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Petite histoire des chemins de fer dans les pays luxembourgeois

Roger GILLARD.

mardi 23 décembre 2008, par rixke

 La construction du temple

Des grands projets dont nous avons parlé, seul le chemin de fer Athus-Meuse avec ses embranchements vers Arlon et Longwy avait donc été retenu, la construction jusqu’à Dinant incombant à la Compagnie des Bassins Houillers du Hainaut, les prolongements vers Namur et conséquemment vers Givet à la Compagnie française du Nord. Les premiers travaux furent menés rondement. Dès 1862, Arlon - Athus était livré au trafic et l’année suivante, au mois d’août, tandis que le Nord français terminait le raccordement de Namur à Givet, les convois circulaient entre Athus et Longwy. Pendant ce temps, presque simultanément, l’Est belge, pour ce qui concernait le parcours en Belgique, et la Compagnie des Ardennes, pour ce qui concernait le trajet en France, réalisaient la liaison Charleroi - Givet via Morialmé. La porte de Charleville et du noyau industriel Revin-Fumay était dorénavant ouverte aux trains de Liège et de Charleroi.

Et du côté de l’Ourthe ? La situation financière de la Grande Compagnie du Luxembourg ne cessant de se dégrader, le gouvernement belge avait été amené à revoir à plusieurs reprises la convention de 1846. Un dernier et important accord fut conclu en 1863. Cette année-là, la société fut déchargée de la canalisation de la rivière entre Comblain-au-Pont et La Roche, œuvre qu’on jugeait désormais inutile, mais, en revanche, elle s’engageait à terminer la liaison par chemin de fer entre Liège et Marloie dans le courant de 1866. La société anglaise sut faire face, cette fois, à ses engagements. Le tronçon Marloie-Melreux fut inauguré le 25 juillet 1865 et, l’année d’après, la ligne de l’Ourthe était complètement achevée.

Entre-temps de nouveaux projets de tracés étaient déposés en vue de relier, d’une part la ville de Spa à la frontière grand-ducale, d’autre part les pays de Bastogne et de Virton à la ligne de Bruxelles à Arlon. Spa, ville d’eaux dont la renommée ne cessait de s’étendre, où se rencontraient les princes et les grandes dames d’Europe, était déjà rattachée à la ligne de la Vesdre depuis 1855. Quand fut décidée la prolongation jusqu’au Luxembourg, quatre compagnies représentant quatre pays se disputèrent le cahier des charges. Finalement, le Guillaume-Luxembourg l’emporta. Les travaux débutèrent en 1864, au moment où la même société terminait le tronçon Luxembourg - Ettelbruck. Trois ans plus tard, la ligne Liège - Luxembourg via Pepinster, Spa, Trois-Ponts, Vielsalm, Gouvy, Trois-Vierges et Kautenbach était inaugurée.

Celle que Guichardin appela le Paris-en-Ardenne entra ensuite dans l’ère du rail. Centre commerçant multiséculaire, Bastogne avait maintes fois réclamé son rattachement aux chemins de fer, non seulement pour sa population et celle des villages d’alentour, mais encore pour les exploitants de la mine de plomb de Longwilly. « Le minerai reconnu par une galerie sur une longueur de six cents mètres, et resté intact à ce niveau, ne pourrait manquer de donner lieu à une exploitation importante si on asséchait le terrain, écrivait le régisseur Siville en 1850. Mais comment écouler cette production ? Un chemin de fer qui traverserait notre province n’aurait qu’un intérêt médiocre pour les mines de Longwilly si on n’y reliait pas Bastogne par un embranchement. » Satisfaction fut donnée à la capitale de l’Ardenne en 1869, quand fut posée, par la Grande Compagnie du Luxembourg, la ligne Bastogne - Libramont, mais elle devra toutefois attendre jusqu’en 1885 avant de voir terminé le tronçon qui la reliera à Gouvy, et ce n’est guère qu’en 1888, avec l’inauguration de la ligne Bastogne - Benonchamps - Wiltz, que seront comblés tous ses souhaits.

