Londres -Birmingham. Puis, ce fut au tour de la Belgique : le 15 septembre 1840, le premier wagon-poste roulait entre Bruxelles et Anvers ; Mons, Gand, Mouscron, Liège et Verviers se virent desservis trois ans plus tard.

Les autres pays européens suivirent rapidement.

Le grand avantage du transport postal par train résidait dans la quantité de courrier qui pouvait être traitée et la rapidité avec laquelle s’effectuait cette opération. Ces avantages firent que la poste devint un des plus fidèles clients du chemin de fer.

Dans un premier stade, ces wagons-postes furent insérés dans des trains de voyageurs ordinaires, mais très rapidement on fut contraint de créer des trains postaux séparés en raison du volume des envois postaux.

Ces trains circulent encore actuellement, jour et nuit, et ont fortement contribué à ce que la durée du voyage reste limitée au strict minimum.

La poste, tout comme les autres usagers du train, profita de la puissance accrue des locomotives comme de l’adaptation des horaires nationaux et internationaux. D’autres améliorations techniques tels l’éclairage, le chauffage et l’agencement, ne doivent pas être oubliées. Ces wagons-postes avec tri ambulant étaient les grands concurrents des centres de tri fixes qui faisaient de plus en plus appel à des moyens de transport plus rapides.

La concurrence sévère du transport routier exigea du chemin de fer un grand effort pour accroître la vitesse tant à courte qu’à longue distance, ainsi que le raccourcissement des arrêts.

 L’auto au service de la Poste

A partir de 1898, on tenta l’expérience en Angleterre et en Allemagne d’organiser le transport du courrier postal par automobile, tentative qui au départ semblait vouée à l’échec.

Dès 1903, la Deutsche Reichspost utilisa des automobiles pour le transport des colis postaux suivie l’année suivante par la Suisse. C’est surtout au cours de la première guerre mondiale et dans les années d’après-guerre que l’on fit un usage croissant de l’automobile ; de telle sorte que les constructeurs d’automobiles commencèrent à comprendre que la poste était un client potentiel et se mirent alors à créer des modèles de voitures spécifiques.

Dans certains pays, les postes ont repris à leur compte la tradition des diligences et se sont chargées du transport de voyageurs. Ces services d’autobus postaux existent encore en Suisse, en Suède, en Finlande, au Liechtenstein, en Autriche et en Allemagne.

Les premiers autobus étaient tout sauf confortables : la suspension était mauvaise, l’éclairage au pétrole ou à l’acétylène était rudimentaire. Ces lourds véhicules étaient en outre souvent victimes du mauvais revêtement des rues.

Une amélioration fondamentale à cette situation intervint à l’issue de la première guerre mondiale grâce à l’évolution rapide de la technique. L’administration des postes désirait des véhicules de plus grande capacité, offrant un plus grand confort, plus de sécurité et une esthétique nouvelle. La tendance se fit jour de confier de plus en plus à l’automobile le transport postal régional.

 La poste maritime

Le transport des messageries s’effectuait par mer depuis les temps les plus reculés. Déjà à l’époque des croisades, il existait un intense trafic en Méditerranée.

Le 17e siècle vit un développement rapide de la navigation, principalement sous l’impulsion du commerce.

Vers 1650, une ligne postale régulière desservait les côtes de la Manche, Douvres, Calais et Nieuport. En 1660, on instaura une liaison postale entre Harwich et les Pays-Bas et en 1669 entre Falmouth et la Corogne sur la côte espagnole.

La première ligne postale transatlantique fut inaugurée le 21 octobre 1702 entre Portsmouth et la Barbade. Le voyage avait lieu une fois par mois dans les deux sens. Cette entreprise eut toutefois fort à souffrir des escarmouches entre la France et l’Angleterre. Edouard Drummer, le propriétaire de la Compagnie, perdit la plus grande partie de ses bateaux et fut finalement acculé à la faillite en 1711.

Deux nouvelles liaisons postales virent le jour en 1755 ; elles partaient de Falmouth, l’une se dirigeant vers la Barbade, l’autre vers New-York.

