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Le transport ferroviaire des denrées périssables sous régime de la température contrôlée (II)

C. Lokker.

mercredi 2 mai 2012, par rixke

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L’Interfrigo

Société ferroviaire internationale de transports frigorifiques

 Son origine

Suite du numéro précédent

Après les hostilités, la situation alimentaire en Europe posait de graves problèmes ; il convenait de réorganiser le transport massif de denrées alimentaires et d’utiliser à cet effet des méthodes modernes. Toutefois, pour chaque administration ferroviaire prise isolément, le problème d’équiper un parc de wagons réfrigérants était difficile à résoudre :

  • Le coût d’un wagon réfrigérant à l’achat et à l’entretien est le double de celui d’un wagon fermé ordinaire ;
  • Le rapport tare/chargement est très défavorable : pour une tare de 16 tonnes, la charge utile en fruits ou en légumes n’atteint que difficilement 9 à 10 tonnes ;
  • Les productions sont saisonnières, de sorte qu’en saison morte, le parc serait appelé à chômer, alors qu’en période de pointe, il pourrait être insuffisant ;
  • De plus, faute d’une organisation spécialisée, les parcours à vide sont importants lorsqu’il s’agit de matériels spéciaux devant circuler en trafic international.

Dès lors, l’alternative était ou bien de couvrir les dépenses par des recettes à tirer de la clientèle, ou bien d’aggraver la situation financière des chemins de fer. On aurait en quelque sorte, soit, au départ, « tué la poule aux œufs d’or », soit subventionné indirectement un secteur de l’économie, ce qui constitue toujours une erreur à long terme.

Après avoir examiné le problème en commun, plusieurs administrations en sont arrivées à la conclusion que le problème posé sur le plan européen était plus facile à résoudre du fait que les pointes et les creux de trafic se compensent dans une certaine mesure, et qu’une organisation internationale était à même de tirer un rendement plus productif des wagons. Par ailleurs, étant donné le caractère très spécialisé du trafic, l’avis que cette organisation devait avoir la structure d’une société commerciale a prévalu. La société a été créée le 30 octobre 1949.

 Structure et mission

La société Interfrigo est une société coopérative de droit belge. Pour des raisons géographiques, sa direction générale est fixée à Bâle. A l’heure actuelle, elle compte douze membres coopérateurs, qui sont les administrations ferroviaires ci-après : les British Railways (B.R.), la Deutsche Bundesbahn (D.B.), la Société nationale des Chemins de fer français (S.N.C.F.), les Chemins de fer italiens de l’Etat (F.S.), les Chemins de fer néerlandais (N.S.), les Chemins de fer fédéraux suisses (C.F.F.), la Société nationale des Chemins de fer belges (S.N.C.B.), les Chemins de fer de l’Etat danois (D.S.B.), les Chemins de fer luxembourgeois (C.F.L.), les Chemins de fer helléniques (C.E.H.), les Chemins de fer espagnols (R.E.N.F.E.), les Chemins de fer de l’Etat turc (T.C.D.D.).

L’activité de l’Interfrigo déborde forcément le cadre géographique des douze pays membres, et des contrats ont été conclus avec les administrations ferroviaires de Suède, de Norvège, d’Autriche, de Roumanie, de Bulgarie, de Yougoslavie, de Hongrie et de Tchécoslovaquie.

La société possède des représentations commerciales dans les pays membres et dans de nombreux pays non membres, comme l’indique la carte.

L’Interfrigo a essentiellement pour mission de gérer et de développer les trafics internationaux sous température dirigée des pays membres.

En collaboration avec les administrations membres, elle doit assurer les meilleures possibilités de développer les trafics, notamment :

  • En adaptant les parcs de wagons à l’évolution des trafics ;
  • En augmentant la productivité du matériel existant ;
  • En fixant le niveau de ses tarifs de manière à encourager les transports, tout en équilibrant son budget ;
  • En organisant des services liés au trafic, tels les glaçages au départ, les reglaçages en cours de route ;
  • En améliorant la valeur technique des parcs.