Si Bastogne aime à se considérer comme la capitale de l’Ardenne, Virton, pour sa part, s’enorgueillit d’être le centre d’intérêt de la Gaume, et à ce titre elle n’entendait pas se laisser distancer par sa voisine du nord. Non seulement elle avait hâte de voir réalisée la ligne Athus-Meuse, mais elle aspirait encore à une liaison directe avec la ligne Bruxelles - Luxembourg, une liaison qui permettrait de desservir le gros village d’Ethe et, par surcroît, la rapprocherait sensiblement de Neufchâteau et de Bastogne, partant, de la capitale belge.

Mais Virton dut apprendre la patience. D’abord ses vues sur une jonction avec Marbehan furent beaucoup discutées en haut lieu, Athus sollicitant une liaison identique. Et puis tout n’allait pas pour le mieux du côté de l’axe Athus-Meuse. En fait, autant les premiers kilomètres avaient été enlevés promptement, autant n’avançait-on plus maintenant qu’à petits pas. Les causes de cette lenteur ? Elles sont multiples, au demeurant guère différentes de celles qu’avait subies la Grande Compagnie, aussi ne nous étendrons-nous pas sur ce point. Quoi qu’il en soit, les premiers trains venant d’Arlon par Athus parvinrent à Virton en 1871, et deux ans plus tard, ses desiderata ayant été pris en considération, le chef-lieu de la Gaume était relié à Marbehan.

La Gaume, qu’on appelle aussi le Bon Pays ou la Petite Provence à cause de la douceur du climat, n’est en fait que le prolongement de la Lorraine dont elle partage le passé et avec laquelle une bonne part de son économie est aujourd’hui encore liée. Il était donc juste que Virton réclamât aussi une liaison par le rail avec le réseau de l’Est français, un chemin de fer qui avait eu par ailleurs la bonne idée de passer aux portes mêmes de Torgny, à quelques mètres de la frontière. L’Etat belge donna satisfaction à Virton. En 1881, lors de l’inauguration du tronçon Virton - Lamorteau - Ecouviez, le premier train de voyageurs tiré par une locomotive belge entrait dans Montmédy.

Ces années si fertiles pour Virton virent aussi se consolider l’armature ferroviaire de la zone athusienne par deux nouveaux embranchements. En 1874, tandis qu’Ettelbruck était reliée à Echternach et que la France poussait sa grande ligne de l’Est jusqu’à la frontière grand-ducale, une liaison était établie entre Athus et l’ensemble métallurgique luxembourgeois de Rodange - Pétange, et trois ans plus tard était ouverte une petite ligne industrielle unissant Signeulx en Belgique à Gorcy en France. Athus ne cessa cependant pas pour autant de revendiquer sa liaison directe avec Marbehan. Mais en 1907 le gouvernement opposa un non définitif à cette voie qu’il estimait superflue.

Ne quittons pas encore le Sud-Luxembourg, ou plutôt ce grand carrefour qui avait déjà vu tant de réalisations ferroviaires. D’autres, en effet, allaient suivre, et non des moindres comme on pourra en juger. Les premières furent faites au profit de Pétange qui, à peine reliée à Athus, vit entreprendre la construction de deux nouvelles lignes : l’une, vers l’est, qui la rattachera à Esch-sur-AIzette et de là à Bettembourg ; l’autre, vers le nord, qui la soudera à Ettelbruck en passant par Kleinbettingen où elle croisera l’axe Bruxelles - Luxembourg. Mais, auparavant, en 1875, aura été réalisée la jonction de la petite ville frontalière avec Luxembourg, celle-ci pouvant dès lors recevoir les trains de Paris-Est. Enfin, dernière grande réalisation grand-ducale, le tronçon Luxembourg - Bettembourg qui allait enfin permettre la liaison directe Anvers - Strasbourg - Bâle par les deux Luxembourgs, et qui fut ouverte au trafic en 1883.