L’importance de ces lignes s’accrût sans cesse, c’est pourquoi on instaura également une liaison entre la péninsule ibérique et l’Amérique latine.

A la suite de l’introduction de la navigation à vapeur, la vitesse et la régularité purent être augmentées ce qui pour le trafic postal était essentiel. Le premier bateau à vapeur fit la première traversée de l’océan Atlantique en 1819.

Nonobstant les résultats favorables, le bateau reste cependant toujours un des moyens de transport les plus lents qui, de ce fait, souffre beaucoup de la concurrence de la navigation aérienne.

 La poste aérienne

Les premières liaisons postales aériennes furent assurées par des pigeons. Cela se passait en 1204 lors du siège de Venise. En 1541, le sultan Sélim de Turquie organisa un service postal colombophile dans son immense empire ; même au cours du siège de Paris en 1870, les Parisiens eurent l’idée géniale d’assurer la communication avec le monde extérieur par le truchement de pigeons.

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Bien des pigeons n’atteignaient jamais leur destination : ils perdaient leur chemin, mourraient de froid, d’épuisement ou tombaient sous les balles des soldats. C’est pourquoi on se mit à la recherche de nouveaux moyens de transport.

Le premier ballon à air chaud s’éleva au-dessus de Versailles, le 9 septembre 1783. Quelque 2,5 millions de lettres furent expédiées par ballon au cours du siège de Paris en 1870. Etant donné que ces engins étaient ingouvernables, un vent fort les dirigeait souvent dans la direction diamétralement opposée. Finalement, Ferdinand von Zeppelin réussit à mettre au point le dirigeable auquel on a donné son nom.

De temps en temps, ces « cigares volants » enlevaient et déposaient des sacs postaux. Sur ceux qui étaient largués, figurait un avis en plusieurs langues enjoignant de les remettre au bureau de poste le plus proche. Entretemps l’avion avait prouvé son utilité depuis le début du siècle.

Le premier vol réussi où du courrier fut transporté date de février 1911 ; c’était à Allahabad en Inde.

La première guerre mondiale accéléra l’usage de l’avion, c’est par ce moyen que la poste militaire atteignit bien souvent sa destination.

A l’issue de la guerre, tout un bataillon d’avions militaires furent utilisés pour le trafic postal.

Le premier vol véritablement postal eut lieu le 15 mai 1918 entre New-York, Philadelphie et Washington. On utilisa également à cette occasion des timbres de poste aérienne. Peu après la Première Guerre mondiale, l’Allemagne créa un avion entièrement métallique, le Junker F13, spécialement conçu pour le trafic postal. La poste contribua d’ailleurs à donner une grande impulsion au développement de la navigation aérienne. Fin 1918, Pierre Latécoère créa une ligne postale à destination de l’Afrique occidentale qui fut plus tard prolongée jusqu’en Afrique du Sud.

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Divers pays avec des colonies d’outre-mer ouvrirent une ligne aérienne entre la mère patrie et la colonie, la KLM eut une ligne Amsterdam - Batavia, Air France une entre Paris et Saigon et Impérial Airways une entre Londres et la Nouvelle-Delhi.

Jusqu’à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, les vols intercontinentaux consistèrent en une juxtaposition de vols courts : 1000 km constituaient en quelque sorte un maximum. Après la guerre, le développement s’accéléra. Les avions à hélice restèrent en service jusque dans les années 60 et furent remplacés ensuite par des avions à réaction (à turboréacteurs). Les avions supersoniques et les Jumbo firent leur apparition vers les années 70. Le trafic postal par avion profita dans une large mesure des améliorations techniques et de la multiplication du nombre de vols.

L’Administration des Postes se montra toujours intéressée par le développement des nouveaux moyens de transport. Qui plus est, elle en fit activement usage dans la mesure de ses moyens et contribua à leur perfectionnement. Il en fut ainsi de tous les nouveaux moyens de transport qui se développèrent depuis la révolution industrielle et la collaboration fut toujours fructueuse pour les deux parties. L’objectif a toujours été de servir le client de la manière la plus efficace.


Source : Le Rail, mars 1988