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Les premiers contacts ferroviaires avec les Pays-Bas
K. Destoop.
mercredi 26 août 2015, par
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Tableau de la situation
Les premiers contacts ferroviaires avec les Pays-Bas eurent lieu relativement tard et se déroulèrent dans une atmosphère tendue pour des raisons politiques.
Depuis le congrès de Vienne de 1815, notre pays formait, avec le Nord, le Royaume-Uni des Pays-Bas qui avait à sa tête le roi Guillaume 1er.
Le soulèvement révolutionnaire de 1830 à Bruxelles, immédiatement suivi par la proclamation de l’indépendance et par la scission définitive après la campagne des 10 jours, avait fortement refroidi les rapports entre les deux pays, allant jusqu’à susciter une hostilité entre le Nord et le Sud.
Cette situation s’aggrava encore, ni le roi de Belgique ni le roi des Pays-Bas ne voulant conclure de traité de paix. Immédiatement après le soulèvement, la Chambre de commerce de Rotterdam, qui craignait de perdre une part importante de son trafic portuaire au bénéfice d’Anvers, adressa une requête à Guillaume 1er. A cette occasion, elle plaidait en faveur d’un embargo sur les produits en provenance de la Belgique et c’est ainsi que le port d’Anvers resta fermé jusqu’en 1833.
Plus grave encore pour le jeune Etat belge était l’interdiction d’utiliser les nombreuses voies navigables des Pays-Bas, ce qui mettait en péril l’important trafic commercial vers l’Allemagne. Or les relations commerciales avec l’étranger revêtaient une importance capitale pour la survie de la Belgique. La solution consista à créer un réseau étendu de liaisons ferroviaires en remplacement des voies navigables.
La première ligne devait assurer la liaison entre Anvers et le Rhin et, en sens inverse, l’acheminement des marchandises par voie maritime en direction de l’ouest.
La première partie de la ligne fut inaugurée dès le 5 mai 1855 entre Bruxelles et Malines.
Lors des cérémonies inaugurales à Malines, on releva l’absence des couleurs nationales hollandaises, signe manifeste du mauvais climat qui régnait entre nos deux pays.
Alors que les drapeaux des pays voisins flottaient pour symboliser les directions vers lesquelles les chemins de fer entendaient s’étendre (au sud, les trois couleurs de la France, à l’est le drapeau prussien et à l’ouest, l’étendard britannique) la bannière orange faisait défaut dans la mesure où un prolongement de la ligne vers le nord, via Anvers, n’était nullement envisagée.
La première ligne de chemin de fer aux Pays-Bas
La construction des chemins de fer progressa très rapidement dans notre pays, alors que les Pays-Bas s’accrochaient obstinément à leur réseau hydrographique.
Bien que la première concession eût été déjà demandée en 1835, il fallut attendre 1839 pour que la Société de chemin de fer « de Hollandse Yzeren » puisse ouvrir sa ligne entre Amsterdam et Haarlem. D’emblée certains membres contestèrent l’utilité de cette ligne. Ils étaient d’avis que le « Haarlemer Trekvaart » qui reliait les deux villes depuis 1631, offrait des possibilités suffisantes aux relations commerciales.
Le nombre de lignes ne s’est accru que très lentement. A titre de comparaison : 20 ans après la construction de la première ligne aux Pays-Bas, nos voisins du Nord ne disposaient encore que de 537 km de chemins de fer, tandis que la Belgique en exploitait déjà 1713 km.
Il faut sans doute imputer les raisons de cette lente évolution à l’opposition constante de la Chambre de commerce de Rotterdam au développement du chemin de fer. Le transit de marchandises d’outre-mer via les grandes voies navigables intérieures constituait en effet leur plus importante source de revenus.
Ce n’est que plus tard, lorsque les Hollandais furent témoins du succès des chemins de fer en Belgique, que l’état d’esprit changea radicalement à Rotterdam. La crainte inspirée par la concurrence menaçante des chemins de fer qui assuraient un transport plus rapide et meilleur marché, devint de plus en plus manifeste.
Aux Pays-Bas, il était d’ailleurs très difficile de rassembler des capitaux pour la création de lignes de chemins de fer, surtout après qu’il était apparu que leur exploitation rapportait peu. Après la création des premières lignes entre Amsterdam et Rotterdam et entre Utrecht et Arnhem, il se produisit une sorte de débâcle : les actions des chemins de fer étaient mal cotées en bourse et furent vendues en grande quantité. A la suite de quoi il y eut une grande réticence des investisseurs néerlandais qui fit qu’en ce qui concerne le développement du chemin de fer, plus rien ne bougea pendant tout un temps aux Pays-Bas.