Il nous faut maintenant revenir à l’axe Athus-Meuse, ou plus exactement au tronçon restant à construire, ces cent vingt kilomètres de zigzags qui séparent Virton de Dinant. On avançait, bien sûr, mais toujours lentement, plusieurs équipes se partageant l’entreprise, les unes dans la dure montée de La Hage, d’autres aux frontières de l’Ardenne, là où l’Antrogne prend sa source, d’autres encore sur les lignes de faîte, du côté de Gedinne et dans les calcaires de Beauraing. Lentement, oui, mais si on avait pu s’étonner, et avec raison sans doute, de la longueur des travaux entre Athus et Virton, dans cette cuvette où se prélasse la Vire paresseuse, le pouvait-on encore ici, quand à chaque pas des écueils se dressaient devant l’homme ? Ici, le rail va payer le prix. Celui qu’il avait payé à Chaudfontaine et à Nessonvaux, le long de l’Amblève et dans les grès de l’Ourthe, dans la trouée de Poix-Saint-Hubert et dans l’ascension de Libramont. De nouveau, il faudrait fouiller et creuser, percer et combler, vider et charrier. Et par-dessus la géographie piétinée jeter des ponts et des viaducs. Et dans le ventre de la terre ouvrir des tunnels. « Œuvre de géants », écrivait Victor Hugo, qui avait assisté aux travaux de la ligne de la Vesdre...

Peut-être, en définitive, tout cela n’a été possible que parce que ces « géants », ces cheminots ou plutôt ces chemineaux comme on les appelait alors, faisaient consciencieusement leur devoir ; parce que, comme disait Malraux par la bouche d’un de ses personnages, ils étaient de ceux-là « qui savent ce qu’il faut faire ».

Mais il y avait aussi l’heure du repos, de la détente, le temps du casse-croûte à midi et vers les quatre heures. Les hommes déposaient la pelle suante, s’asseyaient au pied d’un sapin, dans la mousse rêche. Et l’on mangeait, et l’on causait. Parfois quelqu’un disait : « Il paraît que, pas loin d’ici, dans le temps... » Et c’était des histoires de sorcières et de loups-garous, de charrettes infernales et de brouettes enchantées. On parlait de la Roche du Chat et du Défilé des Mauleux, du hardi seigneur de la Coue et de la princesse des fées des Epioux. Un souffle de merveilleux passait sur les rails.

Et puis vint ce soir où l’on se reposa pour de bon, vint la fin de l’immense tâche. En 1879, sortant de la forêt d’Orval, le rail traversait la Semois à Izel, à l’endroit même, peu s’en faut, où deux mille ans plus tôt les Romains faisaient passer leur fameuse voie de Reims à Cologne, et l’année d’après, ayant laissé derrière lui Bertrix et Paliseul, il atteignait Gedinne. Enfin, le 19 décembre 1899, les trains rejoignaient à Houyet la ligne de la Lesse, permettant par le fait, grâce au chemin de fer de la Molignée et à son prolongement vers Tamines, non seulement la liaison Athus-Meuse, mais aussi une liaison directe Athus - Charleroi.

Pendant ce temps, le réseau s’était encore enrichi de deux lignes : celle de Bertrix à Libramont, inaugurée le 12 août 1882. qui complétait la grande ligne des plateaux ardennais menant vers Bastogne et Gouvy, et sept ans plus tard celle de Trois-Vierges à Lommersweiler, qui soudait au nord le Grand-Duché à l’Allemagne, rattrapant ainsi la fameuse voie ferrée de Prum à Aix-la-Chapelle via Saint-Vith, Born, Waimes, Butgenbach, Sourbrodt, Montjoie et Raeren. Ouvert au trafic le 16 août 1888, ce chemin de fer allemand qui deviendrait en partie belge après 1918, avait été pourvu à. Waimes, dès la même époque, d’un embranchement en direction de Malmédy.

