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Des wagons spéciaux pour vendre plus de T/KM

T. Van Rompaey, ingénieur principal.

mercredi 14 juillet 2010, par rixke

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 Un service d’ « avant vente ».

En vue de réduire le facteur « manutention », il faut évidemment d’abord aller voir quelles sont les marchandises à transporter et comment elles sont manutentionnées du magasin vers le wagon. Des contacts techniques très suivis entre le rail et l’industrie sont indispensables pour étudier avec le client l’opération terminale. Dans l’intérêt du rail aussi, il faut tâcher de réduire au minimum la manutention afin d’agir sur le temps total pendant lequel le wagon spécial est retenu chez le client.

Le transporteur, qui a terminé sa tâche dès que la marchandise est arrivée en bon état dans les magasins du destinataire, n’a pas besoin d’un service d’ « après vente », mais, en revanche, il a besoin d’un très bon service technique d’ « avant vente ». Il faut pour cela des techniciens qui connaissent les possibilités de chaque wagon et de tous les appareils de manutention, des spécialistes du marché et des spécialistes en calcul de prix de revient. Que de détails à rassembler : la nature de la marchandise, son volume, son poids, le procédé d’emballage, le calage et l’arrimage, le chargement, la manutention du magasin au wagon et du wagon au magasin ! Tous ces éléments sont nécessaires à la conception du wagon adéquat et au calcul du prix de revient total.

Wagons couverts autodéchargeurs à toiture ouvrable, destinés au transport de tous produits granulés qui craignent l’humidité : engrais chimiques, sable moulu et séché, choux en roche, sucre brut...

En conclusion, nous ne pouvons plus nous permettre de nous limiter à ne vendre que des tonnes-kilomètres, nous devons tous apprendre à vendre du « service de transport complet ».

 Nos atouts.

Au point de vue de la sécurité et de la régularité, le rail, même plus cher parfois, peut devenir nettement compétitif par rapport à la route. L’industriel sait que la route est encombrée et meurtrière [1], alors que le rail offre une sécurité quasi absolue.

Quant à la productivité proprement dite, le rail est le moyen de transport qui est marginalement le plus avantageux pour le pays (voir l’article « Rail-route ou le débat interdit », paru dans notre numéro de juin).

Au point de vue international, le trafic concerne des quantités considérables et des grandes distances. Cela exige une organisation, et celle-ci existe depuis longtemps dans les Chemins de fer. Mais l’ouverture de nouvelles routes à travers les Alpes, l’amélioration générale des voies de grandes communications ainsi que les mesures de libération du Marché commun vont faciliter le trafic international sur route. Quoi qu’il en soit, pour les échanges internationaux, le rail jouira encore de la préférence parce qu’il est le moyen le plus apte aux transports rapides de masses sur de longues distances.

Si la voie d’eau dispose d’une sphère d’activité pour laquelle elle est le mieux armée, c’est bien le transport par masse. Cependant, pour certains produits transportés hier par la voie d’eau, celle-ci est devenue trop lente : trop de matières premières sont en cours de route, donc trop de stock immobilisé, trop de capital investi, non productif.

Nous sommes entrés dans l’ère des moyens de transport rapides et de la politique des stocks faibles. Lors de la recherche du prix de revient par l’industriel, tous ces facteurs sont introduits dans son étude.

Le transport idéal est celui qui ne serait plus qu’une des chaînes de la fabrication du produit, comparable à la chaîne principale et à ses sous-chaînes, une bande transporteuse du fabricant au client. Cela se pratique déjà avec les trains spéciaux qu’on appelle trains-cargos, véritables bandes transporteuses de 300 m de longueur qui peuvent relier deux points éloignés de plusieurs centaines de kilomètres sans s’arrêter pour charger ni pour décharger.

 Quels wagons faut-il ?

Si on jette un regard sur les commandes de construction des wagons en Europe et en Amérique, on voit que le wagon classique a vécu parce que sa conception traditionnelle « tous services, capable de transporter dans les deux sens » sera bientôt dépassée.

Aujourd’hui déjà, le wagon classique reste souvent immobilisé dans l’attente d’un chargement de retour.

Un wagon-tombereau qui a transporté des immondices est-il disponible pour charger au retour du charbon en vrac ? Les charbonniers établis dans nos gares exigent que ce wagon soit nettoyé complètement avant d’être chargé dans nos charbonnages. Ce wagon, après avoir transporté du charbon, est-il bon pour le transport du sable brut ? Non : les clients désirent un wagon propre. D’ailleurs, le sable brut se transporte de moins en moins ; le client exige du fournisseur qu’il soit d’abord traité. Ce sont de tels facteurs qui nous ont obligés à transporter le sable traité dans des wagons à vidange pneumatique. Le client n’en veut plus d’autres. Or, le charbon, le sable et les calcaires constituent presque les seules matières premières qu’on trouve dans notre pays.

Wagon autodéchargeur à très grand volume et à dos d’âne pour transporter du coke métallurgique.

Nous en sommes arrivés à l’ère des wagons spécialisés :

  • caractérisés par leur chargement et leur déchargement faciles, rapides, demandant un minimum d’engins et d’installations fixes ;
  • conçus de telle façon que le calage et l’arrimage de la marchandise chargée puissent être réduits eux aussi au minimum.

Ces wagons sont de différents types : wagons surbaissés de fort tonnage, wagons-citernes à vidange pneumatique, wagons-trémies autodéchargeurs à débit réglable, wagons à toiture amovible et parois coulissantes, wagons avec superstructure en forme de plusieurs V pour transporter des rouleaux de tôle, wagons réfrigérants, frigorifiques et isothermes [2]...

Laalp
Wagon à quatre essieux indépendants à empattement très court pour le transport de rouleaux de tôles très lourds (jusqu’à 27 t par rouleau), calés automatiquement entre les deux joues d’un berceau.

Voilà pourquoi il est tout indiqué, au moment où la Société se voit dans l’obligation de remplacer les wagons vétustes, de construire des wagons spéciaux qui contribuent davantage à réduire le coût des opérations terminales tant pour elle-même que pour ses clients.


Source : Le Rail n° 120, août 1966


[1En Belgique, par an : 2.000 tués, 85.000 blessés, dont 15.000 gravement, 7 a 8 milliards de dégâts matériels ! Aux USA., la route fait plus de victimes que la guerre au Vietnam.

[2La qualité de certains aciers est telle que leurs transports doivent être parfaitement protégés contre l’humidité ; pas question de bâche : elle serait humide du côté intérieur ; pas question de wagon fermé à toiture amovible : il se poserait des problèmes de condensation ; pas question non plus de wagon fermé ordinaire : il faudrait un emballage Imperméable, tris onéreux en frais de location et de main-d’œuvre ; il faut donc un wagon isotherme... et cela pour transporter de l’acier !