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L’histoire de la Jonction

D’après Ulysse Lamalle.

mercredi 19 août 2015, par rixke

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L’ « Histoire des chemins de fer belges » d’Ulysse Lamalle, directeur général adjoint de la SNCB de 1934 à 1940, est un livre qui fait autorité en la matière et auquel il faut fréquemment se référer quand on évoque les grands moments de notre existence ferroviaire. C’est tout naturellement chez lui que nous sommes allés chercher les renseignements précieux que nous vous livrons, concernant l’histoire de la Jonction Nord-Midi.

Il faut d’abord dire qu’il y eut une première jonction Nord-Midi en 1841 ! A cette époque, la première gare de Bruxelles Midi, point de départ de la ligne Bruxelles - Tubize, amorce de la ligne de Paris, était installée dans un espace, encore couvert de prairies, et délimité par les rues Terre-Neuve, des Bogards, la Senne et les Boulevards : elle s’appelait « Station des Bogards » ! Son inauguration eut lieu le 18 mai 1840, en même temps que celle de la ligne de Tubize.

La deuxième gare du Midi, installée entre les rues de France, de l’Argonne, et l’avenue Fonsny, ne fut achevée que près de 30 ans plus tard.

L’Arrêté royal du 15 juillet 1839, relatif à l’établissement de la gare de Bruxelles Nord, décrétait l’expropriation des terrains nécessaires pour l’établissement d’une voie de raccordement entre la nouvelle station du Nord, l’ancienne station de l’Allée Verte et la station des Bogards.

En vérité, ce ne fut qu’un modeste raccordement, reliant l’Allée Verte aux Bogards ; les voies étaient posées à même le sol sur les boulevards. La traction était opérée à l’aide de locomotives (et non par des chevaux).

L’inauguration de cette toute première jonction eut lieu en septembre 1841.

Tant qu’en dura l’exploitation, un agent précédait le train en courant, agitant une cloche et un drapeau, destinés à inviter le public à se garer. La nuit, le drapeau faisait place à une lanterne rouge.

Cette première jonction fut supprimée le 5 juin 1871, lorsqu’on mit en service, pour le trafic des « marchandises », le chemin de fer de ceinture reliant la station du Midi aux lignes du Nord, de l’Ouest et de l’Est.

 La jonction actuelle

C’est en 1895 que l’Administration des chemins de fer charge une commission d’étudier le projet d’une jonction entre les gares de Bruxelles Midi et de Bruxelles Nord. Cette commission conclut, en 1901, par un avis favorable à ce projet, conçu par l’ingénieur des chemins de fer belges Bruneel. Les avis étaient néanmoins-partagés : les uns prétendaient la Jonction inutile, les autres indispensable, mais chacun était d’accord sur ce fait qu’elle ne serait pas rentable.

Les recettes à espérer d’un trajet aussi court (3 600 mètres) ne pourraient jamais couvrir les charges financières qu’impliquaient les énormes capitaux à engager dans l’entreprise : 9 milliards en 1952 ! Mais comme celle-ci intéressait le pays tout entier, on admettait généralement qu’il appartenait à la Communauté nationale d’en supporter les charges d’intérêts et d’amortissements.

Bref, en 1911, dix ans après le feu vert de la commission, on entama les travaux du côté de la gare du Midi.

Un viaduc allant de l’église de la Chapelle au boulevard du Midi avait été construit et le pont métallique enjambant le boulevard du Midi était virtuellement terminé, quand survint la guerre, le 4 août 1914.

Les travaux furent stoppés, l’Administration des chemins de fer ayant refusé de travailler sous l’occupation allemande.

Pendant 20 ans tout est remis en question : partisans et adversaires se heurtent violemment. « La Jonction a du plomb dans l’aile ».

En 1935, enfin, on crée l’Office national pour l’achèvement de la Jonction Nord-Midi et les travaux reprennent. Jusqu’au 10 mai 1940, où se déclenche vraiment la deuxième guerre mondiale, avec, comme corollaire, l’envahissement de la Belgique.

Au cours de la guerre, et dans l’immédiat après-guerre, les travaux ne furent poursuivis qu’au ralenti, à cause de la pénurie des matériaux nécessaires.

Ils ne pourront être repris normalement qu’à partir de 1947. Cette fois-ci, les choses iront rapidement et le premier pertuis du tunnel sera inauguré le 4 octobre 1952 par le roi Baudouin.

Les retards apportés dans les travaux de la Jonction ont eu un effet plutôt défavorable, celui de grever les charges financières de tout le poids des « intérêts intercalaires » des capitaux non productifs.

Mais tout ne fut pas négatif à ce sujet. D’un côté, les progrès de la technique ont permis d’exécuter les travaux avec plus d’aisance et de sécurité. En outre, le développement qu’avait déjà l’électrification du réseau en 1952 a considérablement facilité l’exploitation de la Jonction.

Enfin, de façon indirecte, on peut porter à l’actif de la Jonction l’assainissement du centre de Bruxelles et des abords des gares du Nord et du Midi, la disparition de vingt impasses et de quinze cents immeubles vétustes, l’élargissement de nombreuses rues, la création d’un nouveau boulevard central, la libération de nombreux hectares sur lesquels ont été construits des immeubles modernes.

 Le tracé

Deux solutions s’offraient en ce qui concerne le tracé de la Jonction : ou passer en sous-sol à travers la ville, ou construire un viaduc aérien. La nature marécageuse du sous-sol proscrivait la première solution ; quant à la seconde, séduisante en soi, elle risquait de nuire gravement à l’esthétique de la ville.

Il fallait donc en trouver une troisième : elle fut l’œuvre de l’ingénieur Bruneel qui, délaissant les boulevards et rues commerçantes du Centre, proposa de dissimuler la Jonction en la faisant passer « en tunnel » dans le flanc de la colline sur laquelle est bâtie la ville haute. C’est cette solution qui prévalut : elle limitait la construction des viaducs aux parcours strictement indispensables pour aborder, de chaque côté, le tunnel.

C’est ainsi que fut adopté le tracé actuel passant au pied de Sainte-Gudule et de l’église de la Chapelle. La jonction comporte 3 pertuis, de 2 voies chacun ; ils sont accolés et séparés l’un de l’autre par des rangées de colonnes.

La largeur normale du tunnel est de 35 mètres, mais elle atteint 60 mètres à la gare Centrale, en raison de la présence des quais d’embarquement.


Source : Le Rail, septembre 1977