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Namur - Dinant, l’électrification en phase finale

Louis Gillieaux, Georges Dupont, Hervé Dhaussy, Pol Neruez.

mercredi 9 septembre 2015, par rixke

A partir de la fin du mois de mai 1990, les trains de voyageurs circuleront en traction électrique entre Namur et Dinant, les travaux d’électrification entrant maintenant dans leur phase finale. Mais depuis le 28 mai dernier, les installations de traction électrique ont été mises sous tension entre Namur et Jambes Nord, ce qui a permis la mise en service de quelques trains électriques Jambes-Bruxelles et vice-versa.

 La ligne 154

Cette ligne fut mise en service le 5 février 1862 par la Compagnie du Nord Belge qui exploitait la ligne Namur - Liège et qui décida de prolonger son réseau vers la France, via Dinant et Givet. La ligne fut administrée par le Nord Belge [1] jusqu’au 10 mai 1940. Depuis lors, elle est gérée par la SNCB.

Longue de 28 km, la section Namur - Dinant aujourd’hui exploitée franchit une première fois la Meuse à la sortie de Namur. Ensuite, la ligne suit la rive droite du fleuve jusqu’au delà de la gare d’Yvoir. Elle franchit alors à nouveau la Meuse sur le pont de Houx et gagne Dinant par la rive gauche en jouxtant étroitement le fleuve. La ligne a, de ce fait, un tracé sinueux.

Tête sud du tunnel de Lustin

De plus, comme la vallée est par endroits assez encaissée, deux tunnels ont dû être percés, l’un de 356 mètres à Lustin et l’autre, de 81 mètres, à Godinne. La relation Namur - Dinant comporte quatre arrêts intermédiaires : Jambes Nord, Lustin, Godinne et Yvoir. Ceux-ci sont desservis par l’IC H selon une cadence horaire, avec adjonction d’un train P le matin vers Namur et le soir dans l’autre sens, jusque Bertrix. En outre, la ligne est parcourue par un substantiel trafic marchandises de transit.

 L’électrification

L’électrification de la section Namur - Dinant a été décidée en 1981, dans le cadre d’un plan d’électrification de 400 km de lignes. Les travaux furent entamés en 1984. Leur calendrier fut par deux fois adapté en raison d’un étalement des crédits d’investissement et parce que certains travaux se sont avérés très délicats, notamment au tunnel de Lustin.

 Infrastructures nouvelles ou adaptées

Un nouveau bâtiment voyageurs à Jambes Nord

En liaison avec les travaux d’électrification et de modernisation de la ligne, un nouveau bâtiment de voyageurs a été construit à Jambes Nord. Outre le point de vente, la zone d’information et la salle d’attente qu’il comporte et qui constituent sa fonction d’accueil de la clientèle, ce bâtiment abritera aussi une nouvelle cabine de signalisation du type tout-relais. Les travaux d’équipement y afférents sont prévus pour 1990 et cette cabine remplacera alors l’ancienne, jouxtant le passage à niveau. Il a été prévu de pouvoir la télécommander à partir de Dinant. Afin de bien accueillir la clientèle, une information claire et précise est mise en place, les voyageurs étant en outre guidés par des pictogrammes uniformisés et aidés par un code de couleurs. De plus, la zone d’attente, vaste et bien éclairée, est équipée de sièges individuels.

Enfin, un parking gratuit de 72 emplacements complète ces nouvelles installations. Comme la fonction voyageurs du bâtiment, il a été mis en service ce 28 mai dernier.

Le pont du Duc à Dave

L’obligation de dégager le gabarit électrique a nécessité la reconstruction du passage supérieur du pont du Duc à Dave. A cette occasion, l’ouvrage et une partie des voiries qui y accèdent ont été élargis pour permettre la suppression du passage à niveau voisin n° 103. Le nouveau pont a été mis en service le 21 décembre 1987, le PN 103 étant fermé en même temps. Les culées du pont et les murs en retour ont reçu des parements en moellons de grès.

Les tunnels de Lustin et de Godinne

L’une des principales difficultés à surmonter lors des travaux a été la mise au gabarit électrique de ces deux tunnels construits en 1861.

Tunnel de Lustin, mise au gabarit électrique. Abaissement de la plate-forme en phases successives.

Le tunnel de Lustin a dû subir une cure de rajeunissement pour répondre aux exigences de la traction électrique. Les travaux suivants ont été réalisés :

  • Le captage des eaux de ruissellement ;
  • L’étanchéisation de la voûte ;
  • L’abaissement et l’assainissement de la plate-forme des voies ;
  • L’établissement d’un dispositif de protection contre la chute de rochers à la tête du tunnel, côté Dinant. A cette fin, le bureau d’études des Ouvrages d’art de la SNCB a conçu un ouvrage recouvert de pierres bleues s’intégrant harmonieusement dans le site.

Les rochers de Frênes, que traverse le tunnel de Lustin, comportent aussi la « Résurgence Lucienne », qui est une cavité importante offrant beaucoup d’attraits pour les spéléologues. Aussi, afin de ne pas priver la spéléologie belge d’une de ses trop rares cavités intéressantes, la SNCB a dialogué avec la commission « Protection du karst et Accès aux cavités » de l’Union belge de spéléologie. Ces contacts ont permis de préserver un accès de secours à la cavité en cas d’accident dans la grotte. Signalons qu’un club local de spéléologie à découvert entretemps un accès en-dehors du tunnel, accès qui sert d’entrée de la grotte.