Dès lors se trouvait presque achevée la construction du temple ferroviaire dans les deux Luxembourgs ; troquant guêtres et galoches contre képis et galons, les chemineaux pouvaient se faire conducteurs de locomotives et serre-freins ; et Paul Verlaine, à qui il arrivait de rendre visite à sa tante Julie de Paliseul et à son oncle notaire de Bertrix, pouvait chanter « les wagons qui filent en silence sous les cieux à peine irisés » ;

 La ligne internationale Bertrix - Carignan

A l’aube du vingtième siècle, les pays luxembourgeois disposaient donc pratiquement du réseau qu’ils allaient conserver intégralement pendant environ cinquante ans. En fait, quelques kilomètres de rails devaient encore être posés : les lignes de Vielsalm à Born et de Gouvy à Saint-Vith, lesquelles retrouvèrent en 1918 le chemin de fer de Prum à Aix-la-Chapelle avec son antenne en direction de Malmédy, et la ligne de Bertrix à Muno qui fut, à deux reposes et à vingt ans d’intervalle, prolongée jusqu’à Carignan. Ces trois voies ferrées, qui ne totalisaient pas cent kilomètres, furent créées, du moins en partie pour ce qui concerne la dernière, par les Allemands. Nous ne nous étendrons pas sur les deux premières, dont la construction fut en somme sans histoire. En revanche, nous avons cru intéressant de réserver un chapitre à la ligne Bertrix - Muno - Carignan, non seulement pour le pittoresque de son parcours mais encore et surtout pour le pittoresque de ses avatars.

Localisons d’abord les deux têtes de ligne : au nord, suri l’axe Athus-Meuse, un gros village agricole de 1 998 habitants en 1870 que le rail va convertir dès 1900 en une bourgade semi-industrielle de 2 887 âmes ; au sud, sur la ligne Paris - Longwy - Luxembourg, l’ancienne Ivoi, au début du siècle petite ville commerçante de 1 815 habitants. A proximité de la dernière, l’ensemble industriel de Messempré et les forges de Blagny et de Brévilly ; auprès de la première, les vastes ardoisières de Cugnon-Mortehan, Herbeumont et Saint-Médard. Enfin, séparant les deux localités, trente-quatre kilomètres dont vingt-six de forêts, rochers et ravins.

Les années 1845 à 1860, nous l’avons dit, avaient vu naître entre autres projets celui d’une jonction de Sedan à la ligne Bruxelles - Luxembourg, d’abord par une voie qui aurait abouti à Les Bulles en passant par Messempré-Messincourt, ensuite par un chemin d’accès assez difficile se dirigeant vers Bertrix et Bouillon et se terminant à Libramont, ces deux raccordements, dans l’esprit des industriels belges et français, devant surtout permettre une liaison rapide entre le complexe Meuse-Chiers et les centres houillers et métallurgiques de la province de Liège. Les deux projets abandonnés, un autre tracé fut étudié à partir de 1880, le groupe français proposant cette fois comme point de départ Carignan et comme point d’arrivée l’axe Athus-Meuse. Solution ingénieuse et logique, car la petite ville de la Chiers venait tout juste d’être raccordée aux usines de Messempré, sur la frontière belge, distante en cet endroit de dix kilomètres en ligne droite du tronçon Athus-Bertrix.

Ce point acquis, restaient à déterminer le lieu d’entrée en Belgique et le tracé dans ce pays. Discussions, objections, nouvelles propositions, contre-propositions. Enfin, en 1897, les promoteurs des deux pays convinrent de Muno pour l’entrée et l’on préconisa Florenville pour l’aboutissement de la ligne. C’était, cette fois, la solution la plus pratique, d’une part parce que Florenville était la gare la plus proche de Muno et parce que le terrain qui l’en séparait était sans difficultés, d’autre part parce que toute autre combinaison eût occasionné d’énormes dépenses.

Cependant les jeux n’étaient pas encore faits, car il restait maintenant à convaincre les deux gouvernements respectifs. Et cela n’alla pas sans problème.

