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L’électrification de la ligne Bruxelles - Quévy

O. Debaize, ingénieur en chef.

mercredi 11 juillet 2012, par rixke

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Les usagers de la ligne 96 suivent chaque jour les travaux exécutés pour électrifier leur ligne, mais l’œuvre, qui s’inscrit dans l’ensemble de l’électrification « Amsterdam - Bruxelles - Paris », éveille aussi pas mal de curiosités dans toute la Belgique et à l’étranger.

Cuesmes, passage supérieur sur le nouveau tracé entre Mons et Frameries

Après avoir rappelé les objectifs poursuivis, notre propos est d’apporter quelques précisions sur l’intervention du service de la Voie, sans, bien entendu, entrer dans le détail des études complexes qui ont précédé les réalisations en cours.

 Relations internationales

Après l’électrification de Bruxelles-Paris, chaque jour, quatre trains électriques « toutes classes » feront les trajets dans les temps suivants :

  • Mons-Paris : 2 h 20 au lieu de 3 h ;
  • Bruxelles-Paris : 3 h au lieu de 3 h 45.

Les trains TEE relieront les deux capitales en 2 h.

Talutage des tranchées entre Cuesmes et Frameries.

La remorque des trains internationaux sera assurée par des locomotives électriques « tri-courant » dont cinq unités sont en construction [1]. Elles auront une puissance de 3.600 ch et pourront atteindre la vitesse de 140 km à l’heure. Leur alimentation s’accommodera aussi bien du régime S.N.C.F. (courant monophasé 50 périodes à 25.000 volts) que de ceux de la S.N.C.B. (courant continu à 3.000 volts) et des N.S. (courant continu à 1.500 volts), et cela, sans obligation d’arrêt aux frontières.

 Relations intérieures

L’électrification de Bruxelles - Quévy, combinée avec celle de Mons - Saint-Ghislain, de l’antenne Linkebeek - Hal et du triangle Lembeek - Clabecq - Tubize, permettra de relier au réseau déjà électrifié : le Borinage, la gare de formation de Saint-Ghislain, les carrières de la région de Soignies et le centre sidérurgique de Clabecq.

Sous-station de Braine-le-Comte

De sérieuses améliorations en sont attendues au bénéfice du trafic journalier des voyageurs, très chargé, comme l’indiquent les chiffres ci-dessous :

  • 40.000 voyageurs entre Bruxelles et Hal ;
  • 20.000 entre Hal et Braine-le-Comte ;
  • 10.000 entre Braine-le-Comte et Mons ;
  • 8.000 entre Mons et Saint-Ghislain ;
  • 2.000 entre Mons et Quévy.

D’abord, les temps de parcours. N’est-ce pas le premier souci des usagers ? Les gains seront appréciables : 6’ entre Bruxelles et Mons pour un express et 8’ pour un direct. En omnibus, Bruxelles - Hal sera couvert en 19’ au lieu de 23, Braine-le-comte - Mons en 30’ au lieu de 41, tandis que Mons sera rallié en 12’ de Saint-Ghislain et en 16’ de Quévy. Les trains électriques circuleront selon le régime des horaires cadencés ; ils assureront régulièrement des correspondances favorables dans les gares de coïncidence.

En outre, du nouveau matériel sera mis à la disposition de la clientèle. Les trains pendulaires seront composés de rames automotrices à deux éléments, semblables à celles qui ont été éprouvées avec succès depuis plus de dix ans. Aux heures de pointe circuleront des trains supplémentaires composés de voitures métalliques et remorqués par des locomotives électriques.

 L’ampleur des travaux confiés au service de la Voie

Comme toutes les œuvres de modernisation et de rationalisation, l’électrification d’une ligne pose des problèmes techniques délicats à résoudre.

II s’agit d’abord de permettre l’accroissement des vitesses de circulation pour réduire les temps de parcours, ensuite d’améliorer le confort des voyageurs. Ces objectifs ne seront atteints que si les conditions de roulement sont excellentes, et ceci dépend, en grande partie, de l’état des voies.

La vitesse maximale des trains circulant sur la ligne sera portée de 120 à 140 km à l’heure. Ce progrès nécessite l’élimination des zones de ralentissement dans les gares, en aménageant les voies de passage, et en pleine voie, en rectifiant les courbes de trop faible rayon.

