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Le dossier TGV

mercredi 14 octobre 2015, par rixke

 Frein et équipement pneumatique

En principe les rames du tunnel sous la Manche ont à ce point de vue un équipement qui est une extrapolation de celui qui est appliqué sur le TGV Atlantique de la SNCF : un frein rhéostatique puissant sur le bogie moteur, renforcé au besoin par des blocs de frein en métal fritté et, sur les bogies porteurs, un frein à disque avec des disques pleins et des semelles en métal fritté. Le freinage de tout le train est commandé par le frein automatique. A côté de cela, le frein rhéostatique peut être mis en action séparément.

Les principales difficultés à résoudre au cours de l’étude étaient aussi une conséquence, d’une part, du fait qu’il s’agit ici d’un projet commun à 3 réseaux qui n’ont pas toujours les mêmes habitudes de desserte et, d’autre part, en raison des précautions que requiert la circulation dans un long tunnel.

C’est surtout ce dernier point qui a conduit à de profondes modifications par rapport au TGVA Lors de la conception du projet, les buts suivants ont été poursuivis :

  • Une sécurité d’exploitation du train aussi grande que possible de sorte que le risque de détresse dans le tunnel soit réduit au minimum ;
  • Si, malgré toutes les précautions prises, un feu survient dans un tram, le dispositif de freinage doit rester intact pendant un laps de temps qui permet de quitter le tunnel ;
  • Si, malgré tout, une locomotive ou une partie du train doit être laissée dans le tunnel, le frein de parking doit s’appliquer immédiatement et automatiquement. Ce frein de parking doit être suffisamment puissant pour que la partie de rame arrêtée reste immobile sur des rampes (en montée ou en descente) d’une déclivité de 11%.

Comme principales dispositions qui ont conduit à la réalisation de ce principe, citons :

  • Un doublement de la production d’air comprimé ;
  • Une protection maximale de l’équipement pour combattre le feu, entre autres par l’utilisation d’une tuyauterie en inox en lieu et place d’aluminium ;
  • L’installation des appareils de frein dans un espace protégé ;
  • L’utilisation d’accouplements spéciaux entre les voitures ;
  • Une disponibilité fonctionnelle maximale de la conduite de frein, entre autres par une commutation pneumatique spéciale du robinet de mécanicien.

 Diagramme et design

Pour effectuer les liaisons vers Londres par le « Tunnel sous la Manche », les réseaux désirent avoir un matériel dont la ligne et le confort correspondent à l’événement.

Les 3 lauréats d’un concours de design organisé pour cette occasion sont associés pour développer les éléments de ce nouveau train en collaboration avec les 3 réseaux. Chacun apporte son expérience, ses techniques et sa politique commerciale en matière de confort.

Les seuils se situent au niveau de la rentabilité et des possibilités budgétaires. De plus, dans un projet international, les différences de notions de confort, déjà si subjectives, sont encore amplifiées par la culture des différents pays.

La ligne de la motrice a été revue dans le sens de l’aérodynamisme. Les formes sont plus rondes, plus douces. Le blanc, le bleu et le jaune sont retenus mais la livrée définitive et le nom de l’engin sont encore à l’étude.

794 voyageurs seront transportés dans une rame symétrique de 18 voitures encadrées par deux motrices :

  • 6 voitures offrant 210 places de 1re classe au centre de la rame ;
  • 10 voitures offrant 584 places de 2e classe ;
  • 2 voitures bar qui servent de transition entre la 1re et la 2e classe.

Une restauration « à la place » est prévue en 1re classe. En 2e classe, une vente ambulante sera organisée. Les voitures bar seront accessibles aux deux classes. Dans ces voitures, les différentes zones seront organisées de manière à servir un maximum de personnes en un minimum de temps.

Les voitures seront du type « coach » (grande salle) avec quelques espaces spécifiques tel qu’un emplacement pour handicapés avec accès à des sanitaires adaptés, des espaces familles, quelques compartiments semi-ouverts en 1re classe. Des nouveaux services tels que la nursery et le téléphone seront offerts.

Ces espaces et services seront signalés par des pictogrammes. Les textes à traduire en plusieurs langues seront ainsi évités au maximum.

18 décembre 1989

Les TGV transmanche sont commandés

Le TGV qui nous est présenté dans ces colonnes a dépassé le stade du projet. En effet, le 18 décembre 1989, le contrat d’acquisition des trente TGV Transmanche a été solennellement signé à Bruxelles, dans le cadre prestigieux de la salle gothique de l’hôtel de ville. La commande des 14 rames britanniques, 13 françaises et 3 belges, toutes identiques, a été passée par messieurs Robert Reid, président des British Railways, Jacques Fournier, président de la SNCF et Didier Reynders, président du Conseil d’administration de la SNCB.



