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Le train de renouvellement de rails et traverses P811 (système Valditerra) Matisa

G. F.

samedi 3 février 2018, par rixke

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On parle beaucoup, en ce moment, de l’humanisation des conditions de travail Ce souci fut, de tous temps, celui des dirigeants des administrations ferroviaires... et surtout de la SNCB.

Le plus spectaculaire et le mieux connu du grand public fut sans conteste, le remplacement de la traction vapeur, pourtant bien sympathique de nos jours, par la traction diesel sur les lignes non électrifiées.

Qu’on se souvienne de nos valeureux chauffeurs qui pelletaient trois à cinq tonnes de charbon au cours de leur prestation.

Du « feu » de la locomotive dépendait la régularité des convois... Une autre tâche, plus obscure mais aussi indispensable pour la sécurité et la régularité des circulations ferroviaires, est celle qu’accomplissent les « gens de la voie » ; travail de force mais aussi de précision accompli par ceux que, hier encore, on appelait « piocheurs » et que, aujourd’hui, grâce à l’évolution technologique du métier, on désigne sous le vocable de « poseurs de voie ». Evoquons brièvement cette mutation. Jusqu’aux lendemains de la seconde guerre mondiale, les piocheurs travaillaient en équipes et la pioche constituait leur principal outil ; mettre le ballast à sa juste place, le damer, le bourrer, le souffler, l’ajuster c’est-à-dire constituer un lit rectiligne sans bavure externe sur lequel on posait la voie, qui était fixée sur des traverses en bois par des tirefonds, et immobilisée en outre par d’autres grenailles.

 Petit et grand formats

A partir des années ’50, on mit à la disposition des équipes d’entretien des engins à moteur de petit format : les tirefonneuses ou les foreuses de rails et de traverses, et les pelles à souffler rendirent déjà moins pénible le travail des piocheurs.

Un peu plus tard, peu avant les années ’60, mais surtout à partir de cette année-là, les engins automatiques de grand format entrèrent en action : la niveleuse automatique pour soulever la voie et réaliser le bourrage du ballast, la dresseuse pour éliminer les défauts du tracé, furent confiées à des équipes spécialisées afin d’obtenir un alignement orthodoxe des rails.

Actuellement ces deux engins sont combinés.

Enfin la « régaleuse », bulldozer sur rails, répartit le ballast de part et d’autre des files de rails pour former un lit sans fioriture.

Des cribleuses sont aussi utilisées pour trier le ballast existant, éliminer la matière usée et permettre son remplacement par du nouveau ballast.

Mais, en plus du ballast, il y a les rails !

Nous ne remonterons pas au « déluge ». Rappelons qu’après la première guerre mondiale, le réseau était armé notamment de rails dits « canadiens » de 6 m 10 ; avec le temps, la longueur des rails fut portée à 9 mètres puis à 12 mètres, 18 mètres, 27 mètres pour des poids spécifiques de 40, de 50 kg et, aujourd’hui, de 60 kg par mètre courant pour les rails UIC utilisés pour permettre les vitesses très élevées et notamment de 160 km/h.

On se rend ainsi mieux compte que les gens de la voie, manipulant des rails de plus en plus lourds, n’étaient pas à la fête tous les jours.

 Train de renouvellement

Mais l’évolution technologique continue. On n’arrête pas le progrès ! C’est ainsi que la SNCB vient d’acquérir un train spécial de renouvellement simultané de rails et traverses, un prototype, baptisé P 811 Matisa.

En regardant, ou plutôt... en admirant cette grande machine de 68 mètres de long de type automoteur, on constate qu’elle réalise une suite d’opérations qui mettent en œuvre des mécanismes très sophistiqués.

Mais pour que la P 811 devienne opérationnelle, il faut « préparer » la voie, c’est-à-dire libérer les rails et les vieilles traverses, enlever les tirefonds et le ballast gênant, à l’aide de fourches. Le ballast sera déposé sur les bas-côtés pour être replacé entre les traverses après l’intervention de la « machine ». Celle-ci est accrochée à un train de huit wagons sur lesquels reposent les traverses nouvelles (en béton) d’un poids unitaire de 270 kg contre 70 aux traverses en bois. Il est devenu impossible de les manipuler manuellement.

Ces traverses posées sur des « palettes » par lits de douze sont enlevées par un portique automoteur de manutention se déplaçant sur un chemin de roulement continu formé par les parois des wagons plats reliées entre elles par des barres métalliques. La « machine » commence alors ses opérations, à partir de deux bogies moteurs sur lesquels repose une « poutre » équipée de divers engins. Elle soulève et écarte les vieux rails à l’aide d’un soc, pendant qu’une « griffe » enlève les vieilles traverses, les dépose sur une chaîne inférieure qui les achemine sur un wagon plat faisant partie du train de traverses, tandis qu’à partir d’une chaîne supérieure et après égalisation du ballast, les traverses nouvelles sont mises en place à la distance requise.

 Cinq cents traverses à l’heure

Cette opération est contrôlée électroniquement.

Peu après, les nouveaux rails déposés sur l’emprise du ballast sont soulevés pour être déposés sur une plaque en caoutchouc à leur emplacement définitif sur les nouvelles traverses.

Ces opérations sont effectuées en continu, sans mal ni douleur selon une partition bien établie.

La P 811 peut travailler à la cadence de 500 traverses à l’heure. Derrière ce train, il faut rétablir la voie en bon état : les rails nouveaux sont fixés manuellement sur les traverses à l’aide de « crapauds élastiques Pandrol » ; le ballast est remis en place par d’autres agents, et les engins mécaniques lourds, régaleuse, bourreuse, niveleuse et un groupe de « soudures aluminothermiques » emboîtent le pas à la « machine », car à la fin de chaque prestation, il faut que la voie soit remise en service et parcourable à la vitesse de 40 km/h. Un train spécialisé dénommé « Rodel » peut également intervenir pour enlever mécaniquement les rails usagés.

Ce travail exige une main-d’œuvre importante que la brève description des opérations ne laisse pas supposer : près d’une centaine d’agents.

Mais la tâche qu’ils assument exige moins d’efforts physiques que par le passé.

N’est-ce pas là, en définitive, outre l’amélioration de la productivité un des buts recherchés par la Direction de la SNCB ?

Les anciens de la voie qui nous liront, reverront en pensée sur l’écran de leurs souvenirs leur dur passé de piocheur. Et ils penseront que les temps ont bien changé. Hommage leur soit rendu !


Source : Le Rail, mai 1980