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L’avenir du patrimoine historique

L. Gillieaux, J. Thys.

mercredi 21 octobre 2015, par rixke

1835-1990 : depuis les 155 années qu’il existe en Belgique, le chemin de fer a fortement marqué l’histoire nationale par les services qu’il a rendus — et rend encore — à notre pays ainsi que par les remarquables réalisations qu’il a suscitées, spécialement dans le domaine technique et industriel : locomotives à vapeur, électriques ou diesel, voitures et wagons, bâtiments de gare, ouvrages d’art, techniques de la voie, de la signalisation, des télécommunications, etc.

Plusieurs témoins de cette longue et riche histoire ont heureusement pu être conservés. Ceci résulte de l’action désintéressée et bien souvent fort discrète de nombre de personnes clairvoyantes, qui pressentaient la valeur que les objets conservés acquerraient quelques années plus tard. Toutefois, face à l’évolution des idées et des attitudes dans ce domaine, il est apparu utile de donner aux actions de conservation et de mise en valeur du patrimoine historique une base mieux définie et plus structurée, afin d’accroître leur cohérence et leur efficacité. C’est dans ce but qu’a été mise en place la commission permanente du patrimoine historique dont nous parlons ci-dessous.

 Préserver les témoins du passe, une œuvre déjà ancienne

La sauvegarde d’objets ou d’équipements de valeur historique est loin d’être une préoccupation récente de la SNCB. Au contraire, il y a déjà de nombreuses années que des actions ont été entreprises dans ce sens, au niveau national, régional ou local.

Ainsi, en nous limitant à la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, citons par exemple le musée du chemin de fer. Celui-ci avait été installé dans les bâtiments de l’ancienne gare de Bruxelles Nord. Lorsque celle-ci du être détruite dans le cadre des travaux de construction de la jonction Nord-Midi, le musée fut transféré dans les bâtiments de l’actuelle gare de Bruxelles Nord.

Divers objets y ont été rassemblés au cours des années, dont la très ancienne locomotive « Le pays de Waes » construite en 1845-1847 et ayant assuré des services jusqu’en 1898. A côté de celle-ci, le visiteur peut découvrir des collections de maquettes de locomotives, de voitures, de wagons, divers objets permettant de retracer l’histoire de la voie et des signaux, des gares de la SNCB, de la jonction Nord-Midi, etc.

L’effort de conservation du patrimoine historique ferroviaire ne s’est pas limité à ce musée accessible gratuitement du lundi au vendredi ainsi que les premiers samedis de chaque mois (lorsque ceux-ci ne coïncident pas avec un jour férié). En fait, nombre d’autres objets ou équipements particulièrement intéressants du point de vue historique ont été préservés et conservés en plusieurs endroits du réseau, tels certains ateliers centraux ou de traction. A cet égard, il faut mentionner spécialement l’abri du matériel de Louvain où sont conservées une série de locomotives, principalement à vapeur, des voitures et des wagons, des engins spéciaux telles des grues à vapeur ainsi que certains équipements techniques utilisés à la SNCB. Parmi les locomotives à vapeur, la Consolidation 29013 est toujours opérationnelle tandis que plusieurs autres, dont l’Atlantic du type 12 et la Pacific type 1 sont, soit en réparation, soit en cours de restauration.

Chaque année, durant une semaine et un week-end du mois de septembre, ce sanctuaire s’anime et ouvre ses portes à tous ceux qui veulent revivre le temps de la vapeur, humer ses odeurs, écouter ses bruits et sifflements... En 1990, ces portes-ouvertes se dérouleront du 24 au 30 septembre.

 La commission du patrimoine historique

On peut se demander pourquoi on a décidé la création d’une telle commission alors que des opérations de sauvegarde, de restauration et même de mise en valeur de nombreux éléments du patrimoine historique ont déjà été entreprises ou sont en cours.

