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Comment établit-on les horaires des trains de marchandises ?

L. Dewinter, inspecteur en chef.

mercredi 8 février 2012, par rixke

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 Tout d’abord, qu’est-ce qu’un train ?

Vous savez que l’activité essentielle d’une entreprise de chemin de fer consiste à transporter des personnes ou des choses d’un endroit à un autre, au moyen de véhicules roulant sur des voies ferrées, quel que soit le moyen de locomotion. Toute circulation d’un véhicule ou d’une suite de véhicules remorqués se dénomme communément « train ». Une locomotive qui se déplace entre deux gares sans remorquer de charge est désignée par le vocable « parcours à vide ». Une telle circulation est soumise aux mêmes règles que celles qui régissent la circulation des trains.

 Les trains de marchandises

Selon qu’ils sont destinés à assurer le transport des voyageurs ou des marchandises, les trains s’appellent « trains de voyageurs » et « trains de marchandises ».

Les trains de marchandises se subdivisent en trois catégories :

  • Les trains de marchandises de grande vitesse (pour le transport de marchandises périssables ou urgentes) ;
  • Les trains de marchandises ordinaires ;
  • Les trains de la route (pour le transport du matériel nécessaire aux travaux de la voie et de la signalisation).

 Qu’entend-on par horaire ?

L’heure de départ d’un train, les heures d’arrivée et de départ dans les gares intermédiaires où il s’arrête, l’heure de passage dans certaines gares et aux points de bifurcation et l’heure d’arrivée à destination constituent l’horaire de ce train.

Pour effectuer un parcours, un train peut utiliser des temps très différents selon qu’il se rend directement à destination ou qu’il s’arrête en cours de route. La charge qui le compose, la puissance du moteur qui le remorque, le tracé de la ligne, la nature du matériel utilisé sont d’autres éléments qui influent sur la durée du parcours considéré. De nombreux horaires différents peuvent donc exister entre deux gares déterminées, selon les catégories de trains qui effectuent le même parcours.

 Pourquoi élabore-t-on des horaires ?

A première vue, on pourrait croire qu’un train de marchandises peut être expédié d’une gare vers une autre au mieux des circonstances, par exemple lorsque la charge est constituée et que les éléments de traction sont prêts à en assurer la remorque. Une telle exploitation ne peut être admise qu’à titre accidentel ; des raisons d’ordres commercial, économique et technique exigent l’établissement d’horaires bien déterminés.

Le chemin de fer ne serait pas un service public s’il ne tenait pas compte des besoins des usagers pour établir les horaires. Il importe, notamment, que les expéditeurs connaissent à l’avance l’heure à laquelle leurs envois pourront partir et que les destinataires puissent prendre toutes les dispositions pour en assurer la prise en charge.

De plus, tout train, c’est évident, doit coûter le moins cher possible. Improviser en exploitation n’est pas rentable. Il est plus économique d’établir des horaires en veillant à réduire les moyens à mettre en œuvre : personnel, matériel, matières, etc. Seuls des horaires rationnellement établis permettent notamment de déterminer la puissance des éléments moteurs nécessaire et suffisante pour remorquer une charge prévue.

Enfin, dans leur course, les trains doivent franchir de nombreux points dangereux (bifurcations, croisements, passages à niveau, etc.). Comment les signaleurs pourraient-ils, sans les horaires, remplir normalement leur mission de protection ?

 Tracer un horaire n’est pas facile

Lorsque la nécessité d’un nouveau train est bien établie, on détermine la catégorie du train convenant le mieux pour acheminer les transports en cause, on choisit l’itinéraire à suivre et on établit l’horaire en tenant compte notamment :