Le tunnel de Godinne a lui aussi subi des aménagements comparables à ceux du tunnel de Lustin. Toutefois, la voûte existante en maçonnerie a en outre été partiellement remplacée par un voile de béton armé projeté.

Le trafic a été maintenu en permanence pendant les travaux. Les deux voies ont donc été traitées l’une après l’autre, au cours de phases successives. Certaines de celles-ci, relatives à l’abaissement du niveau des voies, étaient particulièrement délicates du fait de la différence de niveau assez importante entre la voie maintenue en service et la plate-forme de l’autre voie en cours d’abaissement.

 L’alimentation en énergie électrique

L’alimentation des lignes de contact sera réalisée, comme ailleurs sur le réseau, en tension continue de 3 000 volts. Celle-ci sera obtenue au départ de la tension alternative de 70 000 volts délivrée par le fournisseur (UNERG) via une sous-station de transformation et de redressement implantée à Yvoir. Celle-ci sera équipée de deux groupes redresseurs d’une puissance unitaire de 4 200 kilowatts.

Sous-station d’Yvoir.

Deux postes de sectionnement ont en outre été construits, l’un à Lustin, et l’autre à Neffe (Dinant). Ils sont destinés à mettre en parallèle les lignes de contact qui y arrivent pour permettre une diminution des chutes de tension en ligne.

Dans la sous-station, comme dans les postes de sectionnement, des disjoncteurs ultrarapides de feeder doivent assurer une protection sélective des lignes de contact contre les surintensités et les courts-circuits résultants de causes les plus diverses.

 Signalisation : vers la télécommande

La signalisation du tronçon Namur - Dinant de la ligne 154 a été complètement modernisée ces dernières années. Les anciennes cabines de signalisation de Dinant, Lustin et Yvoir ont été remplacées successivement par des postes modernes à relais, tandis que le poste de Jambes Nord sera remplacé prochainement. Les tronçons de pleine voie séparant ces différents postes ont également été équipés de signalisation lumineuse à voie normale et à contrevoie, ce qui procure une très grande souplesse d’exploitation en cas de travaux ou d’incidents.

Afin de mieux gérer le trafic et d’optimaliser l’utilisation du personnel de desserte, il est apparu intéressant de prévoir à terme la commande à distance des trois postes de Jambes Nord, Lustin et Yvoir à partir de celui de Dinant. Grâce à une liaison bifilaire transmettant des informations codées entre le poste chef et le poste subordonné, chaque cabine satellite pourra être desservie aussi bien localement, en cas de besoin, qu’au départ de Dinant, en situation normale, cette cabine devenant ainsi le poste chef de la ligne.

Cabine de signalisation de Dinant.

De plus, un système d’annonce automatique des trains (AAT) sera intégré à la télécommande. Les informations relatives à un train suivront automatiquement le convoi durant tout son parcours dans la zone télécommandée par Dinant et seront ensuite transférées de la même manière au poste contrôlant la zone suivante. Ce système d’AAT, modernisé et standardisé par les ateliers d’Etterbeek, contribuera lui aussi à une meilleure gestion du trafic.

 Des effets immédiats

La traction électrique entre Namur et Dînant sera effective à la fin du mois de mai 1990. Toutefois la SNCB a tiré parti des équipements déjà existants et utilisables pour exploiter en traction électrique le tronçon Namur - Jambes Nord de la ligne 154 à partir de ce 28 mai 1989. Ceci permet d’offrir en semaine plusieurs relations directes de et vers Bruxelles, en renforcement des services déjà existants.

Les nouveaux trains sont au nombre de 5, entre 05 h 52 et 07 h 52 de Jambes vers Bruxelles Midi. En sens inverse, en provenance de Bruxelles Midi, ils sont 6 à arriver à Jambes entre 16 h 51 et 19 h 51. Combinés avec la mise en service du nouveau bâtiment à voyageurs et de son parking gratuit à partir du 28 mai, ces nouveaux trains ne peuvent qu’intéresser toute une clientèle actuelle ou potentielle résidant sur la rive droite de la Meuse dans la périphérie namuroise. En effet, outre le gain de temps ferroviaire (Jambes Nord - Bruxelles Schuman en 49 minutes) et les bonnes correspondances dans cette dernière gare avec la ligne 1 du métro de la STIB, ces relations permettent d’éviter les embarras de circulation dans le tissu urbain très dense de Namur.

Nul doute que ce nouveau service du rail sera bien apprécié par sa clientèle, dès avant la mise à fruit complète de l’électrification Namur-Dinant.


Source : Le Rail, juin 1989

Portfolio


[1Ce qui explique l’appellation de « Jambes Nord » alors que la gare est située en réalité au sud-est de la localité. Celle-ci compte d’ailleurs un autre point d’arrêt situé sur la ligne Arlon - Luxembourg. Il s’agit de Jambes Etat en référence à la période où celui-ci exploitait le réseau, avant la création de la SNCB.