A cet égard, il faut constater que, d’une manière générale, l’intérêt du public pour les choses du passé et pour la conservation du patrimoine historique s’est fortement développé au cours des vingt dernières années. Plusieurs actions de conservation ou de sauvetage d’objets, d’immeubles ou de documents historiques sont menées par des individus ou des associations tandis que de nombreux collectionneurs s’intéressent à des sujets extrêmement divers et offrent des sommes parfois très élevées pour acquérir les biens qui leur manquent.

Ce phénomène touche aussi le monde du chemin de fer et l’on constate un réel engouement pour les divers secteurs de l’activité ferroviaire. Tel est le cas pour :

  • Les anciennes lignes de chemin de fer, certains ouvrages d’art ou bâtiments que des amateurs souhaiteraient conserver, voire réutiliser ;
  • Le matériel roulant qui intéresse plusieurs personnes ou associations comptant des cheminots parmi leurs membres, parfois en majorité sinon en totalité ;
  • Les objets, outils et machines ;
  • Les livres, études, rapports et autres documents.

En présence d’un tel enthousiasme mais aussi en raison des multiples questions qui se posaient, il est apparu préférable, pour la préservation et la promotion optimales du patrimoine historique, de constituer au sein de la SNCB une Commission permanente du patrimoine historique chargée de déterminer la ligne de conduite générale de la Société en la matière, d’examiner les questions et problèmes qui se présentent et de trouver les solutions adéquates, en conformité avec les principes déterminés.

 Les objectifs de la commission du patrimoine historique

Dans l’optique de ce qui précède, la Commission poursuit les objectifs suivants :

  • Définir la notion même de patrimoine historique. La Commission déterminera quels sont les sites, immeubles, véhicules — moteurs ou non —, objets ou documents qui ont ou peuvent acquérir une réelle valeur historique et qu’il importe donc de préserver.
  • Fixer les limites en matière de biens ou d’objets à conserver. La Commission s’efforcera de préciser, en fonction de leurs caractéristiques et de l’intérêt qu’ils présentent, les longueurs de lignes, le nombre d’ouvrages et d’immeubles, le nombre de véhicules, d’objets, d’équipements qu’il y a lieu de préserver.
  • Déterminer les méthodes et les moyens à mettre en œuvre pour assurer la conservation, la restauration, la mise en valeur des lignes, immeubles, véhicules ou objets choisis. A ce sujet, la Commission examinera entre autres l’opportunité pour la SNCB d’agir seule ou, au contraire, de s’entendre avec des organismes crédibles prenant en charge la conservation et la restauration de certains immeubles, véhicules ou objets, ceux-ci restant la propriété de la SNCB et devant être restitués sous certaines conditions. Dans cette optique, la Commission tiendra bien entendu compte des éléments relatifs à la sécurité, aux aspects juridiques, budgétaires et autres des divers cas traités. En outre, dans son action, la Commission s’efforcera de rechercher et d’appliquer les méthodes et moyens permettant aux actions de conservation et de valorisation du patrimoine historique de contribuer à l’amélioration de l’image de la SNCB auprès du public, afin d’accroître l’utilisation de ses services.
  • Assurer la coordination avec le service des archives et de la documentation historique.

 Le fonctionnement de la commission

Installée à la fin de l’année 1989 la Commission se compose de représentants des différents départements, cellules et districts.

Afin de répondre efficacement aux questions qui se posent, elle a été subdivisée en quatre sous-commissions chargées d’atteindre les objectifs généraux évoqués ci-dessus, chacune dans le domaine qui lui est confié. Ces sous-commissions sont les suivantes :