  • Des besoins et des convenances de la gare d’expédition ;
  • Des enlèvements en cours de route ;
  • Des correspondances à assurer dans les gares de bifurcation ou de destination ;
  • Des possibilités de circulation [1] ;
  • Des garages (directs ou par rebroussement), des croisements ou des dépassements ;
  • De l’ouverture des lignes, des gares, des blocs et des ponts tournants ;
  • Des passages aux points de bifurcation (un intervalle minimum de trois minutes doit être prévu entre le passage de deux trains circulant sur ces points) ;
  • De la remorque, qui sera fixée en accord avec le service du roulement des locomotives de la direction du Matériel et des Achats (si la charge à enlever dépasse la puissance d’une locomotive, il y a lieu de prévoir le renfort de traction, soit sur tout le parcours, soit sur la section où le profil de la voie est défavorable) ;
  • Des relais de moteurs ou de personnel si la distance aller et retour ou si l’amplitude du service nécessite plus d’une prestation dans le cadre de la réglementation des prestations du personnel roulant ;
  • Le cas échéant, des prises d’eau à des endroits à déterminer en accord avec la direction M.A. ;
  • Des tête-à-queue éventuels, du virage des locomotives à vapeur et de l’orientation de celles-ci (la vitesse d’un train remorqué par une locomotive tender en avant ne peut dépasser 40 km. à l’heure) ;
  • Des circulations sur les lignes à simple et à double voies, sur les sidinglines [2] et sur les lignes à exploitation simplifiée.

C’est là le travail des bureaux 13.11 et 13.12 de l’Exploitation.

Mais l’horaire d’un train ne peut être établi qu’à la condition de connaître l’horaire-type à appliquer dans la relation considérée. On entend par là l’horaire qui donne les temps de parcours pour tous les tronçons de la ligne à parcourir pour une charge donnée, à la vitesse donnée et pour le type de locomotive déterminé. C’est théoriquement l’horaire le plus favorable qui peut être réalisé dans des conditions normales, autrement dit celui qui donne le maximum de rendement. Il tient compte non seulement de la longueur des tronçons à parcourir, mais aussi des particularités de la ligne, des rampes, des pentes, des courbes, du régime de vitesse de la ligne parcourue, des ralentissements permanents, etc. Le calcul de l’horaire-type relève, lui, de la compétence de la direction M.A.

L’aide des graphiques

Pour pouvoir établir l’horaire d’un train d’une façon judicieuse, c’est à la représentation graphique que se sont arrêtées les entreprises ferroviaires, parce que ce moyen permet de donner une image claire et nette des diverses circulations existant sur la ligne. Les systèmes utilisés par les réseaux varient dans leur détail, mais le principe est toujours le même pour tous.

A la S.N.C.B., l’en-tête des graphiques comporte :

  • Le numéro de la ligne (la numérotation des lignes destinée à l’usage des agents qui utilisent les graphiques n’est pas la même que la numérotation des lignes qui figure dans l’indicateur des horaires des trains pour les voyageurs) ;
  • La date à partir de laquelle ce document est valable ;
  • L’explication des différents signes dans le cadre du cliché.

Les manchettes signalent

Sur le côté gauche

  1. Les gares, les points d’arrêt, les dépendances, les raccordements situés en pleine voie et les bifurcations que l’on trouve sur la ligne considérée d’après l’ordre topographique ;
  2. Les distances de gare à gare ;
  3. Les distances cumulées depuis l’origine de la ligne.

Sur le côté droit

  1. Les distances entre les postes de block ;
  2. Le numéro de ces postes de block ;
  3. Les mêmes indications que celles figurant sous le 1 ;
  4. L’abréviation télégraphique des gares ;
  5. Un schéma réduit des installations et des voies de garage [3] ;
  6. L’emplacement du bâtiment des recettes ;
  7. Le diamètre des plaques de virage ;
  8. La présence de grues hydrauliques.
Comment lire ces graphiques ?

Le canevas principal du graphique est divisé, de gauche à droite et de haut en bas, par des lignes parallèles correspondant :

  • Les premières aux 24 heures de la journée, chacun des espaces horaires étant subdivisé en six parties égales représentant une amplitude de dix minutes, divisée, elle-même, de deux en deux minutes par des traits fins [4] ;
  • Les secondes aux gares, aux points d’arrêt et aux raccordements indiqués sur les manchettes du graphique.



Le tracé des circulations est différent selon la nature des trains considérés : les traits interrompus se rapportent aux trains de marchandises et à leurs parcours ; les traits pleins, aux trains de voyageurs.

Les numéros des trains et leurs caractéristiques de circulation sont indiqués sur leurs traits respectifs. A l’endroit correspondant à l’heure prévue par l’horaire, le trait part de la ligne correspondant à la gare de départ et se dirige vers la gare suivante qu’il atteint à la minute prévue et ainsi de suite. Si un arrêt a lieu à un endroit déterminé, le tracé s’interrompt à la minute d’arrivée et reprend à la minute de départ en direction de la gare suivante.

