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L’inauguration officielle de l’artère électrifiée Paris - Bruxelles

mercredi 29 août 2012, par rixke

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Le 9 septembre dernier, la S.N.C.F. et la S.N.C.B. ont lancé de Paris à Bruxelles deux trains spéciaux : le premier, l’ « inaugural », portait l’indice 13831 et se composait de 13 véhicules (668 t) ; le deuxième, le « train d’appoint » n° 13833, comprenait 7 véhicules (323 t). L’un était remorqué par une locomotive polycourant française, une BB 26.000 ; l’autre par une de nos « 150 ».

Le 13831 entre à Bruxelles-Central.

Avant eux, des trains électriques avaient déjà commencé leur navette entre Paris et Bruxelles. Comme quoi, sur le théâtre des opérations ferroviaires, la « première » a précédé la « générale », selon une formule qui se répand de plus en plus à Paris.

Le 13833 passe à la halte de la Chapelle cinq minutes après le 13831.

C’est d’ailleurs par un train électrique ordinaire que les invités venant de notre pays se rendirent dans la capitale française. Si l’on peut appeler ordinaire un train où pas moins de cinq voitures de première classe avaient été réservées pour les personnalités et les journalistes ! Au cours de ce voyage, nous avons demandé à M. Marchai, ingénieur en chef et, du côté belge, grand organisateur de cette journée mémorable, ce qu’il ne fallait pas oublier de dire aux lecteurs du Rail. « Mais, nous répondit-il avec obligeance, l’essentiel ayant déjà paru dans la revue concernant la type 150, l’histoire de la ligne et les travaux effectués en vue de l’électrification sur notre réseau, il ne reste vraiment qu’à donner à ses lecteurs le compte rendu de la journée inaugurale. » A ce moment passèrent dans le couloir quelques personnalités, parmi lesquelles des administrateurs de la S.N.C.B., représentant le personnel. Cette diversion nous rappela qu’il fallait surtout penser aux cheminots et aux travailleurs anonymes dont le labeur et les efforts, tant en France qu’en Belgique, ont contribué à ce nouveau succès du chemin de fer. Aussi avons-nous été heureux, à la fin de la cérémonie, d’entendre les orateurs exprimer leurs chaleureuses félicitations aussi bien aux ouvriers qu’aux fonctionnaires et aux entrepreneurs à qui l’on doit l’électrification de la ligne Paris - Bruxelles.

Cela dit et souligné, ajoutons que leur travail, qui se justifiait tant par l’essor du trafic que par le développement des échanges entre les deux pays, aura d’heureuses conséquences. Les 310 km qui séparent les deux capitales se situent en effet dans cette tranche des « distances moyennes » sur lesquelles le train se révèle le mode de transport le plus commode et le plus apprécié. Ils seront de plus en plus nombreux les hommes d’affaires, les chercheurs de soleil, les amoureux de Paris et les amoureux tout court qui prendront le train sous les nouvelles caténaires... Que de romans passeront par là !

En territoire français, les travaux consistaient principalement à électrifier 268 km de ligne à double voie, plus des voies de garage ou de triage dans différentes gares comme Compiègne, Tergnier, Saint-Quentin et Busigny ; à construire quatre nouvelles sous-stations d’alimentation à Longueil, Tergnier, Busigny et Hautmont ; à retoucher une soixantaine de ponts pour dégager le gabarit « traction électrique »...

Grâce au nouveau mode de traction, on pourra transporter plus vite plus de marchandises ou plus de voyageurs à la fois. Voici le cœur de Paris à 2 h 30 du cœur de Bruxelles. Le temps d’un déjeuner où l’on cause en dégustant le moment qui passe... Qui dit mieux ?

Le convoi inaugural en fit une brillante démonstration. Parti de Paris à 13 h, il atteignit Creil avec près de trois minutes d’avance sur l’horaire. Cette avance, il la conserva sur tout le parcours français et passa sous la herse commutable 25 kV - 3 kV de la gare bicourant de Quévy à 15 h exactement. Finalement, l’express dut ralentir aux abords de Bruxelles pour éviter d’arriver à la gare Centrale avant 15 h 50, heure prévue.

Accueillis par M. De Néeff, gouverneur du Brabant, MM. les ministres Jacquet et Bertrand fleurirent, comme ils l’avaient fait à Paris, le monument élevé en l’honneur des cheminots morts pour la patrie, tandis que retentissaient « Marseillaise » et « Brabançonne », qu’exécuta la Fanfare des Cheminots du groupe de Bruxelles.

Puis, ce fut la descente vers la Grand-Place, où M. le bourgmestre Cooremans reçut les personnalités et leur suite dans la salle gothique de l’Hôtel de ville, tandis que la formation de chambre de l’Orchestre national des Cheminots donnait une aubade dans le brouhaha. C’est là que furent prononcés quatre discours, dont nous reproduisons quelques extraits ci-contre.

En sortant de l’Hôtel de ville, un journaliste lança vers un cheminot de ses amis :

« D’habitude, quand il y a de l’électricité dans l’air, une liaison, cela se rompt. Vous, c’est officiellement que vous inaugurez le renforcement de l’une d’elles.

  • Oui, répondit notre collègue, une des plus anciennes et malgré deux courants différents ! »

La bonne humeur était de mise en ce jour de fête.


Source : Le Rail, octobre 1963