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Perspectives nouvelles pour les charges complètes

L. Segers.

mardi 24 février 2009, par rixke

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Lorsqu’on examine l’évolution du trafic marchandises « charges complètes » par rail, on en arrive trop facilement à la conclusion que, depuis une dizaine d’années, la quantité transportée annuellement stagne entre 60 et 70 millions de tonnes, avec de faibles fluctuations vers le haut ou le bas.

Il serait pourtant injuste de s’en tenir à un examen superficiel et d’en conclure que tous nos atouts sont joués et que le transport ferroviaire par , charges complètes doit être considéré comme dépassé.

En effet, si, au lieu de nous limiter à un examen global, nous suivons l’évolution de ce trafic par produit, nous constatons en maints endroits un développement remarquable qui autorise tous les espoirs.

Citons tout d’abord l’accroissement spectaculaire dans les nouveaux secteurs vitaux de l’économie, grâce à une politique dynamique en la matière.

Nous pensons tout particulièrement à l’industrie pétrolière, à l’industrie chimique et au secteur des céréales. D’autre part, il ne faut pas nier que la tendance économique actuelle se caractérise par une sensible régression dans les secteurs traditionnels (principalement, le charbon), ce qui a provoqué inévitablement une perte de trafic. Le tableau ci-dessous illustre clairement cette évolution :

Nature des marchandises Tonnage transporté milliers de en tonnes (1) % de l’assortiment global des marchandises
1964 1971 1964 1971
Produits agricoles et denrées alimentaires 1 817 2 062 2,7 3,1
Combustibles 23 447 15 695 35,2 23,6
Minerais 15 487 16 545 23,3 24,9
Produits métallurgiques 11 590 16 596 17,4 25,-
Matériaux de construction et produits de carrières 8 338 6 907 12,5 10,4
Produits textiles 160 238 0,2 0,4
Produits chimiques 3 871 5 069 5,8 7,é_
Huiles industrielles, pétroles, poix-résine, goudron 911 1 795 1,4 2,7
Produits divers 973 1 511 1,5 2,3
(1) transports militaires compris. 66 594 66 418 100 100

Donc, encore que le volume global du trafic ait été sensiblement pareil en 1964 et en 1971, les données du tableau ci-dessus démontrent que la nature des marchandises transportées a sensiblement évolué.

Le transport de combustibles - qui représentait plus du tiers du trafic total - en constitue actuellement moins du quart.

Examinons cette tendance de plus près et par secteur.

 Secteur de l’énergie

Industrie charbonnière

Depuis plusieurs années déjà notre économie est caractérisée par une véritable révolution dans le domaine de l’approvisionnement en énergie. Il est fait de moins en moins appel au charbon qui était jadis le combustible traditionnel.

On prévoit qu’à l’avenir la capacité de production et la consommation continueront encore à baisser, ce qui aura pour effet de diminuer encore nos transports de houille.

Hydrocarbures

En compensation de cette régression dans la consommation des charbons, l’industrie d’aujourd’hui utilise massivement le combustible liquide.

Après avoir joué un rôle de premier plan dans l’acheminement de la houille, les chemins de fer ont prouvé qu’ils étaient à même d’apporter une solution rationnelle et bon marché en ce qui concerne le transport des combustibles liquides.

Prenons par exemple les centrales électriques : autrefois elles s’approvisionnaient essentiellement en charbon (du moins pour ce qui est de notre pays), alors qu’actuellement elles utilisent presque exclusivement des fuels extra-lourds.

Dans ce domaine, la SNCB s’est rendu compte qu’il importait au départ de résoudre deux problèmes : d’une part, réduire au minimum la perte de chaleur en cours de transport, d’autre part, proposer un acheminement rapide et régulier.

L’huile extra-lourde à l’état liquide exige une température d’au moins 55 degrés C. Pour pouvoir la transporter dans de telles conditions, la SNCB dispose de wagons-citernes à isolation thermique. Ce matériel d’excellente qualité permet de limiter la perte de chaleur pendant le transport à 3 degrés C maximum, d’où une économie de temps, donc de frais, lors du déchargement.

Le transport entre les raffineries et les centrales électriques se fait par trains complets. Grâce à une exploitation suivie de très près, la rotation des wagons (24 heures), est telle que ces wagons coûteux deviennent rentables. Le transport d’hydrocarbures par chemin de fer ne requiert qu’un minimum d’installations appropriées. En gros, il suffit de disposer d’une pompe, de conduites fixes et de tuyaux flexibles. En ce qui concerne les tarifs, la SNCB conclut des contrats particuliers avec chacune des grandes firmes intéressées après avoir engagé avec elles des négociations.