 La publication des horaires

Bien que l’organisation du service des trains doive demeurer aussi stable que possible, des modifications fréquentes sont cependant inévitables. Elles résultent notamment de la fluctuation du trafic, des modifications apportées dans le service des trains de voyageurs, d’une meilleure utilisation des moyens mis en service, de la simplification ou des modifications apportées dans les installations de la ligne ou des gares, de la nécessité de satisfaire la clientèle.

La direction E publie ces modifications par la voie de bulletins ou de circulaires, selon qu’il s’agit de changement à titre provisoire ou à titre définitif. Cette diffusion peut être périodique ou occasionnelle.

Le livret des horaires des trains de marchandises paraît deux fois par an, comme l’indicateur des trains de voyageurs. Pour la date à laquelle le nouveau livret est valable, la direction E remplace tous les documents horaires. En règle générale, les changements appliqués pendant la durée de validité de l’édition précédente sont incorporés dans les nouveaux documents en même temps que les mesures de réorganisation, dont la mise en vigueur peut coïncider avec la période de validité de l’édition nouvelle. Les changements apportés au service reçoivent ainsi toute la diffusion requise.

Les modifications dont on ne peut pas différer la diffusion jusqu’à l’époque du renouvellement des documents sont publiées et distribuées à tous les services situés sur la ligne ou la section de ligne intéressée par les changements. En cas d’urgence exceptionnelle, on fait usage du télégramme circulaire pour annoncer les modifications dont la mise en vigueur doit être immédiate ; celles-ci sont ensuite insérées dans la prochaine circulaire.

 Le contrôle

L’élaboration des horaires des trains de marchandises doit être faite avec le souci d’assurer le service avec le maximum de régularité d’une part et avec le minimum de dépenses d’autre part.

C’est pourquoi un contrôle de la circulation et de la charge des trains s’impose. Il a pour but principal d’éviter les perturbations résultant des retards et de serrer le plus près possible l’équilibre entre les moyens d’action et le volume des transports à assurer. Il est évident que la désorganisation du service de base se traduit par une utilisation déficitaire des locomotives, par une augmentation sensible des parcours à vide et par des mécomptes causés à la clientèle. Il convient d’éviter de telles dépenses improductives qui grèvent le budget du chemin de fer, en assurant la régularité de la circulation des trains de marchandises et en utilisant au maximum la puissance des locomotives affectées à la remorque.

L’activité, l’initiative et la vigilance du personnel des bureaux 13.11 et 13.12 sont à la base de la régularité et de la sécurité dans l’exécution du service des trains.


Source : Le Rail, septembre 1960


[1C’est ainsi que les horaires doivent être établis de façon telle que deux trains circulant dans le même sens ne puissent se trouver en même temps dans une même section de bloc. Or, il existe une grande diversité des horaires non seulement entre ceux des trains de voyageurs, mais aussi entre ceux des trains de marchandises. Lorsqu’un train à marche lente risque d’entraver un train subséquent roulant à une vitesse plus grande, il y a lieu de faire marquer un arrêt au premier train dans une gare pourvue des installations suffisantes pour permettre au second de le dépasser sans subir de retard. En ce qui concerne les possibilités de circulation à l’intérieur des gares à trafic intense, l’heure de passage du train ne pourra être déterminée qu’en accord avec les chefs de gare, qui auront à organiser le service en conséquence ou à proposer une adaptation de l’horaire si les circonstances locales l’exigent.

[2Voie de circulation juxtaposée à une voie principale, qui sert à dégager la circulation aux endroits où elle est particulièrement intense.

[3La liste 58 du tome III du Livret du Service des Trains indique, gare par gare, les particularités des voies de garage situées sur tes lignes à voie unique et sur les lignes à double voie. Ces renseignements permettent de tracer les horaires en fonction des possibilités de garage sur les lignes à double voie et de croisement sur les lignes à voie unique.

[4Selon que les lignes présentent un trafic de circulation plus ou moins dense, on établit les graphiques non pas sur une seule planche de 24 heures, niais sur 2, 3 ou 4 planches donnant des périodes de 12, 8 ou 6 heures consécutives ; cette division des planches permet de dégager les tracés, qui sans cela formeraient un enchevêtrement indéchiffrable.