Pour améliorer le confort des voyageurs, on utilisera les rails longs et on réduira au minimum, dans les itinéraires des gares, le nombre d’appareils de voies à emprunter.

Ajoutons à ces impératifs les difficultés d’implantation des poteaux-supports et de pose des lignes de contact, qui obligent à approprier fréquemment les installations des gares et les ouvrages d’art. A titre documentaire, signalons que douze passages supérieurs ont été appropriés ou remplacés, tandis qu’en quatre endroits, la voie a été abaissée, afin de réaliser la mise au gabarit « électrification ».

La réalisation d’une telle entreprise exige, l’on s’en doute, des travaux de génie civil importants.

Un voyage sur la ligne nous éclairera mieux sur leur ampleur.

En premier lieu, nous remarquons que plusieurs zones de ralentissement, imposées par les courbes de faible rayon, ont été éliminées. C’est le cas en plusieurs endroits dès la sortie de Bruxelles. Ce sera de même à la traversée de Hal, à la bifurcation d’Ecaussinnes à Soignies et à la bifurcation vers Ath.

Nouvelle plate-forme des voies en cours de réalisation entre Cuesmes et Frameries

Nous constatons, en passant, que les gares ont été aménagées et que leurs installations ont été rationalisées. Des voies de garage direct de grande longueur sont prévues à Hennuyères, à Soignies, à Neufvilles et à Ghlin.

Nous voici à Braine-le-Comte. Les voies vers Enghien ont été rendues indépendantes de celles de Bruxelles - Mons. Même disposition à Jurbise, pour les voies vers Ath.

Poste de sectionnement de Jurbise

Toute électrification nécessite l’établissement de sous-stations et de postes de sectionnement. Les premières ont été édifiées près de Braine-le-Comte et à Mons, tandis que les seconds se trouvent à Hal et à Jurbise.

Avant de reprendre notre voyage, permettez-nous une question. Avez-vous relevé le nombre de passages à niveau depuis Bruxelles ? Jusqu’à Braine-le-Comte, il en existe 30 ; 24 d’entre eux seront supprimés par la construction d’ouvrages d’art ou par le détournement de certains chemins ; les 6 qui subsisteront seront équipés de feux automatiques et éventuellement de demi-barrières.

Lot, passage supérieur pour la suppression du passage à niveau

Si on envisage l’ensemble des tronçons de ligne composant la relation Bruxelles - Quévy et ses antennes, on relève 73 passages à niveau, dont 35 seront supprimés et 8 désaffectés.

Nous arrivons à Mons. La gare est complètement remaniée. Elle sera dotée de deux voies à quai supplémentaires avec accès aux deux couloirs sous voies, ainsi que d’un faisceau de quatre voies destinées au garage des trains de marchandises les plus longs. La traversée de la gare de Mons comportait des zones de ralentissement à 60 et 40 km/h. Grâce aux rectifications des tracés et aux travaux précités, les trains pourront traverser cette gare à la vitesse de 100 km à l’heure.

Braine-le-Comte, nouvelle superstructure d’un passage supérieur

Nous quittons Mons. Jusqu’à Frameries, le tracé et le profil en long de la ligne étaient défavorables. Le nouvel itinéraire, sans passage à niveau, empruntera d’abord un tronçon de la ligne de Mons vers Fauroeulx ; après Cuesmes-Etat, il abandonnera cette ligne et se dirigera par un tracé nouveau vers Frameries pour rejoindre la ligne existante. La vitesse de 140 km/h sera rendue possible depuis la sortie de Mons, et la longueur du parcours sera réduite d’environ 600 m, tandis que les rampes ne dépasseront pas 13 mm par mètre.

Quévy, terme de notre voyage. Quévy : jonction des réseaux belge et français. La gare sera aménagée d’une manière particulière (type polycourant) pour que le franchissement des locomotives « tri-courant » puisse s’opérer sans arrêt. Des voies de passage direct sont installées à cet effet, mais sont également prévues des voies de relais « commutables » pour les locomotives monocourant des deux réseaux français et belge. A titre de réciprocité, la gare frontière française de Jeumont sera, la gare « bicourant » de la ligne Paris-Liège-Cologne, qui sera électrifiée après celle de Bruxelles-Paris.

Ces travaux entrepris pour relier plus rapidement nos trois pays, n’est-ce pas un témoignage de confiance en la mission du Rail ?


Source : Le Rail, juin 1962