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Le TGV en Belgique : où en est-on ?

L. Glllieaux.

mercredi 22 mars 2017, par rixke

 Un enchaînement progressif de décisions

Vers le milieu des années ’80 fut décidée la réalisation du projet de liaison internationale à grande vitesse Paris/Londres - Bruxelles -Cologne/Amsterdam. Cette prise de position intervenait quelques années après la mise en service du TGV Paris -Lyon, en septembre 1981, il y a un peu plus de 10 ans. Elle s’appuyait sur le succès d’emblée rencontré par cette nouvelle génération de trains et de lignes de chemins de fer ainsi que sur les perspectives de développement très favorables qui pouvaient être envisagées pour ce système.

En effet, en prenant en compte la poursuite de l’intégration européenne et la mise en place du marché unique au sein de la CEE, on prévoit une forte croissance des besoins de déplacement sur notre continent et il sera donc nécessaire de disposer d’un système de transport très performant. Le TGV - et, d’une manière générale, le transport ferroviaire - répond de manière optimale à cette attente, grâce à ses possibilités et aux atouts dont il dispose pour contribuer à résoudre les problèmes posés par la croissance de la mobilité tout en étant très respectueux de l’environnement.

Son réseau étant situé au cœur des relations internationales citées ci-dessus, la SNCB a pris part aux diverses études relatives à ce projet. Elle a tout naturellement assumé l’examen des différents tracés possibles en Belgique. Nombre d’analyses et études ont été menées. Parmi celles-ci, relevons une « étude thématique ». Celle-ci portait sur l’utilisation de l’espace, la consommation d’énergie et la pollution y associée, les nuisances acoustiques et la sécurité. Citons aussi une vaste « étude d’impact », recherchant les éléments du projet pouvant avoir une incidence défavorable sur les milieux humains et naturels, afin d’aider à choisir l’implantation la plus favorable tout en proposant des moyens de réduire voire de supprimer les inconvénients relevés. Sur la base de toutes ces recherches et études, un projet de tracé fut présenté par la SNCB au gouvernement national durant le second semestre de 1989.

Celui-ci prit position et transmit une proposition aux exécutifs régionaux au début de 1990. En effet, en vertu des lois relatives à la régionalisation, ces organes sont maintenant compétents pour autoriser ou non les grandes infrastructures nouvelles : chemins de fer, routes, canaux... L’examen dans les régions est allé de pair avec celui du plan STAR 21 de la SNCB, qui vise à moderniser le réseau national des chemins de fer dans les domaines tant voyageurs que marchandises, pour accroître sa capacité et ses performances en vue de lui faire jouer un rôle plus important dans le transport de personnes et de biens au cours des décennies qui viennent.

Ces examens dans les régions ainsi que les concertations qui ont eu lieu avec le gouvernement national ont débouché en juillet 1991 sur un ensemble de décisions relatives tant au TGV qu’à l’amélioration du réseau intérieur, pour lequel un très important plan décennal d’investissements a été approuvé et sur lequel nous reviendrons très prochainement.

 Le tracé des lignes TGV en Belgique

Sous réserve de certaines adaptations dans quelques communes, le tracé proposé n’a pas été fondamentalement modifié dans son ensemble. Rappelons-en brièvement le développement.

De la frontière française à Bruxelles

Pénétrant en Belgique à Rumes, au sud-ouest de Tournai, le TGV passera au sud de cette ville et traversera ensuite l’Escaut à Antoing. De là, la ligne gagnera le sud d’Ath, en parcourant essentiellement des zones agricoles situées sur les entités de Péruwelz, Leuze et Beloeil. Ensuite, le tracé longe étroitement le côté sud de la ligne 94, jusqu’à Enghien, après quoi il suit l’autoroute A 8, toujours sur le côté sud, jusqu’à Tubize, d’où il gagne la ligne 96 qu’il rejoint entre cette dernière localité et Lembeek. Les deux lignes se côtoient jusqu’à Bruxelles Midi, en passant par Hal, traversée en tunnel. Elles permettent une utilisation mixte de la nouvelle ligne, tant par le trafic IC que par celui du TGV. La traversée de Bruxelles s’effectuera par la jonction Nord-Midi.