  • La sous-commission du patrimoine immobilier.
    Elle traite les demandes d’utilisation des lignes hors service ou hors exploitation ainsi que les questions relatives aux bâtiments de gares ou autres (sachant que certaines gares ont déjà été classées) et aux ouvrages d’art (un viaduc désaffecté par exemple) que certains organismes ou associations voudraient voir conserver.
  • La sous-commission du patrimoine mobilier roulant.
    Celle-ci doit examiner toutes les questions relatives à la sauvegarde des locomotives, voitures, wagons, engins spéciaux, etc. ou, en d’autres termes, tout ce qui est susceptible de rouler sur le réseau. Les décisions à prendre ont trait à la sélection du matériel, à sa restauration, à son prêt à des organismes offrant les garanties voulues de sérieux, à ses conditions d’utilisation éventuelle, etc.
  • La sous-commission du patrimoine mobilier non-roulant.
    Celle-ci s’occupe des questions relatives à la sauvegarde des objets, outils, machines et autres équipements non mobiles. Il peut s’agir, par exemple, d’installations de signalisation, d’équipements spéciaux de voie ou d’autres réalisations techniques spécifiques à la technologie ferroviaire. Son mode d’action s’apparente à celui de la sous-commission précédente.
  • La sous-commission relative aux archives et à la documentation.
    Elle traite plus particulièrement les dossiers relatifs à la sauvegarde de tout ce qui constitue des documents écrits, des plans, des imprimés à caractère historique, y compris les documents en rapport avec les témoins du passé dont la conservation est décidée par les autres sous-commissions.

D’une manière générale, les quatre sous-commissions prennent les décisions de conservation dans les domaines qui les concernent et en déterminent les modalités pratiques : conditions de restauration éventuelle, d’utilisation, d’entretien, etc. Elles font appel à la commission générale pour des questions de principe ou de portée générale ainsi que pour des cas particuliers.

Dans le cadre de leur activité et à l’occasion de contacts avec les départements, cellules et districts, les sous-commissions, selon le cas, expriment un avis (une consultation avant une prise de décision) ou prennent une décision à la commission, avant la réalisation de certaines opérations pouvant avoir des incidences en matière de patrimoine historique.

En fonction de leurs besoins, les sous-commissions feront appel à des spécialistes, tantôt à l’intérieur de la SNCB et tantôt à l’extérieur.

 Le patrimoine historique préservé pour l’avenir

Dotée d’une structure multidisciplinaire et œuvrant simultanément dans plusieurs secteurs de l’activité ferroviaire, la commission du patrimoine historique et ses sous-commissions pourront accueillir les diverses demandes ou propositions qui sont et seront encore formulées concernant la préservation des témoins du passé. Celles-ci seront alors examinées et traitées conformément aux principes généraux et aux règles de base qui auront été élaborées comme indiqué ci-dessus.

Cette organisation et cette méthode de travail permettront à coup sûr de renforcer la cohérence et l’efficacité de la politique de conservation et de mise en valeur du patrimoine historique ferroviaire, tout en précisant et améliorant nombre de relations avec des personnes ou groupements qui veulent agir dans le même esprit que la SNCB en cette matière. Cela ne pourra que davantage servir cette belle et noble cause que constitue la préservation des actuels — et futurs — témoins du passé dans cet important secteur de notre histoire nationale. Nos concitoyens actuels et les générations futures nous en sauront assurément gré.

 La conservation du patrimoine historique ferroviaire nous concerne tous

La préservation des témoins du passé est trop importante que pour rester le souci de quelques personnes spécialement formées ou sensibilisées à cette question. La qualité des actions entreprises dans ce domaine dépendra bien entendu des décisions et des mesures prises par la commission du patrimoine historique mais également, pour une bonne part, des informations qui émaneront de sources aussi nombreuses que différentes.

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C’est pourquoi l’appel suivant est lancé à tous les cheminots actifs ou pensionnés ainsi qu’à tous ceux qu’intéresse cet objectif : si vous êtes en possession d’informations ou si vous souhaitez formuler des suggestions ou des propositions concernant un bien immobilier, du matériel roulant, un bien mobilier, ou encore un document d’archives, prenez contact avec les présidents des différentes sous-commissions.

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Ces présidents soumettront vos informations, suggestions ou propositions à la sous-commission concernée.

Dès à présent, nous vous remercions pour votre intérêt et votre contribution à la préservation du patrimoine historique ferroviaire qui, il faut le rappeler, constitue aussi notre patrimoine commun à tous.


Source : Le Rail, juillet 1990