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Le signal de queue électrique

P. Bonne.

mercredi 17 octobre 2012, par rixke

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Tout le monde se souvient de la grande lanterne à pétrole, du « disque » qui ornait encore il n’y a guère l’arrière des trains de marchandises !

Ce symbole de la sécurité était la bête noire du lampiste, cet homme dont l’appellation est souvent synonyme de « bouc émissaire ». Si quelque chose ne tourne pas rond, la faute en incombe au lampiste.

Le signal de queue est éteint ? Le lampiste n’a pas mis de pétrole ! Il y a une fuite dans le réservoir ? Le lampiste aurait dû le constater. Le signal est noirci ? Le lampiste n’a pas bien réglé la mèche.

Ces problèmes sont à présent bien dépassés.

Le signal de queue électrique est beaucoup plus pratique, plus propre et beaucoup plus léger que son prédécesseur (1.9 kg au lieu de 12 kg).

L’affaire a débuté avec la lanterne à pétrole à 4 couleurs (fig. 1).

Fig. 1.

Cette lanterne de secours se trouvait dans chaque cabine de conduite des engins moteurs et y répandait évidemment une odeur de pétrole.

C’était encore plus grave lorsqu’il y avait une fissure dans le réservoir et presque insoutenable lorsqu’un bidon de pétrole de réserve s’était renversé.

Alors que sur une locomotive diesel l’on pourrait peut-être s’habituer à ce genre d’odeur, ce n’était pas le cas dans une cabine de conduite d’automotrice électrique côté 1re classe !

Le temps était donc venu de penser à électrifier la lanterne. Ce ne fut pourtant pas aussi simple qu’on pourrait le croire à première vue.

Une lanterne doit pouvoir « brûler » pendant un certain nombre d’heures. Or, pour contrôler la réserve en « carburant », il ne suffit pas de la secouer comme ça se faisait à l’époque du pétrole.

L’utilisation de piles sèches fut envisagée un moment, mais il aurait fallu les sceller et les remplacer après chaque usage. Chacun sait, en effet, qu’une « pile » est toujours « à plat » lorsqu’on en a besoin.

Le problème a été résolu grâce à des accumulateurs étanches au cadmium-nickel (2,4 volts), qui sont placés dans les cabines de conduite et qui, dès que la locomotive est en service, absorbent en permanence un faible courant de charge (0.1 ampère).

Le crochet de suspension de la lanterne sert en même temps de fiche pour la prise de courant (fig. 2).

Fig. 2.

La capacité de la batterie permet d’assurer le fonctionnement de la lampe pendant 9 heures (elle ne consomme que 0.5 ampère).

La lanterne est fabriquée entièrement en matière plastique (ABS) ; elle est étanche et résiste aux manipulations les plus rudes.

Son utilisation s’est étendue dans les autres services : V, ES et E, où elle se substitue également à la lanterne à 4 couleurs à pétrole.

L’expérience ayant réussi avec la lanterne de secours, ce fut au tour du disque de queue d’être électrifié.

Malgré toutes les instructions et règlements, il arrivait souvent qu’une gare était dépourvue de disques, tandis qu’une autre en possédait de trop. Or, on sait qu’un train ne peut pas partir sans disque de queue.

De plus, les disques éteints en cours de route provoquaient pas mal d’ennuis.

Enfin, le disque à pétrole lourd et volumineux résistait mal aux manipulations brutales : l’atelier central de Malines n’en finissait pas de réparer ceux qui étaient avariés.

Lors de l’étude pour l’électrification du disque de queue pour des raisons de standardisation, on utilisa le plus possible les pièces détachées de la lanterne de secours. Seule la partie avant était plus grande et pourvue d’un cercle blanc.

Le résultat obtenu avec une ampoule d’un watt est étonnant. C’est d’ailleurs la même ampoule que celle dont est pourvue la lanterne de secours, mais on y a ajouté un réflecteur bien étudié, en plastique chromé.

Des essais ont démontré qu’en ce qui concerne la luminosité, le disque électrique est tout à fait comparable au disque à pétrole (à l’état neuf ou fraîchement nettoyé).

L’accumulateur doit avoir une capacité suffisante afin de ne pas s’épuiser après un long parcours (par exemple d’Ostende à Athus). Bien chargé, il tient 20 heures.

La charge s’effectue également sur la locomotive (ainsi que pour la lanterne de secours).

De ce fait, les lampisteries des gares sont devenues superflues.

Comme il faut toujours pouvoir disposer avec certitude d’une lanterne bien chargée, on a prévu d’en affecter deux par locomotive. L’une est donc en charge pendant que l’autre est de service en queue du train (marchandises et certains internationaux).

La fig. 3 montre ces deux signaux de queue en charge à l’intérieur de la locomotive.

Fig. 3.

La réserve principale en signaux de queue se trouve donc sur les machines, mais nous disposons aussi d’une petite réserve dans certaines gares. Afin de gagner du temps, il arrive que le manœuvre de la gare remette une de ses lanternes au conducteur qui doit poursuivre sa route dès le désaccouplement de la locomotive.

De toute façon, aucune machine à vide ne quittera une gare sans être pourvue de ses deux signaux de queue, sinon toute l’organisation serait mise en péril.

II est à noter que, dans les gares, les signaux de queue de réserve sont également en charge permanente (flg. 4).

Fig. 4.

Et les disques à pétrole ? Eh bien, ils serviront à brève échéance de pièces de musée à moins qu’ils n’aillent décorer le living de quelque cheminot (voire de quelque étranger). Encore une relique du passé glorieux de la traction vapeur !


Source : Le Rail, décembre 1972