De Bruxelles à la frontière allemande

Au départ de Bruxelles, le TGV empruntera la ligne 36, mise à quatre voies (les nouvelles encadrant les existantes), jusqu’à Louvain. Au-delà, le TGV suivra un tracé nouveau, rejoignant à Bierbeek l’autoroute E40 qu’il longera sur le côté sud jusqu’à proximité de Bierset où la ligne nouvelle rejoindra la ligne 36 classique pour gagner Liège Guillemins. Ensuite, les TGV emprunteront la ligne 37 jusqu’à Chênée, d’où ils gagneront le plateau de Herve par un tunnel. Le tracé suivra ensuite l’autoroute Liège - Aix-la-Chapelle jusqu’à proximité de Welkenraedt, pour rejoindre la ligne 37 qui sera alors suivie jusqu’à Aix.

De Bruxelles vers les Pays-Bas

Au nord de Bruxelles, les TGV utiliseront les lignes actuelles modernisées et accélérées jusqu’à Anvers dont la traversée est prévue en souterrain, Anvers Central devenant en partie gare de passage et étant complètement réaménagée à cette fin. Au-delà, deux possibilités de gagner la frontière néerlandaise sont toujours à l’étude : soit via l’actuelle ligne 12 vers Essen/Rosendaal modernisée, soit via un tracé nouveau, dit de la « ligne portuaire », situé plus à l’ouest.

 La réalisation progressive du projet

Simultanéité et rentabilité

Dès les premières décisions relatives au projet TGV, il avait été acquis que les différentes relations à parcourir par les trains à grande vitesse ne seraient pas toutes mises en service en même temps. Cependant, le gouvernement a estimé que les expropriations et les travaux importants devaient être réalisés en même temps sur les différentes branches du tracé et dans les diverses régions, en vue de marquer physiquement l’unité du projet, n’a cependant été ajouté que cette simultanéité ne devait toutefois pas mettre à mal la rentabilité du projet, dont le risque commercial incombe d’ailleurs à la SNCB seule. De ce fait, les travaux à engager ont été déterminés en tenant compte du double critère de la simultanéité et de la rentabilité.

Frontière française – Bruxelles

Sur les lignes classiques tout d’abord

A partir de 1993, année prévue pour l’ouverture du tunnel sous la Manche et pour la mise en service des liaisons Bruxelles-Londres et Paris-Londres, les TGV Transmanche emprunteront, jusqu’en 1995, les lignes classiques pour relier Lille à Bruxelles, en passant par Tournai, Leuze, Ath, Enghien et Hal. Dans cette optique, l’électrification de la liaison Tournai-Lille a été reprise dans le plan décennal d’investissements de la SNCB et a été convenue avec la France.

La ligne nouvelle

Comme l’expérience des constructions de lignes nouvelles en France révèle que certains retards peuvent parfois se produire, il a été décidé de scinder les opérations en deux temps sur la liaison nouvelle frontière française -Tubize/Lembeek, où les voies nouvelles rejoindront la ligne 96. Dans un premier temps, on réalisera en toute priorité le tronçon frontière française - Antoing, où une liaison avec la ligne 78 (Mons - Tournai) sera créée. De la sorte, il sera possible de mettre en service une relation au départ de Bruxelles via Mons et le raccordement d’Antoing, pour emprunter la ligne nouvelle au-delà, soit jusqu’à Paris, soit jusqu’à Londres via Lille. Pendant ce temps, les travaux seront poursuivis sur la branche en site propre Antoing-Tubize/Lembeek de façon à aboutir à une mise en service prévue pour le 01.07.1996.

