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AC Salzinnes

L. Gillieaux

lundi 20 septembre 2010, par rixke

Chaque jour, plusieurs centaines de milliers de personnes prennent le train. Bien peu se doutent de l’organisation complexe qui règle le bon fonctionnement de tous ces convois. Et ils sont encore moins nombreux à savoir que, derrière la scène ferroviaire, nombre de spécialistes s’occupent des locomotives et des voitures ou des automotrices qui composent leur train.

Diverses opérations d’entretien ou de réparation sont en effet exécutées sur le matériel ferroviaire, pour assurer sa fiabilité et offrir aux voyageurs le meilleur niveau de confort possible. Selon leur nature, ces interventions sont effectuées dans des unités plus ou moins importantes, Les deux plus grandes de celles-ci sont Malines et Salzinnes, La première s’occupe de l’entretien à long terme des automotrices et des voitures tandis que la seconde exécute les mêmes opérations sur toutes les locomotives.

Intéressons-nous en deux temps à ces grandes unités chargées d’assurer une longue vie au matériel ferroviaire tout en l’adaptant régulièrement aux exigences d’un chemin de fer moderne, tourné vers la qualité et la performance.

Une unité performante au service du rail

 Continuité et évolution

Tout au long de son histoire, Salzinnes s’est chargé des interventions « lourdes » sur les locomotives. En effet, lors de sa construction sur les bords de la Sambre, à la périphérie ouest de Namur, l’atelier de Salzinnes a d’emblée été destiné à la réparation des locomotives à vapeur et à la fabrication de pièces de rechange, à l’inverse des entretiens courants et des petites interventions sur les locomotives, assurées dans les différents dépôts ou remises répartis sur le réseau.

L’atelier s’est développé progressivement avec, entre autres, en 1925, la construction d’un grand hall destiné aux opérations de chaudronnerie.

Après la Seconde Guerre mondiale, Salzinnes s’est tourné, étape par étape, vers les nouveaux modes de traction qui faisaient leur apparition sur le réseau. C’est ainsi que la maintenance des locomotives diesel a commencé à être assurée en 1955, tandis que le dernier grand entretien d’une locomotive à vapeur était effectué en 1965.

La construction d’un grand hall a ensuite eu lieu en 1970, pour rationaliser la manutention des engins traités. Ce hall, long de 200 m à l’origine et ensuite porté à 250 m, est équipé d’un pont roulant de 100 tonnes permettant le transfert, assez impressionnant, des caisses de locomotives. C’est là que se réalisent les opérations de démontage initial et de remontage final des locomotives.

Un bâtiment spécifique pour le personnel et les activités sociales a été construit en 1975 pour accueillir des salles de cours, des vestiaires et le restaurant d’entreprise, ouvert aux 950 cheminots travaillant dans les installations. Actuellement, l’atelier occupe, au total, une superficie de 21 hectares, dont 7 bâtis. Des adaptations sont encore apportées aux installations, en fonction de l’évolution des besoins et des opérations d’entretien à réaliser.

 Les interventions lourdes sur les locomotives

Durant sa vie, le matériel ferroviaire fait l’objet de diverses interventions, réparties, selon leur nature, entre différents cycles périodiques qui se superposent.

Cycles d’entretien préventif

Dans le cadre des opérations destinées à garantir la sécurité des engins de traction et à en assurer le plus haut niveau de fiabilité possible, on distingue, par ordre croissant :

  • La visite approfondie, qui est effectuée au moins tous les 24 jours et qui comprend nombre de contrôles de divers organes ;
  • L’entretien courant qui s’applique pour l’essentiel des opérations de contrôle reprenant les précédents ainsi que d’autres et s’effectuant bimestriellement ;
  • Les travaux périodiques, qui comprennent des interventions plus importantes sur certains organes des engins : équipement moteur, bogies, suspension, etc. Selon la nature des organes et le type de travail à exécuter, la périodicité d’intervention varie entre 3 mois et 2 ans.
  • Les interventions lourdes de remise en état quasi-complète, qui comportent elles-mêmes plusieurs degrés et périodicités selon l’importance de l’intervention (révision générale, intermédiaire, etc.)
La visite approfondie se fait tous les 24 jours

Les trois premières catégories d’interventions sont exécutées dans les unités de maintenance courante (ateliers de traction), réparties sur le réseau. Par contre, les opérations relevant de la quatrième catégorie sont assurées par des unités spécialisées, dont Salzinnes pour les locomotives.

La maintenance à long terme des locomotives à Salzinnes

Salzinnes prend en charge les opérations lourdes suivantes :

  • Les révisions générales, qui sont une remise à neuf quasi complète de la locomotive. Pour les engins de « ligne », ces opérations sont réalisées après un parcours variant entre 0,9 et 2,5 millions de km. Selon les types de locomotives, ces opérations peuvent nécessiter entre 3 000 heures (locomotives électriques) et 7 000 heures de travail (locomotives diesel) ;
  • Les révisions intermédiaires, qui concernent certains organes devant faire l’objet d’interventions selon un cycle inférieur à celui de la révision générale ;
  • Les levages de caisse, applicables à des engins ayant relativement peu circulé depuis leur mise en service ou une intervention précédente mais pour lesquels une nouvelle intervention importante est nécessaire, spécialement au niveau de la caisse de l’engin. Entrent dans cette catégorie les réparations à la suite d’un accident d’exploitation, comme une collision à un passage à niveau, etc.