Le contrat, d’une valeur totale de 36 milliards 367 millions de francs belges, sera exécuté par un consortium international de 7 firmes : BN-Constructions ferroviaires et métalliques SA et ACEC Transport SA en Belgique, GEC-ALSTHOM, ANF Industrie et De Dietrich en France, GEC-ALSTHOM et Brush en Grande-Bretagne.

La forme, les accessoires, les matériaux de chaque élément sont prévus pour assurer le confort mais aussi faciliter la maintenance de manière à améliorer les conditions de voyage.

Les espaces plus techniques comme les plates-formes et les sanitaires ont reçu un soin tout particulier.

L’ambiance sera avant tout accueillante, sécurisante et internationale. Pour le designer, l’éclairage et les matériaux jouent un rôle essentiel.

L’ensemble a été testé sur des maquettes grandeur nature auprès de la clientèle des 3 pays. Des choix ont été faits, des corrections apportées et des espaces complètement revus dans l’espoir de satisfaire le voyageur : notre client.

 La cabine de conduite du TGV-transmanche

Comme les rames seront conduites par des conducteurs BR, SNCF et SNCB sur les 4 réseaux traversés (les trois précités et le tunnel lui-même, exploité par Eurotunnel), l’étude de la cabine de conduite a été menée conjointement par les ingénieurs et des praticiens de la conduite des trois réseaux. Ils ont créé un espace de travail respectant les prescriptions de l’UIC et des réseaux, répondant aux règles ergonomiques modernes et présentant un niveau de confort élevé, proche de celui offert aux passagers.

La sécurité du conducteur

La sécurité du conducteur a retenu toute l’attention des concepteurs. Notons entre autres :

  • Une structure étudiée aux chocs frontaux via un bouclier d’absorption d’énergie situé dans le nez de la motrice ;
  • Le plancher de la cabine placé le plus haut possible ;
  • Deux portes s’ouvrant de la cabine vers la salle des machines par simple pression sur une poignée antipanique ;
  • Des trappes d’évacuations, placées dans les parois latérales de la cabine et, donnant un accès direct à l’extérieur.

Le confort du conducteur

Le confort visuel est assuré par des revêtements dont la nature et les teintes ont fait l’objet d’une étude de design. Les teintes ont été choisies aussi foncées que possible pour réduire les risques de reflets et d’éclairage parasite des visualisateurs et des voyants équipant les tableaux de bord. Le siège participe de manière prépondérante au confort. Il est le fruit d’études menées par la SNCF pendant plusieurs années. Il permet un réglage en hauteur et longitudinal et le dossier est inclinable.

Le garnissage assure un maintien du corps contre les mouvements latéraux, amortit les vibrations, est aéré et ignifuge.

La cabine de conduite sera dotée :

  • D’une climatisation qui doit répondre à des critères sévères liés aux conditions particulières qui seront rencontrées dans le tunnel ;
  • D’une isolation thermique et acoustique qui limitera le niveau de bruit à 78 dB (A) à 300 km/h hors tunnel ;
  • D’un thermobox permettant de réchauffer ou de refroidir des aliments ;
  • D’un éclairage adapté aux diverses tâches demandées au conducteur.

L’ergonomie du poste de conduite

Dès l’entrée dans la cabine de conduite, on est surpris par la position centrale du poste de conduite. Elle a été préférée pour permettre un meilleur accès technique aux différents organes et prévenir au mieux la fatigue visuelle.

L’étude ergonomique s’est largement inspirée de celle menée par la SNCF pour le TGV A. La conception de la cabine de conduite permet la conduite assise ou debout par les conducteurs.

Les différents organes et appareils sont disposés en tenant compte de la fréquence à laquelle le conducteur les manœuvre ou les observe pendant la marche. Aucune lampe de signalisation ne s’allume en situation normale.

L’ergonomie de conduite

Les cabines de conduite sont équipées des dispositifs de sécurité et d’aide à la conduite requis par les 4 réseaux sur lesquels elles circuleront :

  • Dispositif de veille automatique VACMA avec pédales à 3 positions ;
  • Signalisation de cabine TVM 430 pour la circulation sur les LGV et dans l’Eurotunnel ;
  • Dispositifs de répétition des signaux et de contrôle de vitesse TBL (SNCB), RPS et COVIT (SNCF), AWS (BR).