Lembeek-Bruxelles

Les travaux d’aménagement de cette section, comprendront les ouvrages de jonction avec la ligne 96, les adaptations de Lembeek à Hal, la traversée souterraine du site de la gare de cette ville et la mise à quatre voies du tronçon Hal-Bruxelles. Ces travaux dureront jusqu’en 1998,

Bruxelles

La gare de Bruxelles-Midi

La gare sera totalement renouvelée pour y intégrer un terminal TGV en plus de ses fonctions actuelles de traitement du trafic intérieur et du trafic international classique. La gare comptera toujours 22 voies : les six premières, côté rue de France, seront affectées au terminal TGV, tandis que les voies 7 à 22 traiteront le reste du trafic. Les travaux affecteront d’abord les voies 4 et 5 destinées à accueillir provisoirement les TGV Transmanche à partir de 1993. Par après, en phase définitive, à partir de 1995/1996, les voies 1 et 2 (en cul-de-sac) accueilleront les Transmanche, tandis que les voies 3 (allongée et transformée en voie de passage) à 6 seront destinées à recevoir les trains à grande vitesse des relations Paris-Bruxelles et au-delà, soit Liège-Allemagne (Cologne-Francfort), soit Anvers-Pays-Bas (Rotterdam-Amsterdam). Les espaces publics et commerciaux de la gare seront réaménagés et les transformations toucheront aussi les abords immédiats de la gare, avec création de parkings, de commerces, de bureaux, d’hôtels, etc. L’ensemble du quartier du Midi sera d’ailleurs également rénové, dans le cadre d’un projet urbain mené par la Région bruxelloise.

L’atelier de Forest Midi

A Forest Midi, un atelier d’entretien des TGV Transmanche sera construit sur le site de l’atelier de traction de Bruxelles Midi, qui a été transféré à Schaerbeek. Outre des locaux de service et des magasins, l’atelier comprendra plusieurs halls de longueurs variables (entre 420 m et 60 m) destinés à assurer diverses opérations sur ces rames : visites de sécurité, nettoyage intérieur, préparation technique des rames pour la journée suivante, entretien et réparations. L’atelier comprendra une fosse de descente de bogies, pour leur échange, et un tour en fosse pour le reprofilage des bandages de roues. L’ensemble, jouxté par le poste d’entretien des voitures classiques du service intérieur et du service international, sera complété par deux faisceaux de voies réservés au garage des rames TGV et par un car-wash spécialisé dans le nettoyage des rames TGV. Cette installation sera située entre Bruxelles Midi et Forest.

L’ouverture officielle du chantier de l’atelier TGV de Forest Midi, le premier grand chantier du projet TGV, vient d’avoir lieu ce 18 mars.

Au-delà de Bruxelles

Vers Liège et la frontière allemande

Le tronçon Bruxelles-Louvain comportera quatre voies, La section Schaerbeek-Zaventem comportant trois voies en recevra une quatrième tandis qu’au-delà, deux voies nouvelles seront posées, une de chaque côté des voies existantes. Ces voies pourront être parcourues à la vitesse de 200 km/h. Les travaux à exécuter sur ce tronçon sont prévus jusqu’en 1998. Après la gare de Louvain, la ligne nouvelle quittera la ligne 36 pour se diriger vers l’autoroute E40 qu’elle franchira par-dessous et qu’elle longera ensuite. D’importants travaux seront nécessaires sur cette section et, entre autres, au lieu du franchissement de l’autoroute, pour éviter que la construction de l’ouvrage d’art n’entraîne une interruption de la circulation autoroutière. Les travaux afférents à cette section sont prévus pour la période 1992-1996. Vers liège, des travaux de reconnaissance des sols seront menés à court terme le long de l’autoroute, pour déterminer les zones où les terrassements s’avéreront plus délicats lors de la construction de la plate-forme de la ligne nouvelle. Pour ce qui concerne le tronçon au-delà de liège, des études vont également être entamées concernant le tunnel de Chênée à Soumagne afin de recueillir un ensemble de données en vue des travaux de percement d’ici à 1998.

Vers Anvers et les Pays-Bas

De Bruxelles vers Anvers, les travaux concernent principalement le relèvement de la vitesse de 140 à 160 km/h, le renouvellement des caténaires et des voies, l’élargissement de l’entre-voie, certaines rectifications de tracé à Malines et Duffel ainsi que le renouvellement et la modernisation de la signalisation. Ils se dérouleront jusqu’en 1998.