 Chaînes principales et auxiliaires d’interventions

En résumant très fort l’organisation des interventions, on peut dire que celles-ci s’effectuent selon une même succession d’opérations touchant les divers sous-ensemble constitutifs de la locomotive.

On trouve ainsi, l’un après l’autre : le démontage, le nettoyage, l’inspection qui conduit au diagnostic de réparation ou de remplacement, la réparation elle-même, le remontage et l’essai. Au-delà du démontage général de la locomotive, cette séquence générale s’applique également à tous les éléments constitutifs de l’engin : caisse, bogies, moteurs diesel, équipements de transmission, moteurs électriques de traction, systèmes de freinage, équipements auxiliaires, etc.

Dans cette optique, autour de la chaîne principale de montage et de démontage située dans le « grand hall 8 », s’articulent toute une série de sous-chaînes occupant divers bâtiments et ateliers : tôlerie, moteurs diesel, bogies, transmissions, « machines tournantes électriques » - entre autres pour les réparations des moteurs électriques et des génératrices des locomotives (rectification du collecteur, rebobinage, etc.) -, atelier « des relais », s’occupant de la partie électrique « basse tension » des locomotives,...

S’ajoutent à cela des services spécialisés, comme le laboratoire d’électronique et ceux chargés des essais et mises au point après réparation et remontage ou encore, ceux responsables de certaines fabrications spécifiques aux besoins de l’atelier.

 Equipes d’organisation

En amont des techniciens agissant dans les chaînes et les ateliers spécialisés, interviennent aussi les équipes chargées des études, de la définition des méthodes d’intervention et de leur planification. En fonction des caractéristiques connues des engins, des informations disponibles et des expertises concrètes avant travaux, ces équipes déterminent de façon détaillée les méthodes d’intervention optimales en vue d’atteindre le résultat de haute qualité voulu dans un contexte d’utilisation rationnelle et économique des moyens. Dans nombre de cas, ces tâches constituent de vrais défis car s’il existe certaines références générales, l’état concret du matériel peut varier très fort d’un engin à l’autre et réserver des surprises. Il faut alors faire preuve d’adaptation et de créativité dans le respect de la sécurité et de la qualité tout en veillant à la maîtrise des coûts.

 130 locomotives par an

Grâce à l’excellente collaboration qui règne entre les équipes chargées des études ainsi que des méthodes et celles qui exécutent les opérations, les cheminots de Salzinnes mettent un point d’honneur à mener à bien ces missions délicates et difficiles. Leur savoir-faire leur permet de traiter des catégories de locomotives très différentes les unes des autres tout en maintenant un rythme de production élevé. En effet, ce ne sont pas moins de 130 locomotives qui sortent en moyenne, chaque année, des ateliers, soit de 2 à 3 par semaine. Et grâce à la cure de jouvence dont elles ont bénéficié, elles sont à nouveau prêtes à parcourir des centaines de milliers de kilomètres au service de la SNCB et de ses clients.

 Un large éventail d’autres activités

À côté des opérations liées au grand entretien des locomotives, Salzinnes a été amené à développer d’autres activités, naturellement ou fonctionnellement proches des premières mais qui, dans plusieurs cas, sont aussi très utiles à d’autres services de la société ou encore, font l’objet de commercialisations intéressantes pour la SNCB.

 Fabrication et stockage

Dans ce cadre, Salzinnes étudie et réalise la fabrication de diverses pièces de rechange spécifiquement ferroviaires, telles que des essieux - qui sont forgés sur place -, des sections d’induit des moteurs de traction, les dispositifs « Memor » permettant une répétition des signaux en cabine et leur mémorisation. Il en assure également la maintenance périodique, la réparation ou le reconditionnement.

Il fabrique aussi certains outillages accessoires, comme les élingues (câbles permettant de soulever des pièces ou objets à l’aide d’une grue) pour les divers services de la SNCB, des appareils de mesures spécifiques ou encore, les calibres permettant les diverses mesures de contrôle des roues, bandages, etc. Certaines de ces pièces comme bien d’autres sont prises en dépôt par l’atelier, qui gère de façon moderne un stock très important de pièces - près de 50 000 pour environ 10 000 mouvements par mois, d’une valeur globale de près de 1,7 milliard de francs - en vue de les délivrer très rapidement aux divers services consommateurs, tant à Salzinnes qu’ailleurs sur le réseau.

