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La Jonction Nord - Midi à Bruxelles

Georges Feron.

mercredi 4 octobre 2017, par rixke

Les travaux reprirent selon de nouvelles méthodes et techniques, aussitôt interrompus lorsque la Belgique fut à nouveau envahie le 10 mai 1940. Après la capitulation, la réouverture des chantiers fut autorisée. Les opérations se déroulèrent à un rythme de plus en plus lent pour s’arrêter lorsque l’occupant réquisitionna la main-d’œuvre et le matériel qu’il exigeait pour la construction du mur de l’Atlantique.

Après la libération, la pénurie des matériaux nécessaires dura jusqu’en 1947. Durant la régence du prince Charles, le programme d’électrification du réseau redémarra, mais le problème de la jonction Nord-Midi fut remis en question. Une nouvelle optique en matière ferroviaire vit le jour. La conduite de la guerre et le retour à la prospérité firent croire que le transport serait l’apanage quasi exclusif de la route et que l’auto, symbole de l’autonomie et de la liberté individuelle, en deviendrait l’auxiliaire aussi puissant qu’adulé. Le rail était considéré comme moribond et par conséquent la jonction Nord-Midi ne devait pas être achevée. A ce sujet, la lecture des annales parlementaires de l’époque est révélatrice. On y relève des affirmations ahurissantes, voire comiques si elles n’avaient pu entraîner des conséquences néfastes pour le pays. Au fil du temps, nos parlementaires retrouvèrent graduellement plus de sérénité. A la longue, l’achèvement de la jonction Nord-Midi fut décidé mais il n’y aurait qu’un pertuis au lieu des quatre initialement prévus. Que ne les a-t-on réalisés ? La question de la saturation ne se serait pas posée et la solution au problème actuel du réseau TGV en eût été largement facilitée ! Finalement on opta non pour un ni pour quatre pertuis mais pour trois, à deux voies chacun. La création d’une gare centrale fut également acquise.

Les travaux purent reprendre mais le cauchemar n’était pas terminé. De violentes critiques naquirent lorsque l’on apprit que les travaux entraîneraient la suppression d’une vingtaine d’impasses et la démolition de quelque 1 500 maisons, fort vétustes pour la plupart.

29.09.39 : béton armé et brouette.
Collection P. Pastiels

En fait, la ville aurait été contrainte, tôt ou tard, à procéder à ce qui fut en réalité un assainissement.

L’espace dégagé en surface au-dessus du tunnel fut utilisé pour la création d’une large avenue centrale dont personne, et sûrement pas les automobilistes, ne conteste actuellement l’utilité. La plupart ignorent d’ailleurs ce qui se passe quelques mètres plus bas.

Du point de vue technique, la réalisation de la jonction Nord-Midi fut assurément une véritable boîte à surprises et à embûches. .

Le sous-sol du centre de la vffle se situe dans la vallée de la Senne, en plein marais. En creusant à flanc de colline, plus à l’ouest de l’axe nord-sud, on espérait éviter cette difficulté.

On en rencontra d’autres : les sables instables et les écoulements du haut de la ville ! L’implantation des monuments historiques déjà cités allait constituer une sorte de gymkhana. Il ne suffisait pas de les éviter. Encore fallait-il veiller à ne pas les ébranler un tant soit peu.

La création de la gare centrale sur un terrain de forme triangulaire à forte inclinaison n’était pas une mince affaire non plus. L’architecte V. Horta et son successeur M. Brunfaut résolurent l’équation avec beaucoup de savoir-faire et d’élégance.

L’ONJ était composé d’une cellule de grands spécialistes, avec à leur tête, les ingénieurs Castiau, de Le Court et Franchimont.

En 1952, la jonction Nord-Midi était achevée. Comme précisé au début de cet article, elle fut inaugurée le 4 octobre 1952 par le roi Baudouin.

 Plus personne ne conteste l’utilité de la jonction nord-midi. D’autres nations suivent notre exemple

Nonobstant toutes les déclarations pessimistes ou négatives exprimées antérieurement, la jonction connut un franc succès et son utilité ne fut plus jamais remise en doute :

toutes les lignes du réseau étaient dorénavant reliées entre elles. Les énormes difficultés de transit entre le Nord et le Midi appartenaient définitivement au passé.

26.09.39 : la grue, une machine remarquable.
Collection P. Pastiels

Par la suite, d’autres pays allaient s’inspirer de cet exemple. Quelques chiffres illustrent le succès. En 1952-53, 169 trains circulaient dans les trois pertuis les jours ouvrables. Cinq ans plus tard on en dénombrait 700 et l’on dépassa 1100 convois dans les années suivantes. Le point de saturation était atteint. Les solutions ne manquèrent pas mais le hic, c’était leur prix. Le plan IC-FR, fort critiqué au début fut néanmoins appliqué dans les années’80.

Conçu dans le but de revoir entièrement l’organisation du service des trains de voyageurs, il apporta aussi une solution au problème de la saturation de la jonction puisqu’il permit de réduire d’une centaine d’unités les trains empruntant le tunnel et ce, sans provoquer de mécontentement parmi les usagers. Innombrables sont ceux qui transitent par là. Ds passent sous la capitale sans la voir et sans y provoquer la moindre perturbation. Rien que dans les grandes gares de la capitale plus de 300 000 « navetteurs » sont dénombrés chaque jour.


Source : Le Rail, Octobre 1992