Pour Anvers même, un projet spécifique a été étudié en vue de transformer la gare d’Anvers Central en une gare à plusieurs niveaux, l’inférieur étant prolongé par un tunnel sous Anvers rejoignant la ligne 12 (vers les Pays-Bas) en dehors du centre de la ville. L’accès aux niveaux inférieurs de la gare s’effectuera par des pentes amorcées à proximité de la gare de Berchem. L’aménagement des différents niveaux a été étudié pour que la gare dispose de 14 voies (10 actuellement), dont 4 de passage au niveau inférieur. De la sorte, Anvers Central verra sa capacité accrue et de nouvelles possibilités de liaison seront ainsi envisageables, au bénéfice du trafic tant régional qu’international. Les travaux prévus dans le cadre de ce projet s’étaleront jusque vers la fin des années nonante. Au-delà d’Anvers, les études toujours en cours avec les Pays-Bas concernant le choix du tracé pour les relations TGV avec ce pays ne permettent pas actuellement de déterminer un planning de travail pour cette liaison.

La modification des plans de secteur

En ce qui concerne les procédures, les autorités régionales ont approuvé les modifications des plans de secteur suivants :

  • En région wallonne : Tournai - Leuze - Péruwelz ; Ath-Lessines-Enghien ; Nivelles ; Wavre-Jodoigne-Perwez ; Huy-Waremme ; Liège ; Verviers-Eupen ;
  • En région flamande : Hal-Vilvorde-Asse ; Malines ; Louvain ; Tirlemont-Landen ; Saint-Trond-Tongres.

Ces modifications ont permis de lancer les études détaillées du projet.

Le fonds des communes pour le TGV

Compte tenu du fait que la réalisation du projet TGV va engendrer certaines gênes dans les communes traversées sans que celles-ci n’en retirent des avantages directs, il a été décidé que des compensations seraient octroyées au niveau local, en matière de réduction des effets secondaires nocifs et de rétablissement de l’accessibilité aux parcelles agricoles. Afin que les communes concernées aient la garantie que ce principe de compensations soit respecté lors de l’élaboration des plans de construction et au moment de l’exécution des travaux d’infrastructure du TGV, un fonds a été créé, avec le budget prévu pour ces compensations.

Le Fonds TGV s’adresse uniquement aux communes situées sur le tracé TGV évoqué ci-dessus. Il est uniquement destiné à la réalisation de travaux en rapport direct avec des nuisances supplémentaires qu’entraînent la construction et l’exploitation de l’infrastructure TGV.

Le Fonds, géré par la SNCB, finance des travaux d’infrastructure visant :

  • Le rétablissement de voiries existantes (4,7 milliards de F) ;
  • Des mesures de protection de l’environnement (5,5 milliards de F) ;
  • Le rétablissement de l’accessibilité aux terrains agricoles (145 millions de F) ;
  • Des projets de natures urbanistique et rurale devant permettre une intégration harmonieuse du tracé TGV dans son environnement immédiat, tels que des modifications de relief, l’aménagement de plantations, la modification de tracés de routes, la modification de carrefours, l’amélioration des voiries, l’embellissement architectural de bâtiments publics, et ce pour autant qu’ils soient localisés à proximité immédiate de la voie ferrée où des travaux sont exécutés (1 milliard de F) ;
  • Le rétablissement des canalisations communales et des dispositifs d’éclairage : canalisations électriques faisant partie du réseau communal de distribution d’énergie, éclairage public de la voirie communale, canalisations de décharge, égouts, canalisations de refoulement, canalisations de distribution d’eau gérées par une régie communale (341 millions de F).

Suivant leur nature, les travaux à réaliser sont étudiés en collaboration entre la commune et la SNCB et aboutissent à des accords quant aux modalités d’exécution de ces travaux.

Sur le tronçon frontière française-Tubize, les communes concernées ont reçu les propositions de la SNCB et les examinent. Trois de ces communes (Rumes, Tournai et Brunehaut) ont déjà marqué leur accord après négociation avec la société.


Source : Le Rail, Avril 1992

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