Pour des raisons à la fois techniques et ergonomiques, on s’est efforcé d’éviter la juxtaposition de systèmes différents selon les réseaux dans le poste de conduite. Au contraire, on a cherché à les intégrer et à rendre communs à différents systèmes le plus d’organes possibles pour autant que leur desserte ou leur interprétation puisse être identique dans les différents systèmes. Pour les réseaux, cela implique parfois une adaptation de leur réglementation pour harmoniser, d’un réseau à l’autre, les actions requises du conducteur.

La recherche des sons à produire en cabine pour alerter ou informer le conducteur (alarmes, répétition des signaux, dispositifs d’aide à la conduite et de veille automatique,...) s’est faite en limitant le nombre de sons au strict minimum (11 en tout) et en veillant à ne pas choisir un son utilisé actuellement sur un engin quelconque de l’un des trois réseaux dans une fonction ou avec une signification différente de celle du TGV. Un équipement informatique placé au poste de conduite permettra au conducteur d’effectuer certains tests et essais (essai de frein notamment), de localiser les avaries, d’effectuer un dépannage, de mémoriser les anomalies survenues dans le fonctionnement de l’équipement, d’interroger à distance l’ordinateur de la motrice arrière, etc.). Les messages apparaîtront à l’écran dans la langue choisie par le conducteur (français, néerlandais ou anglais).

Le standing et la sophistication de la cabine de conduite seront donc à la mesure du modernisme de l’ensemble de la rame, tout en rendant la conduite aisée et confortable.

 L’entretien

Les rames Transmanche seront entretenues à Paris, Londres et Bruxelles. Ce choix a été défini en fonction des exigences sévères qui régissent l’accès au tunnel et les distances considérables entre les gares terminales. Bruxelles constituera un nœud important pour la plupart des liaisons TGV et sera amenée en outre, pour des raisons d’exploitation, à effectuer des opérations d’entretien, des visites et des dépannages non seulement au matériel belge mais surtout au matériel garé à Bruxelles.

A cet effet, il a été décidé que l’atelier existant de Forest serait transformé et doté d’installations spéciales telles que fosses de visite, plate-formes de travail, tour en fosse, bas bogie, car-wash. Cet atelier doit être opérationnel pour octobre 1992 lorsque la première rame Transmanche quittera les usines du constructeur pour les parcours d’essai. Les trains entreront dans les ateliers dans leur composition totale sans désaccouplement.

Pour coordonner cet entretien, un groupe de travail a été constitué avec un représentant par réseau dans le but de fixer de façon concertée le programme d’entretien et d’établir de la même manière les documents d’entretien nécessaires.

Un cycle d’entretien TGV se présentera comme suit :

  • Un examen quotidien sur fosse des organes de contrôle ou des pantographes ;
  • Un examen approfondi tous les 9 jours, au cours duquel les roues et les bogies retiendront tout spécialement l’attention et la bonne exécution du contrôle de l’équipement en relation avec le confort (p.e. éclairage, climatisation,...) sera également vérifiée ;
  • Un entretien technique approfondi de la rame tous les 3 mois.

Le cycle de nettoyage consistera en :

  • Un nettoyage extérieur quotidien au car-wash ;
  • Un nettoyage intérieur quotidien ;
  • Tous les cinq jours, un nettoyage intérieur approfondi.

Pour le matériel TM, des exigences plus sévères en matière de fiabilité d’exploitation sont posées :

  • Les défauts qui empêchent un train de parvenir à destination ne peuvent survenir qu’une fois tous les 2 millions de km ;
  • Les défauts qui occasionnent un retard ne sont admis que tous les 130 000 km.

Etant donné qu’une période probatoire est indispensable, ces objectifs sévères doivent être atteints à partir de la 4e année d’exploitation commerciale.

Nous aborderons dans un prochain numéro le domaine de l’infrastructure et nous évoquerons notamment le choix du tracé. La SNCB a, quant à elle, exprimé ses préférences de tracé lors du Conseil d’administration du 26.09.1989, tout en présentant quelques variantes possibles. L’ensemble de ces propositions a été transmis aux instances politiques nationales qui doivent prendre une décision à ce sujet, après une concertation avec les régions. Dans cette optique, le gouvernement s’est prononcé à la fin du mois de janvier sur une proposition globale de tracés qu’il a adressée aux Exécutifs régionaux. Le projet est donc actuellement examiné à ce niveau et nous y reviendrons ultérieurement.


Source : Le Rail, mars 1990

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