 Moyens d’action et méthode de travail

L’Interfrigo prend en location les wagons des administrations membres et de leurs sociétés filiales et utilise les wagons lui appartenant.

Le parc de la société Interfrigo, qui était en 1952 de 525 wagons, est demeuré stable jusqu’en 1956 pour se développer rapidement et atteindre 1.710 unités en 1960. On prévoit la livraison en 1961 de 75 nouveaux wagons et la livraison probable de 400 autres unités en 1962.

L’augmentation du parc de l’Interfrigo se justifie par l’évolution rapide du trafic ; il ne se fait pas exclusivement à charge du matériel des coopérateurs, comme l’indique le tableau ci-après :

Années Nombre de voyages Part du parc Interfrigo dans le trafic total
en wagons Interfrigo en wagons loués
1952 5.475 24.245 18,42
1954 12.822 32.875 28,06
1956 14.096 43.133 24,63
1958 20.890 48.896 29,93
1960 38.120 71.195 28,67

L’Interfrigo vise à répondre aux besoins de matériel des expéditeurs des pays membres d’une manière totale et immédiate, en assurant le maximum de productivité des parcs des coopérateurs et de ses propres wagons.

A cet effet, elle affecte les wagons aux divers trafics en tenant compte des fluctuations saisonnières. Elle fait face aux pointes de trafic soudaines ou imprévues, en centralisant au jour le jour les situations des divers pays membres et en provoquant les mouvements de matériels les plus économiques sans tenir compte de l’appartenance des wagons. De ce fait, elle peut faciliter les réutilisations et réduire considérablement les parcours à vide.

Pour illustrer la productivité des méthodes de la société, signalons qu’en 1959, les wagons appartenant à l’Interfrigo ont effectué en moyenne 26,8 voyages, ce qui représente une utilisation de 295 jours par an.

La productivité du matériel bénéficie indirectement à la clientèle. En effet, bien qu’étant une société commerciale, l’Interfrigo se contente d’un bénéfice réduit, l’objectif essentiel demeurant le développement du trafic. En conséquence, les taxes frigorifiques perçues de la clientèle sont demeurées relativement stables au cours des années, grâce à l’augmentation de la productivité des wagons, alors que le coût des matières et des services n’a cessé de croître en Europe.

 Evolution du trafic et perspectives

Après plus de dix années d’existence, l’Interfrigo peut considérer, à la lumière des résultats obtenus, que la formule de gestion sur le plan européen des trafics sous température dirigée a fait ses preuves. En effet, le développement du trafic a été rapide :

Années Nombre de wagons chargés Années Nombre de wagons chargés
1951 21.216 1956 57.229
1952 29.720 1957 71.158
1953 41.626 1958 69.786
1954 45.697 1959 83.976
1955 54.312 1960 109.315

La gamme des produits transportés est très variée, de sorte que les risques constitués par les aléas de récolte peuvent être supportés sans danger.

Le trafic des bananes, qui s’est développé très rapidement pour atteindre plus de 15.010 wagons chargés par an, s’est stabilisé ; mais il est susceptible de s’accroître à destination des pays de l’Est.

Les transports de fruits et de légumes connaissent une expansion constante, qui est favorisée par une meilleure commercialisation des produits, par la rationalisation et l’extension des cultures, par les exigences accrues du consommateur quant à la qualité et à la présentation, et enfin par l’atténuation progressive des entraves douanières.

En ce qui concerne les viandes, les progrès des échanges sont directement liés à l’élévation du niveau de vie des populations ouvrières des grands centres.

En conséquence, dans l’ensemble, les perspectives sont bonnes, d’autant plus que l’Interfrigo et les coopérateurs font des efforts constants pour améliorer la qualité des wagons et la vitesse de leur acheminement.

Par ailleurs ; il n’est pas déplacé de mettre une part de ses espoirs dans le développement des relations commerciales avec les pays de l’Est et dans les résultats bénéfiques des réalisations du Marché commun.


Source : Le Rail, août 1961