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L’évolution de la technique

Phil Dambly.

mercredi 4 mai 2011, par rixke

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 Soupapes de sureté.

Pour prévenir l’inattention éventuelle du mécanicien, deux soupapes de sûreté libèrent, chacune séparément et automatiquement, la vapeur de la chaudière quand la pression dépasse un certain chiffre. Ce chiffre se nomme le timbre et varie selon les types de locomotives. Il atteignait 18 « atmosphères », soit 18 kg par cm2, dans les types 1 et 12.

 Alimentation.

Pour alimenter la chaudière en eau, on utilise les injecteurs ou les pompes. Les injecteurs ne comportent aucune pièce mécanique. Leur fonctionnement est basé sur la condensation d’un jet de vapeur dans l’eau froide venant du tender, qu’il entraine à la vitesse de 40 mètres à la seconde. Ce mélange d’eau et de vapeur est ralenti dans une tuyère divergente, ce qui a pour effet d’augmenter sa pression. Celle-ci est portée à une valeur supérieure à la pression de la chaudière, dans laquelle le mélange s’engouffre en soulevant un clapet.

Principe de l’injecteur Gresham
  1. chaudière ;
  2. chemin parcouru par la vapeur ;
  3. conduite d’eau froide du tender ;
  4. trop-plein ;
  5. point de condensation ;
  6. eau projetée à grande vitesse dans la chaudière ;
  7. soupape de retenue.

L’injecteur a été inventé, en 1858, par le Français Giffard. Les injecteurs Giffard, Gresham, Rongy, montés sur les machines belges, utilisaient la vapeur de la chaudière. En 1922, on appliqua l’injecteur Davies & Metcalfe, à vapeur d’échappement, dont la grosse conduite était visible sous le tablier des locomotives.

Les pompes d’alimentation, qui aspirent l’eau du tender et la refoulent dans la chaudière, sont souvent combinées avec des réchauffeurs d’eau. Ceux-ci fonctionnent par le mélange de l’eau venant du tender avec la vapeur d’échappement. Le réchauffeur français A.C.F.I. (Auxiliaire des Chemins de Fer et de l’Industrie), utilisé en Belgique, est constitué par un ensemble de deux corps cylindriques jumelés, placés au-dessus de la chaudière, derrière la cheminée. Le premier de ces corps est une chambre de mélange raccordée à l’échappement par un tuyau qui capte la vapeur vive. Celle-ci est mélangée à l’eau froide, envoyée là par la pompe qui l’a aspirée dans le tender. L’eau ainsi réchauffée est envoyée dans le réservoir constitué par le second corps cylindrique. De là, elle est prélevée par une autre pompe qui l’envoie dans la chaudière.

Schéma d’ensemble simplifié d’un réchauffeur A.C.F.I.
A, prise de vapeur pour le cylindre actionnant les pompes ; B, régulateur d’admission ; C, arrivée d’eau du tender ; D, crépine (filtre) d’aspiration ; E, pompe à eau froide ; F, cylindre à vapeur ; G, pompe à eau chaude ; H, introduction de l’eau chaude dans la chaudière ; I, régulateur de niveau ; J, réservoir d’eau chaude ; K, chambre de mélange eau-vapeur d’échappement ; L, eau réchauffée ; M, régulateur de température ; N, volet de captation de vapeur ; O, colonne d’échappement.

Un cylindre à vapeur actionne à la fois la pompe à eau froide et la pompe à eau chaude. Ces trois organes sont accouplés en tandem sur le tablier. L’adjonction de réchauffeurs d’eau donne une économie de combustible allant jusqu’à 8 %. Dès 1928, la plupart des locomotives de la S.N.C.B. et du Nord Belge ont été munies de l’A.C.F.I. Les types 29 d’origine canadienne étaient équipés de réchauffeurs américains Worthington.

 Puissance.

Une même puissance de locomotive peut se dépenser, soit à faire de la vitesse en développant un faible effort de traction (locomotives à voyageurs), soit à rouler moins vite en exerçant un grand effort de traction (locomotives à marchandises). L’effort de traction peut être d’autant plus grand que le diamètre des roues motrices est plus petit. C’est ce qui justifie les petites roues dont sont pourvues les machines à marchandises (1,35 à 1,50 m), comparées à celles des machines à voyageurs (1,70 à 2,10 m). Les locomotives mixtes, devant concilier l’exigence de la vitesse et celle de la force, sont munies de roues de 1,50 à 1,65 m.

La force d’une locomotive est caractérisée par son effort de traction maximal qui est limité par le poids adhérent, poids que supportent les essieux accouplés. La puissance est mesurée par le travail maximal que la locomotive peut accomplir en un temps donné résultant de la capacité de production de vapeur. Les locomotives à voyageurs, devant être puissantes, ont besoin d’une grande chaudière. Les locomotives à marchandises devant être fortes, le poids adhérent est primordial.

 Bissel et bogie.

Pour faciliter l’inscription des locomotives en courbe, on les munit à l’avant d’un essieu encadré dans un châssis spécial, rattaché à la machine de telle façon qu’il puisse s’orienter dans la direction du rayon de la courbe. Inventé par l’Américain Bissel, cet essieu articulé qui porte son nom fut adopté aux Etats-Unis en 1856.

Quand la vitesse maximale est supérieure à 100 km/h, l’avant de la locomotive est pourvu d’un bogie. Imaginé par Jervis, un autre Américain, c’est un chariot constitué d’un châssis indépendant de celui de la machine et qui encadre deux essieux à roues de faible diamètre. L’avant de la locomotive est rendu solidaire du bogie par un pivot qui pénètre dans une crapaudine placée au centre de ce dernier. Le bogie épouse les courbes avec aisance. Equipant des locomotives américaines dès 1834, il n’apparut en Europe qu’en 1862, sur le réseau anglais du Great Northern, d’où il gagna le continent. Il s’introduisit en Belgique, en 1898, avec les locomotives Mac Intosh type 17. Cependant, en 1844, l’Etat belge avait déjà utilisé une locomotive américaine à bogie sur la ligne de la Vesdre. Appelée « Olivier Evans », elle avait été construite chez William Norris, à Philadelphie.

Vers 1860, à l’exemple des Etats-Unis, l’ingénieur Vaessen, directeur de la Société Saint-Léonard, à Liège, anticipant sur son époque en Europe, entreprit la construction de locomotives à bogie qui furent livrées à l’Espagne. Trois machines similaires furent construites en 1865 pour le chemin de fer Liégeois-Limbourgeois. Deux autres exemplaires, fournis au chemin de fer Hesbaye-Condroz en 1867, ont été ensuite utilisés par l’Etat belge sous les numéros 1015 et 1016.

 Déflecteurs.

Depuis 1928, la plupart des locomotives belges ont été munies latéralement, à l’avant et des deux côtés de la boîte à fumée, d’écrans verticaux qui évitent le rabattement des fumées obstruant la vue du mécanicien. Légèrement convergents de l’avant vers l’arrière, ils sont orientés de chaque côté dans l’axe de la vitre frontale de l’abri. Ces écrans, ou déflecteurs, créent ainsi un courant d’air qui longe le corps cylindrique et refoule les fumées par-dessus l’abri du mécanicien. Les cheminots américains les ont surnommés « oreilles d’éléphant ».


Source : Le Rail, juin 1966.