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La « convention Europ » pour l’utilisation en commun des wagons

P. Remy.

mercredi 18 janvier 2012, par rixke

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 Le R.I.V. était un progrès

A l’origine du chemin de fer, les wagons ne quittaient pas leur réseau ; toutes les marchandises destinées à l’étranger étaient transbordées aux frontières. Il en résultait des manutentions onéreuses, des pertes de temps et des dommages.

Wagon EUROP de la S.N.C.F.

Aussi, les administrations de chemins de fer se sont-elles efforcées, dès le début, de résoudre le problème du passage des wagons d’un réseau à l’autre sans transbordement. Les premiers accords signés à cet effet furent bilatéraux ; ils aboutirent, en 1921, à un accord général, appelé « Règlement pour l’emploi réciproque des wagons en trafic international », en abrégé « Règlement R.I.V. » [1]. Ce règlement fixe en détail les conditions de construction et d’entretien auxquelles doivent répondre les wagons pour pouvoir circuler sur les réseaux ayant adhéré à l’union [2], ainsi que les conditions de sécurité à remplir par le chargement.

Selon ce règlement, tout wagon envoyé avec charge par un réseau sur un autre réseau est considéré comme donné en location à l’administration cessionnaire. Celle-ci paye une redevance, fixée en francs-or (actuellement 5 francs-or par jour du 1er au 15e jour, et 6 francs-or par jour à partir du 16e jour). Après déchargement, le wagon doit, autant que possible, être renvoyé chargé dans la direction ou au-delà du réseau propriétaire. Lorsqu’un wagon ne peut être utilisé dans les conditions prévues au R.I.V., il doit être renvoyé immédiatement à vide en suivant le même parcours qu’à l’aller, ceci afin de faire supporter les frais de traction du wagon vide par les administrations qui ont perçu une recette pour le transport à charge.

 Mais le R.I.V. n’a pas réduit suffisamment les parcours à vide internationaux

Du point de vue international, le renvoi obligatoire au réseau propriétaire retarde la réutilisation du wagon et en diminue le rendement. Bien que, au cours des années, le règlement R.I.V., fréquemment adapté, ait offert aux réseaux étrangers des conditions sans cesse élargies, celles-ci n’ont pas permis d’intensifier suffisamment la réutilisation ni, par conséquent, de réduire les parcours à vide de façon satisfaisante.

Pourquoi ? Pour plusieurs raisons :

  • Il n’est pas deux réseaux voisins entre lesquels existe une balance du volume des importations et des exportations pour lesquelles le même type de wagon est utilisé ;
  • Il est rare que les demandes de wagons pour des transports internationaux soient présentées dans des gares et à des moments où un wagon étranger adéquat est disponible (le wagon étranger utilisable se trouve fréquemment loin des gares de chargement et, souvent même, il est plus éloigné de ces gares que de la frontière de restitution) ;
  • Le client ne s’accommode pas toujours du wagon étranger mis à sa disposition, notamment lorsque l’utilisation de ce wagon provoquerait un désavantage tarifaire dû à la capacité ou à la longueur.

Le wagon étranger est donc frappé d’une certaine infirmité : il n’est pas apte à tous les mouvements et il n’est pas à même de recevoir tous les chargements pour toutes les directions à l’égal du wagon national.

Wagon EUROP de la SNCB.

Chaque fois qu’il est question d’élargir les conditions de réutilisation, des intérêts divergents se heurtent au sein du R.I.V., ceux des administrations propriétaires et ceux des administrations utilisantes. En effet, tout élargissement aboutit à priver plus longtemps le réseau propriétaire de son wagon, sans égard pour ses convenances [3]. Il est normal cependant que le réseau propriétaire dispose par priorité du wagon dans lequel il a investi une partie de son capital et qu’il en fasse profiter son économie avant celle des autres.

 Un autre ennui

Les conférences R.I.V. qui se sont échelonnées depuis 1922 n’avaient pu fixer un taux équitable de redevance, acceptable à la fois par les administrations exportatrices propriétaires et par les administrations importatrices utilisantes. Alors que les premières, qui étaient en minorité, avaient constamment demandé une majoration de la redevance en invoquant que le taux appliqué était loin de couvrir les frais d’acquisition et d’entretien de l’effectif, les administrations importatrices avaient pu surseoir pendant trente-six ans à un relèvement suffisant, en usant d’arguments divers, notamment ceux-ci :

  • Il ne faut pas accabler les pays économiquement défavorisés en les poussant à des relèvements tarifaires que leur clientèle ne pourrait supporter ;
  • Si le coût de la construction du wagon détermine les exigences en redevances, il faut noter que ce coût serait moins élevé dans les pays importateurs à économie faible que dans les pays exportateurs à économie forte.

Le 1er janvier 1958 seulement, après bien des discussions, la redevance a pu être fixée à un niveau acceptable pour les deux parties. La hausse importante des matières et des salaires qui a continué à se manifester depuis lors a déjà rompu l’équilibre existant et remet la fixation du taux en question.

Wagon EUROP de la D.B.

 L’unification des wagons, base d’un nouveau progrès

Unifier les wagons, c’est donner à chaque catégorie des caractéristiques uniformes, déterminées de manière à satisfaire au mieux les besoins courants des usagers et les desiderata techniques communs des chemins de fer. L’unification des wagons a entrainé d’heureuses conséquences. Du point de vue commercial, uniformiser les caractéristiques essentielles (dimensions, charge utile...) en fonction des besoins de la clientèle, c’est faciliter la diffusion de ces caractéristiques, mais c’est surtout faciliter l’organisation matérielle des expéditeurs en matière de camionnées, de dimensions des colis, d’emballages, d’appareils de manutention ou de pesage. Du point de vue de l’exploitation des chemins de fer, limiter le nombre de types de wagons en les uniformisant par catégories, c’est faciliter la répartition du matériel vide, c’est augmenter la bonne utilisation des véhicules, c’est réduire les parcours à vide improductifs et c’est aussi, par une diminution de la rotation, améliorer le rendement du parc. Du point de vue du coût de la construction, unifier les wagons, c’est permettre un abaissement sensible du prix de fabrication, parce que les administrations, tout en étalant le renouvellement de leur parc et en adoptant d’année en année les progrès de la technique, ont la possibilité de grouper leurs commandes de façon à obtenir des usines des prix de construction plus favorables. Mais ce qui nous intéresse particulièrement ici, c’est que l’unification des wagons a permis la création d’une nouvelle entente internationale plus efficace que l’union du R.I.V.


Source : Le Rail, mars 1960


[1Initiales du titre italien « Regolamento Internazionale Veicoli ».

[2Actuellement 33 administrations ferroviaires de 26 pays.

[3A noter que les élargissements ont notamment pour effet de priver le réseau propriétaire de son wagon précisément au moment où le besoin de ce wagon se fait le plus sentir, c’est-à-dire au moment des pointes de forts transports, qui sont généralement communes à tous ou à plusieurs réseaux.
A noter, en outre, que, au moment où il y a peu de transports, les administrations restituent le plus tôt possible les wagons étrangers et utilisent leurs propres wagons en service international pour obtenir des redevances.