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Ultime hommage

mercredi 27 juillet 2016, par rixke

Il y a bien des années déjà (en 1974, les numéros de septembre et de décembre), « Le Rail » publiait un reportage, consacré au train fantôme du 2 septembre 1944. C’était l’ultime convoi, composé de wagons à bestiaux, que l’occupant organisa pour transférer les derniers prisonniers politiques et les otages détenus à la prison de St-Gilles à Bruxelles vers les camps de la mort.

Le machiniste Louis Verheggen et le chauffeur Pochet furent désignés pour assurer la traction de ce train. Notre ami Verheggen fit le serment que, lui vivant, le but de l’ennemi ne serait jamais atteint : il ramènerait les prisonniers ou il partagerait leur sort.

Il tint parole. Après une série invraisemblable d’aventures et d’incidents et grâce à la collaboration de cheminots et de résistants, le train ne dépassa jamais Muizen.

Après un dernier mais magistral pied-de-nez à l’escorte SS, le train retourna à toute vapeur, cette fois, vers Bruxelles, où l’avant-garde de l’armée de libération venait de faire son entrée. A Bruxelles Ouest, les prisonniers retrouvèrent la liberté. L’âme en paix, et le cœur battant, Verheggen rejoignit son domicile en silence et dans le plus grand anonymat, tout en se préparant à reprendre le flambeau dans la patrie libérée.

Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard, quasiment, que des survivants eurent l’occasion, au cours d’une conférence consacrée aux résistants du rail, de rencontrer leur sauveur.

Une profonde émotion marqua cette cérémonie.

A l’âge de nonante ans, le machiniste Louis Verheggen nous a quittés discrètement, sur la pointe des pieds, fidèle à lui-même et à son mode de vie.

Aussi bien dans le cadre familial que professionnel, il a accompli sa tâche avec dévouement, simplicité, honneur et amour.

Le 12 novembre, sa vieille locomotive a sifflé longuement et symboliquement alors qu’il rejoignait le dépôt éternel.


Source : Le Rail, Janvier 1992