 Electronique

Salzinnes suit aussi les développements des technologies modernes dont, tout spécialement, l’électronique pour en déterminer les applications optimales dans les activités de l’atelier. Le secteur des études électroniques réalise ainsi la mise au point ou le perfectionnement d’appareils et d’outillage où interviennent des circuits de commande ou de mise en œuvre comportant nombre de composants électroniques.

Mais ce service développe aussi des applications spécifiques, telles que l’étude d’un système de veille automatique visuelle sur les tableaux de bord des engins de traction. Et il a également, avec d’autres services de l’atelier, assuré la mise au point d’un simulateur de conduite qui peut être présenté comme actuellement le plus performant d’Europe ! (Voir Le Rail de juin 96).

 Contrôles divers

En liaison avec ses missions, Salzinnes réalise aussi toute une série de contrôles de qualité et de sécurité sur le matériel en service ou sortant de révision. Les spécialistes opèrent ainsi des contrôles par ultra-sons permettant de détecter d’éventuelles fissures sur des éléments constitutifs de roues, sur des châssis de locomotives ou encore, par exemple, sur certaines pièces constitutives des moteurs diesel.

Salzinnes dispose de deux bancs d’essai

En outre, l’atelier dispose d’un laboratoire réalisant des analyses spectrographiques des huiles utilisées dans les moteurs des locomotives diesel. Les résultats de ces analyses permettent de déterminer le degré de fatigue ou d’usure de certaines pièces du moteur et, partant, de préconiser certaines interventions avant que ne surviennent des avaries.

Ces analyses sont également réalisées pour les locomotives des chemins de fer luxembourgeois et marocains.

Dans ce domaine, Salzinnes possède aussi deux bancs d’essai : l’un pour les moteurs diesel, l’autre pour les moteurs électriques. Dans des installations très performantes et particulièrement insonorisées (cela se comprend !), on y réalise, jusqu’à des hauts régimes, les mesures et contrôles de performances des divers moteurs révisés.

 Réalisations spéciales

Fort des compétences de son personnel et de son équipement de près de 4 000 machines de travail, Salzinnes démontre aussi son savoir-faire dans nombre de réalisations spéciales.

Explorant certaines voies nouvelles, l’atelier affirme ainsi son existence et ses capacités à répondre à des demandes nouvelles et variées, qui pourraient compléter et assurer ses possibilités d’avenir, dans un monde toujours en évolution.

Dans ce contexte, l’atelier construit des sièges confortables et visuellement esthétiques mais néanmoins extrêmement robustes. Leur réputation est telle qu’ils ont aussi fait l’objet de commandes à titre de mobilier urbain à l’extérieur de la SNCB ! Salzinnes fabrique aussi, entre autres, les porte-affiches horaires que l’on voit de plus en plus dans nos gares. Il peut encore réaliser à façon une variété quasiment infinie de découpes de tôles allant jusqu’à une épaisseur de 15 mm grâce à sa machine découpeuse laser à commande numérique.

L’atelier réalise des découpes de tôles

Toujours dans le domaine des fabrications spéciales, il faut encore souligner que Salzinnes a pris en charge l’usinage (forage et soudures) des poutrelles qui ont été utilisées pour le renforcement du pont de Visé, grâce auquel l’important trafic de fret circulant sur la ligne 24 (Glons -Montzen) franchit la vallée de la Meuse.

 Investir pour l’avenir

Salzinnes ne fait pas que vivre au présent. L’avenir se prépare sans cesse et des investissements sont projetés afin de renouveler et moderniser l’outil ou encore, d’améliorer les conditions de travail, la sécurité et le respect de l’environnement. Dans cette optique, des investissements de modernisation sont prévus au magasin aux fers et à la forge, au hall de la sous-chaîne « tôlerie », à l’atelier des roues avec le remplacement du tour à roues existant par un nouvel équipement plus performant. Les opérations de renouvellement concerneront quant à elles des auto-élévateurs, des portes de halls, des équipements de chauffage.

En matière de sécurité et d’environnement, les investissements porteront entre autres sur les moyens de manutention (ponts roulants, élévateurs à bogies,...) et l’adaptation de machines-outils ; l’insonorisation et l’aspiration des fumées au stand « tôlerie » ; l’équipement pour le traitement des eaux industrielles ; le remplacement des cuves de nettoyage chimique par des installations de lavage à eau chaude avec des détergents alcalins ; des dispositifs de surveillance incendie ; un programme d’utilisation rationnelle de l’énergie incluant notamment une gestion centralisée de l’éclairage et du chauffage.

Salzinnes s’adapte ainsi en permanence pour assumer ses missions de la façon la plus performante possible, dans un monde très ouvert et fort difficile. Dans le même temps, on anticipe l’avenir à long terme, en songeant déjà au moment où l’atelier devra prendre en charge le gros entretien des futures locomotives bitension à hautes performances, appartenant à la série 13 et dont la SNCB a commandé 60 exemplaires, de même que les opérations similaires sur les futures locomotives de manœuvres ainsi que sur les parties moteur et mécanique des futurs autorails.