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Impressions d’Inde

F. B.

mercredi 11 janvier 2012, par rixke

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 J’ai visité le Taj Mahal

Le Taj Mahal, à Agra (à 200 km. de Delhi), est un mausolée érigé en 1631, par le shah Jahan, à la mémoire de son épouse Mumtaz Mahal. Dans les guides touristiques, on définit le Taj comme suit : « le plus beau monument qu’on ait jamais élevé à l’amour et à la fidélité conjugale, un rêve de marbre conçu par les Titans et ciselé par des orfèvres ». C’est la stricte vérité. Il se dresse sur une terrasse qui domine la rivière Yamuna : un dôme principal, entouré de quatre dômes accessoires. Des quatre coins de la terrasse s’élèvent de sveltes minarets très légèrement inclinés vers l’extérieur du carré. Tout cela en marbre blanc. A l’intérieur, entourées d’une double cloison de marbre ajouré, deux tombes : celle de l’empereur et celle de son épouse.

J’ai vu le Taj en plein soleil. Je suis allé le revoir la nuit. La lune était presque pleine. Spectacle indescriptible : un château bâti par des fées...

 Bénarès

La ville sainte, établie sur une rive du Gange. Elle ne s’appelle plus Bénarès, mais Varanasi.

200 locomotives par an...

A la descente du train, on nous conduit d’abord à Sarnath, afin d’y visiter - beaucoup trop rapidement - le Musée archéologique et, ensuite, les lieux saints, où le Bouddha prononça ses premiers sermons, il y a 2.300 ans. C’est dans le musée qu’on peut voir le chapiteau aux lions qui surmontait le pilier d’Ashoka et qui est devenu le symbole de l’Inde, ainsi que des sculptures et des antiquités bouddhiques remarquables, de formes très pures.

Traversée de la ville pour aboutir aux fameux Ghats, ces pentes par lesquelles les fidèles descendent, soit pour se baigner dans le fleuve, soit pour conduire leurs morts au bûcher purificateur et au Gange. Spectacle inimaginable ! On dépasse un cortège précédé d’une fanfare bruyante : c’est un mort qu’on amène au bûcher. On dépasse un autre cortège, silencieux cette fois : c’est un mariage ! Une foule multicolore grouille dans les rues étroites : des marchands de toutes choses, des mendiants, des vaches, des chiens, des cochons et des éléphants, des artistes et des artisans, des prêtres et des pèlerins, des rickahaws, des taxis... Et tout cela fait un vacarme épouvantable.

Sortie tout droit des ateliers européens...

Descente au Dasaswamedh Chat. Un bateau rustique, manœuvré par quatre rameurs qui remuent lentement l’eau boueuse, nous permet de défiler devant les temples, les clochetons, les dômes, les bûchers et la mosquée d’Aurangzeb, qui s’étagent sur la rive escarpée. Un peu partout, des fidèles se baignent longuement dans le fleuve sacré et... sale. Pour la plupart des Habitants de l’Inde, le Gange constitue, en effet, la principale source d’inspiration religieuse, et on est d’ailleurs profondément impressionné par le spectacle que cela offre. Mais je n’ai pas touché au thé qu’on a servi sur le bateau : il avait une couleur de cendre...

Comme s’il avait honte de nous avoir montré ce tableau, le guide - parlant français - s’est empressé de nous conduire aux bâtiments de l’Université (une bibliothèque de 400.000 volumes) et au temple moderne de Shiva, aux lignes trop pures.

Des temples-grottes.

On insiste et finalement on obtient de pouvoir regarder aussi un temple plus ancien. Sur les toits, sculptés et raides, des singes font des miracles d’acrobatie pour attraper les noisettes qu’on leur jette.

 Le triage de Mughalsarai

Retour à la technique. La gare de triage de Mughalsarai se trouve à la jonction des Eastern et des Northern Railways, à environ 700 km. à l’ouest de Calcutta. Deux cent dix kilomètres de voies, quatre faisceaux principaux (l’un d’eux a 35 voies), 2.300 wagons par jour dans chacune des deux directions (un maximum de 5.111 wagons dans chaque direction en septembre 1959), 7.000 hommes au travail, des trains de 2.300 tonnes (charbon et acier). Il y a encore de beaux jours pour les chemins de fer en Inde !

On voit aussi, circulant librement dans les faisceaux, des vaches et des chevaux, des chèvres et des chiens, des ânes et... quelques singes. Au-dessus de tout cela : du soleil et du ciel bleu, dans lequel planent des rapaces.

Un train lourd est débranché sur la bosse. L’avant-dernier wagon a failli dérailler. On se croirait en Europe !

 Chittaranjan, ses ateliers et ses réalisations sociales

Après avoir passé une journée à Chittaranjan, on peut se demander ce qu’il faut admirer le plus : la puissance de fabrication de cet ensemble, qui sort 200 locomotives à vapeur par an, ou l’accumulation des réalisations sociales édifiées à l’usage des cheminots et de leurs familles ? II y a dix ans, Chittaranjan, c’était la jungle. On y a construit des ateliers immenses, des écoles, des hôpitaux, des maisons confortables. On y a amené et distribué l’eau et l’électricité. On y a installé des plaines de sport et des centres de récréation. Tout cela dans un site magnifique, avec de larges avenues (que sillonnent des autobus), des jardins, des fleurs. Toute une ville cheminote au milieu de la jungle ! A lui seul, l’atelier compte 5.000 agents, tandis que 3.000 hommes sont occupés à des travaux de toute nature hors des ateliers et dans l’agglomération.

En Inde, comme partout ailleurs, on songe sérieusement à la conversion de la traction. Et l’atelier de Chittaranjan a reçu des commandes pour 10 locomotives électriques à courant continu (de 3.600 ch.) et pour 42 locomotives à courant monophasé 25.000 V. Une installation moderne de galvanisation permet de traiter mensuellement les 700 t. d’acier nécessaire pour les travaux d’électrification.

L’après-midi fut consacré à des spectacles sportifs (c’était dimanche !), à la visite d’un village santhal caractéristique (où des petits gosses, bruns et parfois tout nus, jouaient dans le sable et dans la paille), à la visite de la digue-barrage de Maithon, avec sa centrale hydro-électrique de 75.000 kVA. Cet ouvrage fait partie du fameux projet de la Damodar Valley, ayant pour but de maîtriser les rivières et d’irriguer les terres. La production d’énergie électrique vient - actuellement - au dernier rang des buts poursuivis.

J’ai lu, sur un panneau qui enjambe une des avenues de Chittaranjan : « There is nothing so good that cannot be improved » (II n’est rien d’aussi parfait qui ne puisse être amélioré). Symbole de l’industrie de l’Inde...


Source : Le Rail, mars 1960