Avec le gouvernement belge d’abord, auquel le projet de tracé avait été remis dès 1897 et qui se vit aussitôt couvert d’interpellations. Elles émanaient des représentants des propriétaires d’ardoisières de la région d’Herbeumont, une industrie qui occupait bon nombre d’ouvriers, mais qui souffrait depuis plusieurs années de la concurrence des ardoises de Fumay et de Trêves, ces deux villes pouvant écouler, et dans des conditions autrement faciles et avantageuses, leur immense production par le rail. A la vérité, les ardoisières de la Semois traversaient une crise dramatique, aussi leurs propriétaires espéraient-ils avoir plus de chance que leurs prédécesseurs des années 1840, quand ces derniers avaient plaidé en faveur du tronçon de Recogne à Les Bulles. La conjoncture était évidemment autre, les plaignants obtinrent cette fois gain de cause, et Orgeo, près de Bertrix, fut choisie comme terme de la ligne projetée. Toutefois, le gouvernement belge décida d’ajourner l’exécution des travaux jusqu’à ce que la France eût accepté le principe de la pénétration sur son territoire et la jonction de la ligne avec le chemin de fer départemental Messempré-Carignan.

En fait, tandis qu’on discutait à Bruxelles, cette ligne internationale de Carignan à l’axe Athus-Meuse causait aussi pas mal de soucis à Paris. Les objections venaient surtout de l’Armée qui n’avait pas encore oublié 1870 et qui répugnait à voir construire une voie ferrée qui pourrait un jour fort bien faire l’affaire des Prussiens. Moins soupçonneuse, la Compagnie de l’Est s’était hâtée de racheter le tronçon départemental, et elle ne cachait pas ses espoirs de le voir prolongé jusqu’à l’extrême frontière. Finalement, le gouvernement français donna le feu vert, une convention fut aussitôt établie, aux termes de laquelle les Belges s’engageaient à construire les premiers leur tronçon, et en 1904 les travaux commençaient.

Lors donc, une fois de plus, le rail affrontait l’Ardenne, mais cette fois dans ses plus sauvages et secrets recoins. Une fois de plus la poudre éclatait et la roche volait en morceaux, les arbres étaient culbutés et les montagnes abaissées. Une fois de plus, aussi, dans le silence des vieilles terreurs millénaires, l’homme dressait la maison nouvelle.

La création du raccordement de Muno à Bertrix entraîna de nombreuses et importantes constructions dont certaines, tel le viaduc de Conques, à l’entrée d’Herbeumont, et le Pont de la Blanche, au lieu-dit Orgeo-Ardoisières, sont de véritables ouvrages d’art. Il fallut aussi percer pas mal de tunnels, celui de Sainte-Cécile à Conques, par dessous cette forêt qu’aima le bon Remacle, n’ayant pas moins de mille trois cents mètres. Tout cela, comme prévu, coûta cher. En fait, la ligne devait revenir à 200 000 de nos francs actuels, le mètre courant.

Cela exigea également beaucoup de temps. Quoique le gros de l’ouvrage fût terminé en 1909, il restait à la veille de la guerre de menus travaux à effectuer, et respectant la convention à la lettre, les Français n’avaient encore rien entrepris de leur côté. Finalement, ce furent les Allemands qui exécutèrent la jonction Muno - Messempré en 1915, ouvrant ainsi la ligne Bertrix - Carignan. Elle leur rendit de grands services.

Les avatars de la petite ligne n’étaient toutefois par encore terminés. Sitôt l’armistice sonné, le Génie français revenait à la charge et dès 1918 faisait ôter les rails entre Messempré et la frontière belge. En 1940, à peine arrivés, les Allemands reformaient pour la seconde fois la soudure, et en 1945, une fois de plus, les Français démantelaient le tronçon, A vrai dire, la fameuse jonction était devenue sans aucun intérêt, les progrès réalisés par les chemins de fer ayant amené rapidement les industriels du noyau Meuse-Chiers à se rabattre vers Athus. Quant au trafic international, pour ce qui concerne les voyageurs, si l’on excepte les mouvements frontaliers, il fut pratiquement nul, aucun courant important n’ayant jamais existé entre les populations lorraines de la Chiers et celles de la région de Bertrix, portée naturellement vers l’Ardenne de Charleville et de Sedan.

Ainsi, pour une fois, les leçons de la géographie et de l’histoire s’accordaient avec les impératifs de l’économie sociale. La ligne internationale Bertrix - Carignan avait été condamnée à l’unanimité.


Source : Le Rail, novembre 1972, décembre 1972 et janvier 1973