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Notre chantier de créosotage
S. Van Winghem, ingénieur principal V.
lundi 19 juillet 2010, par
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Le problème : empêcher la pourriture des traverses
Le réseau des voies principales de la S.N.C.B. comporte environ 12 millions de traverses, dont 10,5 millions en bois. Chaque année, à l’occasion des travaux de renouvellement et d’établissement, il est posé quelque 600.000 traverses en bois neuves dans les voies, ainsi que 75.000 pièces de bois de dimensions diverses, sous les appareils de voie [1].
Les essences employées sont, en principe, le chêne et le hêtre, essences dures, résistant très bien aux lourds efforts auxquels elles sont soumises.
Si les traverses étaient posées dans l’état où nous les achetons, c’est-à-dire sous la forme de bois « blanc » [2], elles pourriraient vite et devraient être remplacées beaucoup plus tôt. Il s’agit donc d’empêcher la pourriture, due à l’action de champignons qui se nourrissent du bois. Pour vivre et se développer, ces champignons doivent disposer de nourriture et d’air ; ils doivent aussi se trouver dans certaines conditions d’humidité et de température.
La solution : empoisonner les champignons
Comme il nous est impossible d’influencer ces dernières conditions, nous sommes obligés d’empoisonner les champignons par un produit chimique : la créosote. C’est un mélange d’huiles lourdes, obtenues par la distillation du goudron de houille, que nous trouvons à bon compte dans notre pays. Elle pénètre facilement dans le bois, n’est pas délavée par les eaux de pluie, ne se volatilise pas sous l’influence des rayons solaires et possède, en outre, dans une certaine mesure, la propriété de lier les fibres de bois, c’est-à-dire de s’opposer au fendillement.
Le créosotage est une opération très délicate ; pour être efficace, il ne peut être effectué que sur des traverses suffisamment sèches. Le temps nécessaire au séchage préalable est de six mois environ pour le chêne et d’un an pour le hêtre.
Comme il est très difficile de contrôler après coup la bonne exécution du créosotage, la Société a décidé de créosoter les traverses dans ses propres installations. Le chantier est situé à Wondelgem, près de Gand.
Le stockage
Lors de leur arrivée au chantier, les traverses sont stockées en « piles ouvertes », c’est-à-dire en couches superposées et croisées, mais non jointives, de façon que l’air circule et que le séchage soit satisfaisant.
En séchant, le bois a tendance à se fendiller. Pour éviter cet inconvénient, les extrémités des traverses sont munies soit d’agrafes métalliques, en forme de S, chassées au marteau (dans le chêne), soit de boulons que l’on peut resserrer (dans le hêtre).
L’entaillage et le forage
Après séchage, les traverses sont entaillées et forées. On prépare la surface sur laquelle le patin du rail (ou la selle métallique intercalaire) viendra reposer (c’est l’entaillage), et on perce des trous dans lesquels les tire-fond de fixation du rail ou de la selle seront vissés (c’est le forage).
Ces deux opérations sont effectuées avant le créosotage ; ainsi, plus tard, la couche protectrice ne sera pas endommagée, et on facilite en même temps la pénétration de la créosote dans le bois.
Le chantier dispose de trois entailleuses-perceuses automatiques, desservies par une chaîne sans fin, à taquets d’entraînement, qui amène les traverses aux machines.
Le créosotage
Un dispositif automatique d’évacuation, situé du côté opposé des entailleuses-perceuses, mène les traverses préparées dans des wagonnets circulant sur une voie à écartement réduit. Ces wagonnets ont une forme spéciale, adaptée à celle du cylindre de créosotage. Un câble, qui s’enroule sur un cabestan électrique, amène les wagonnets dans le cylindre de créosotage.
Source : Le Rail, mars 1957
[1] Nous n’employons dans la suite que le terme « traverses », étant entendu que les pièces de bois sont soumises aux mêmes traitements que les traverses.
[2] On entend par « traverses blanches » des traverses « non créosotées », par opposition à « traverses noires » ou « créosotées ».