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Les locomotives à vapeur de l’Afrique du Sud.

L. Huyghebaert.

mercredi 10 août 2016, par rixke

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A peine arrivé au dépôt, une fumée noire m’accueillit, révélatrice de la présence de mes chers engins en activité.

Je me rendis dans un bureau où un employé consigna mes coordonnées dans un grand registre. Un bref coup d’œil sur les adresses précédentes m’indiqua une variété de nationalités.

Après quelques recommandations de sécurité, je pus me promener à ma guise dans les différentes installations.

05.10.90 - Class 24 - Knysna

J’y vis des 25NC (il s’agit d’un type de machine) et assistai au chargement du charbon.

Poussée par une 25NC précisément, une rame de tombereaux est placée sur une rampe où ils sont vidés à la pelle par des ouvriers.

Le charbon est stocké en contrebas dans des hautes trémies sous lesquelles on arrête les locomotives pour charger leur tender.

Class 24 - Manomètres - Knysna

C’est impressionnant, grandiose et les dimensions de ces installations énormes, à l’image du pays.

Derrière le dépôt, j’eus la tristesse de découvrir des monstres noirs, sans vie et rongés par la rouille, attendant le chalumeau du ferrailleur.

Un ingénieur anglais, M. David Wardale, conçut, en 1981, des transformations importantes pour augmenter le rendement des locomotives à vapeur, mais en vain. Malgré les très bonnes performances de la « Red Devil », ce diable rouge conduit uniquement par trois machinistes, la politique de ce pays, grand exportateur de charbon, s’est résolument orientée vers le diesel et l’électricité sur les grands axes.

04.10.90 - Class 24 - Knysna

En sillonnant toute la région de Kimberley au volant d’une voiture de location, je multipliai les occasions de photographier une foultitude de trains. Grâce à la collaboration de confrères cheminots, j’eus même l’occasion de le faire en des endroits insolites, comme debout sur un wagon couvert en gare de Heuningneskloof.

Je parcourus aussi la piste qui longe de très près la ligne Kimberley - De Aar sur le tronçon Kraankuil - Houtkraal : fenêtres ouvertes, roulant à la vitesse du train, je me régalai du mouvement régulier des bielles et du bruit de l’échappement et des pistons.

Mon comportement insolite fut vite repéré par le titulaire de machine et ses deux machinistes en initiation.

Le train s’arrêta, moi aussi.

14.10.90 - Oranje Rivier - Class 15 CA n° 2828

Nous descendîmes de concert de nos véhicules respectifs et l’un d’eux m’apostropha : « Go up, I drive your car ». (Monte, je conduis ta voiture). Enchanté, je ne me fis pas prier.

Le chauffeur me céda la place, m’instruisit en anglais sur le fonctionnement du Stoker (chargement automatique de la grille en charbon). Il me confia aussi la surveillance de la ligne et des signaux !

Poupan approchait : sur ordre du machiniste, j’ouvris le Stoker, et la machine réagit instantanément, semblant ignorer les 600 t qu’elle tractait. Entretemps, le chauffeur prépara le thé : une boîte de conserve remplie d’eau, pour toute bouilloire, dans les flammes et le tour est joué !

Le signal d’entrée de Kraankuil fut en vue, indiquant la voie libre. Nous traversâmes la gare, surnommée la Mecque de la vapeur par les amateurs de chemin de fer, à 70 km/h,

05.10.90 - Soleil levant - Class 24

Seuls le « statiemeester » et son épouse habitent encore dans l’ancien hôtel situé au bord de la voie et dévasté par les inondations catastrophiques de 1988.

Je le saluai au passage. Quelle ne fut pas sa surprise de me voir aux commandes de la loco !

Oranjerivier, avec ses grands silos blancs, annonça le terme de mon escapade sur la machine : j’y restai encore un peu, le temps de réapprovisionner en eau le tender et de réactiver le feu.

Pendant ce temps, je bavardai avec le titulaire à propos de son travail, de ses 14 h (!) de service et de son avenir sans fumée.

Le train fut prêt. Je récupérai ma voiture, un dernier signe amical et le train s’ébranla.

Le calme revint peu à peu, à peine troublé par le grincement d’une vieille éolienne.

Un ouvrier vint, muni d’une pelle et d’une brouette, enlever les cendres chaudes, derniers témoins du passage de la 25 NC n° 3467, construite en 1953-54 par la North British Locomotive.


Source : Le Rail, août 1991