Les sociétés belges aux Pays-Bas
La première ligne qui atteignit les Pays-Bas au départ de la Belgique relia Anvers à Rotterdam. Elle était la propriété de la société belge Anvers-Rotterdam. La ligne fut posée à partir d’Anvers et atteignit Roosendaal en 1854 ; le 3 mai de l’année suivante, elle était achevée jusqu’à Moerdijk. A partir de là, les voyageurs devaient emprunter le bateau à vapeur vers Rotterdam, car il n’était pas encore question d’un pont sur le « Hollands Diep ».
La construction de ce pont commença en 1866 et il fallut 6 années pour le terminer. C’était un véritable ouvrage d’art constitué de 14 superstructures semblables supportant un pont tournant d’une vingtaine de mètres de long à pivot central et à encorbellements identiques.
La Société anonyme des chemins de fer d’Anvers à Rotterdam avait son siège social à Bruxelles. Elle ne resta cependant pas longtemps autonome. Dès 1864, elle fut en effet reprise par le Grand Central Belge (GCB), l’une des plus importantes sociétés du pays, issues en 1864 de la fusion des sociétés West-Vlaanderen, Ouest-Belge et Entre-Sambre-et-Meuse. Elle exploitait un réseau nord-sud qui constituait une liaison entre les chemins de fer des Pays-Bas, les ports d’Amsterdam, de Rotterdam et d’Anvers et les chemins de fer de l’Est français.
La partie de la ligne Anvers - Rotterdam située en territoire néerlandais fut reprise en 1880 par les chemins de fer de l’Etat néerlandais. La ville de Maastricht était un autre nœud ferroviaire important à la frontière. Le 1er octobre 1856, la ligne Maastricht - Hasselt fut ouverte à l’exploitation par le GCB.
Ce n’est qu’en 1898 que l’exploitation de la partie néerlandaise passa aux mains des chemins de fer de l’Etat néerlandais. La Société de chemin de fer Liège-Maastricht atteignit la cité hollandaise le 24 novembre 1861. Deux ans plus tard, les chemins de fer de l’Etat néerlandais avaient déjà repris l’exploitation de la partie de la ligne située sur son territoire.
Une autre compagnie belge, la « Compagnie du chemin de fer liégeois-limbourgeois et ses prolongements » avait installé un chemin de fer entre Liège et Eindhoven via Liers, Bilzen et Valkenswaard, qui fut mis en service a partir de 1866. Cette société exploitait en Belgique plusieurs embranchements qui desservaient notamment quelques mines de charbon. Les chemins de fer de l’Etat néerlandais obtinrent encore l’année même de l’ouverture les droits d’exploitation pour toute la ligne ; Mais comme les recettes ne répondaient pas à l’attente, ils se retirèrent de la partie belge.
En 1867, la ligne Hasselt - Tilburg via Baarle-Nassau fut ouverte au trafic. Cette ligne était la propriété du GCB et était reliée au réseau des chemins de fer de l’Etat néerlandais. En Flandre zélandaise, la liaison avec les Pays-Bas était assurée par deux petites sociétés de chemins de fer : la Société du chemin de fer de Gand à Terneuzen et la Société du chemin de fer international de Malines à Terneuzen. Ces lignes furent ouvertes au public respectivement en 1869 et en 1871. Les deux lignes couraient à courte distance l’une de l’autre jusqu’à Terneuzen, où elles disposaient d’une gare commune.
Les initiateurs du projet espéraient trouver un débouché pour les produits belges et un port de transit pour le transport maritime. Cela ne se réalisa que partiellement parce que les lignes n’étaient pas reliées aux chemins de fer néerlandais.
Outre ces services de trains, il y avait sur le territoire frontalier entre la Belgique et les Pays-Bas toute une série de liaisons de trains et d’autobus qui assuraient un transport rapide entre les deux pays.
A l’heure actuelle, la situation politique est complètement différente par rapport à 1830 et il nous est difficile de concevoir qu’à l’époque, la création d’une liaison ferroviaire vers les Pays-Bas se heurta à autant d’obstacles...
Source : Le Rail, janvier 1989