On prévoit que le transport total d’hydrocarbures - 2 031 000 tonnes en 1972 - sera doublé en 1980.

 Secteur de la chimie

L’industrie chimique a connu ces dernières années une évolution spectaculaire. Pensez donc : entre 1962 et 1972, le chiffre d’affaires de cette branche de l’industrie a plus que quadruplé. On a tout lieu de croire que cette progression se poursuivra dans les années à venir. D’ailleurs, la production industrielle de ce secteur connaît, elle aussi, un rythme de croissance beaucoup plus élevé que celui de la production globale belge. Fidèle à sa politique dynamique, la SNCB a conquis une place de choix en tant que transporteur de produits chimiques. Les échanges de produits chimiques ayant de plus en plus un caractère international (surtout entre pays de la CEE), il en résulte une importance accrue des transports à longue distance, où le chemin de fer est particulièrement concurrentiel. L’exportation terrestre des produits de base ne cessera donc de s’intensifier.

Un matériel parfaitement approprié garantit une sécurité complète pour ce genre de transport.

Pour 1975 et 1980, on escompte un trafic s’élevant respectivement à 6 450 000 tonnes et 7 800 000 tonnes (produits chimiques + engrais).

 Secteur des céréales

En matière de céréales, l’approvisionnement de la Belgique dépend pour une grande part de l’étranger. Les importations - qui étaient de 1 750 000 tonnes en 1953 - se chiffraient à 2 900 000 tonnes en 1966 et à environ 4 000 000 de tonnes en 1971. La majeure partie de ces céréales est destinée à la préparation d’aliments pour le bétail, néanmoins, 1 500 000 tonnes servent à la consommation humaine et à l’industrie.

Il n’y a guère, le rôle de la SNCB pour ce genre d’importation était fortement limité. Les fournisseurs les plus importants de la Belgique étaient alors le Canada, l’Argentine et les Etats-Unis ; et sur notre territoire, la navigation fluviale relaya le transport par mer.

La création du marché agricole au sein de la CEE a heureusement provoqué un renversement de situation. Bien que le tonnage livré par les Etats-Unis n’ait pratiquement pas diminué, c’est désormais la France qui a pris la tête du peloton des fournisseurs, grâce à l’accroissement de la consommation de céréales dans notre pays, et il n’y a plus que 25 % de l’approvisionnement total de la Belgique en provenance des Etats-Unis.

Au trafic transatlantique est venu s’en ajouter un autre, entièrement nouveau, entre la France et notre pays (et vers la Hollande via nos régions).

Malgré la concurrence aiguë de la navigation fluviale, le chemin de fer a pris l’offensive sur ce marché.

Non sans succès du reste, puisque l’importation de céréales par fer est passée de 12 000 tonnes en 1967 à 526 000 tonnes en 1972. Pourquoi d’ailleurs les exportateurs français supporteraient-ils les frais coûteux de transbordement de camion sur bateau, alors que le chemin de fer propose des transports directs à l’aide de wagons-trémies qui conviennent tout à fait au transport des céréales, en les garantissant des intempéries ? En sus, nos tarifs sont stables, à l’inverse des taux de fret de la navigation fluviale qui, pour diverses raisons, sont sujets à fluctuations.

Il existe à Gand Maritime un centre de réception et de distribution de grains de capacité immense. Le chargement aussi bien que le déchargement s’y font selon des méthodes automatiques modernes qui permettent le stockage de quantités énormes en un temps record (1 000 tonnes à l’heure).

L’extension extraordinaire de notre transport de céréales durant les dernières années ne constitue qu’un début. Pour 1980, on peut envisager que le trafic des céréales s’établira environ à 1 200 000 tonnes.

Ces quelques considérations auront démontré, nous l’espérons, que le transport par fer est en pleine évolution. On note actuellement une diversification des marchandises présentées au transport plus grande que dans le passé.

Les dernières années ont prouvé la capacité qu’a le chemin de fer de s’adapter au chargement dans les secteurs les plus dynamiques de l’industrie. Il n’est donc pas exagéré de conclure que l’expansion ultérieure de ces secteurs ira de pair avec un nouvel accroissement du trafic ferroviaire.

Cet article a, bien sûr, été rédigé avant la crise du pétrole, et reprendra toute sa valeur lorsqu’elle aura été résorbée...


Source : Le Rail, janvier 1974