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Le chauffage du matériel à voyageurs

P. Frenay, ingénieur en chef.

mercredi 7 juillet 2010, par rixke

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On estime que la valeur optimale de la température de l’air se situe normalement aux environs de 20° C, pour autant que la température des parois soit presque partout la même et qu’il n’y ait aucun déplacement d’air sensible. Il ne s’agit là que d’une valeur relative. Une enquête menée auprès de plus de 10.000 individus placés dans des conditions d’ambiance comparables a, en effet, montré qu’aucune température comprise entre 16° C et 22° C n’arrivait à contenter tout le monde, qu’aucune température n’a été trouvée neutre par plus de 47 % des individus, que 7 % de ces individus ont trouvé chaude une température de 16° C et que 1,5 % d’entre eux ont trouvé froide une température de 22° C.

La température des parois est un élément essentiel du confort. Elle conditionne la température de l’air, celui-ci devant être d’autant plus chaud que les parois sont froides et vice versa. Mais l’obtention du confort par des couplages corrects de la température de l’air et de celle des parois n’est possible que dans certaines limites définies approximativement par la surface hachurée du diagramme ci-dessus. Sur ce diagramme, on voit, par exemple, que, pour une température ta de l’air de 20° C, le confort n’est assuré que si la température des parois tp se situe entre 18° C et 28° C et que, d’autre part, une température des parois de 10° C exigerait une température de l’air d’environ 30° C.

L’humidité relative de l’air ne doit pas descendre en dessous de 30 % quand l’air est pur ; il est conseillé de la porter à 50 % pour de l’air souillé (fumée de tabac, poussières, etc.). Elle ne doit toutefois pas atteindre une valeur excessive sous peine de provoquer une chaleur étouffante.

L’air en mouvement donne une impression de froid d’autant plus intense que sa vitesse est élevée ; cela revient à dire qu’il faut hausser la température de l’air au fur et à mesure que sa vitesse de déplacement augmente. On estime que, pour réaliser un confort maximal, la vitesse de déplacement de l’air ne doit pas dépasser 0,2 m/sec, qu’il s’agisse d’un mouvement d’ensemble ou de courants d’air localisés.

La solution la plus parfaite pour assurer le confort est le conditionnement d’air. Dans ce cas, on envoie de l’air en quantité voulue, à la température voulue et, en cas de conditionnement complet, à degré d’humidité contrôlé. La quantité d’air à envoyer est basée sur l’exigence que chaque personne doit, pour bien faire, disposer de 20 m³ d’air frais par heure.

Mais, le plus généralement, on se contente du chauffage, le renouvellement de l’air étant assuré par aération naturelle ou forcée et l’humidification éventuellement assurée par des dispositifs d’appoint.

 Application ou domaine ferroviaire.

En Europe, le conditionnement d’air dans le matériel ferroviaire est d’un usage très limité. On ne compte actuellement que quelques centaines de voitures équipées ; et encore s’agit-il presque exclusivement de voitures de trains spéciaux à confort poussé, de voitures-restaurants ou de voitures-lits. Il faut en voir la raison dans le fait que, contrairement à d’autres régions du globe, le climat moyen de l’Europe ne justifie l’usage de la climatisation que pendant un nombre relativement faible de jours par an (variable d’ailleurs avec les régions). En revanche, l’installation de la climatisation entraîne des charges supplémentaires au point de vue de l’équipement, de l’entretien, de la consommation d’énergie et du poids.

La réalisation d’un chauffage confortable d’une voiture de chemin de fer pose des problèmes nettement plus complexes que la réalisation du chauffage d’un bâtiment courant.

On exige du chauffage d’une voiture que la température des compartiments soit correctement répartie et qu’elle reste sensiblement constante et égale à la valeur choisie, et cela par toute température extérieure comprise entre + 20° C et - 20° C, et pour toute vitesse comprise entre 0 et 140 ou 160 km/h, quelles que soient les circonstances d’occupation ou autres.

Ces exigences, très dures par elles-mêmes, sont encore aggravées par certaines particularités.

La puissance de chauffe peut varier fortement. Ainsi, en chauffage électrique, on utilise à la S.N.C.B. la tension de caténaire. Cette tension, dont la valeur nominale est de 3.000 volts, varie en fait entre les limites approximatives de 2.800 et 3.600 volts, ce qui fait que la puissance d’un radiateur (qui est proportionnelle au carré de la tension) peut varier dans le rapport de 1 à 1,65.

Le degré d’occupation du véhicule modifie sensiblement les apports calorifiques. Ainsi, un compartiment de 8 places disposant d’une puissance installée nominale de chauffe de 2 kW voit cette puissance portée à 2 + (8 X 0,115) = 2,920 kW quand il est pleinement occupé, ce qui correspond à une augmentation de la puissance de chauffe de 46 %, lesquels 46 % sont indépendants de toute régulation. Certaines voitures de la S.N.C.B., préchauffées à 18° C avant le premier départ en période de temps doux et pleinement occupées dès le départ, continuent à s’échauffer, tout chauffage coupé et sous le seul effet de l’occupation, à tel point que la température y devient finalement insupportable sans une ventilation intense.

Dans une voiture de chemin de fer, la répartition de la chaleur est rendue difficile en raison de l’exiguïté des locaux, en raison du peu de liberté dans le choix de la forme et de l’emplacement des sources de chaleur, en raison des exigences de l’aération, en raison de la gêne apportée à la transmission de la chaleur par l’occupation plus ou moins importante des compartiments, en raison des perturbations plus ou moins fréquentes apportées par l’ouverture des portes et des fenêtres, etc.

Dans une voiture de chemin de fer, chaque voyageur dispose d’un volume d’environ 1,5 à 1,75 m³. Si on veut fournir à un voyageur 20 m³ d’air frais par heure, ce qui est considéré comme un minimum par les hygiénistes, il faut renouveler de 11 à 12 fois par heure le volume d’air local de la voiture, sans créer des courants d’air sensibles pour les voyageurs.

Enfin, en cours de route, les véhicules peuvent traverser, à des intervalles relativement courts, des situations très diverses (vitesse, température extérieure, vitesse et direction du vent, intempéries, « ensoleillement », enneigement, etc.) susceptibles d’influencer fortement leur niveau thermique intérieur.

Nous verrons, dans un prochain article, comment on peut résoudre toutes ces difficultés d’une façon plus ou moins parfaite.

Il faut toutefois signaler que le chauffage, si bon soit-il en lui-même, ne peut donner le confort voulu si la voiture n’est pas bien isolée thermiquement et si elle n’est pas étanche. En effet, une isolation thermique insuffisante ne permet pas de porter les parois à une température suffisante, tandis qu’un manque d’étanchéité provoque des courants d’air qui emportent des calories et donnent une impression de froid aux voyageurs qu’ils atteignent.


Source : Le Rail n° 112, décembre 1965