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La masse d’habillement

G. Werckx. (Dessins de J. Thiriar.)

lundi 3 septembre 2012, par rixke

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 Un peu d’histoire.

L’uniforme a d’abord été réservé aux guerriers, mais, contrairement à ce que montrent les films prétendus historiques, il ne paraît pas avoir existé dès l’antiquité. Certaines parties des tenues se retrouvaient bien identiques chez bon nombre de soldats, mais il s’agissait plutôt de modes ou de moyens de reconnaissance, non de prescriptions. Ce n’est qu’en 1670 que Louvois rendit l’uniforme obligatoire dans toute l’armée française. En même temps, il en fixa les détails.

Il semble que l’Etat belge ait été parmi les premiers à imposer le port d’uniformes à des civils, et les premières tenues ainsi que les accessoires furent influencés naturellement par leur origine militaire : des civils portèrent non seulement le képi, mais la fourragère et l’épée.

L’arrêté royal donné à Ostende le 1er septembre 1838 avait déjà réglementé la plupart des tenues de service, mais c’est le 31 mars 1840 que, par arrêté ministériel, une masse d’habillement [1] fut instituée en vue de fournir, à des conditions avantageuses, l’uniforme aux agents de condition modeste appartenant aux chemins de fer. Cet arrêté déterminait les catégories du personnel astreint au port de l’uniforme, fixait les modèles des tenues de service, en établissait les prix et précisait les délais requis pour leur renouvellement. Il prescrivait, en outre, les modes d’acquisition et de réception des tissus.

Le port de l’uniforme fit l’objet d’une surveillance serrée, sous le contrôle d’une commission spéciale, composée de quatre membres, désignés par le directeur de l’administration.

La participation à la masse d’habillement fut étendue, par arrêté royal du 23 septembre 1865, à tous les fonctionnaires et employés des administrations centrales du département des Travaux publics, du corps des Ponts et Chaussées, du corps des Mines ainsi que de l’administration des Chemins de fer, Postes et Télégraphes. Ces agents portaient le même uniforme, mais des attributs distinctifs marquaient la branche d’administration à laquelle ils appartenaient.

La grande tenue était obligatoire dans les cérémonies officielles. Elle se composait d’un habit ouvert, en drap bleu de roi, à basques larges, à collet droit, à un rang de neuf boutons, d’un pantalon demi-collant, avec galons en or ou bandes de drap selon les grades, d’un gilet droit et fermé, en piqué blanc, d’une cravate blanche et de gants de peau blanche. Cette tenue était complétée du chapeau bicorne, avec ou sans plumes blanches ou noires, selon le rang, et de l’épée d’ordonnance à poignée ciselée et dorée.

Sept ans après, en 1872, de nouveaux statuts furent mis en application. Ils étaient encore en vigueur au moment de la création de la Société.

Sous le régime de l’Etat, la masse d’habillement de l’administration des Chemins de fer était gérée par un comité composé d’un président, de deux vice-présidents et de treize membres choisis parmi les fonctionnaires et agents appartenant aux diverses grandes branches de l’administration. Ils étaient nommés par le ministre pour un terme de six ans.

Tout le personnel en contact direct avec le public était astreint au port de l’uniforme. Le coût de cet uniforme était entièrement à charge des agents. Des retenues étaient effectuées sur leur traitement ou leur salaire. Ces agents se constituaient ainsi un fonds de masse pour le paiement des effets qui leur étaient livrés. Le boni éventuel était remboursé à la fin de chaque exercice.

 La coiffure de service.

En 1838, le garde-convoi était coiffé d’un chapeau haut de forme ; le chef garde et les autres agents portaient un képi dont le modèle différait suivant les goûts du jour et le genre de fonctions exercées.

Ces modèles ont été remplacés en 1872 par des képis de forme cylindrique, dont certains étaient baleinés, pour les fonctionnaires et le personnel du mouvement et des trains, par des képis de forme tronconique pour le personnel de surveillance et les ouvriers. La casquette « plate-forme » était portée par les huissiers et les messagers.

Les coiffures de service étaient ornées, jusqu’en 1907, de l’insigne commun représentant le lion héraldique et, jusqu’en 1903, d’une plaque indiquant la qualité administrative de l’ouvrier ou de lettres indicatives des fonctions exercées.

Le machiniste en 1838 (... avant la Prévention des accidents !).

C’est en 1934 que le type du képi de forme cylindrique fut généralisé, sauf pour les huissiers, les messagers et les chauffeurs d’auto. La visière assez large de ce képi fut remplacée, en 1952, par une visière arrondie, moins encombrante.

Depuis 1954, le personnel ouvrier porte la casquette plate.

Le chef garde en 1838.

L’étoile dorée, fixée sur le devant du képi porté par les fonctionnaires et les agents du mouvement, est le signe du commandement en chef ; l’étoile argentée, celui du commandement en second. Ces képis sont de couleur amarante, avec bandeau bleu, pour les chefs de gare, et de couleur bleue, avec turban amarante, pour les adjoints et les autres agents utilisés dans le mouvement.

Le garde-convoi en 1838

Les différents modèles des coiffures de service figurent aux pages 6 et 7 du n° 63 et aux pages 14 et 15 du n° 64 de la revue « Le Rail ».

 La tenue de service.

Jusqu’en 1914, les fonctionnaires supérieurs portaient dans les cérémonies officielles la grande tenue que nous avons décrite.

L’uniforme du personnel du mouvement était composé du pardessus, de la redingote et du gilet en drap bleu fin ainsi que du pantalon en satin de laine bleu. La tunique à collet droit à un rang de sept boutons était réservée au personnel des trains et de la police.

Le personnel de factage et de maîtrise portait le veston en drap, à collet droit et à deux rangs de cinq boutons métalliques. De leur côté, les huissiers et les messagers circulaient fièrement en jaquette.

Le port de la redingote a été supprimé en 1934. Toutefois, jusqu’en 1949, les chefs des gares les plus importantes du réseau et leur premier adjoint pouvaient encore la mettre à l’occasion des cérémonies officielles. La tunique et le veston à collet droit ont fait place au veston de deux rangs de quatre boutons.

Le modèle de l’uniforme a été modifié à plusieurs reprises. Abstraction faite des extravagances de la mode, la tenue de service actuelle diffère peu du costume civil. En effet, le veston à collet rabattu est muni de deux rangs de trois boutons noirs ou métalliques. Le pardessus, le gilet et le pantalon sont du modèle courant.

Le chef garde en 1845

Sur le col du pardessus et du veston sont cousus les signes distinctifs, qui diffèrent d’après la qualification administrative de l’agent et le service auquel il appartient.

Les agents uniquement astreints au port de la coiffure de service peuvent obtenir le pardessus et le costume sans insignes, similaires aux vêtements composant la tenue de service.

 Réorganisation de la masse d’habillement.

Le fonctionnement de la masse d’habillement du régime Etat n’étant plus en harmonie avec la loi du 23 juillet 1926 créant la S.N.C.B., celle-ci procéda, en 1934, à la réorganisation de cet organisme. Cette réorganisation ne se borna pas au remplacement du comité administratif par un comité paritaire ; elle affecta presque toute l’activité de la masse : gestion, administration, financement, frais d’administration, intervention de la Société dans le coût des tenues de service, mode de paiement de celles-ci, etc.

La masse d’habillement a pour but de :

  • procurer, au prix le plus bas, la tenue de service aux agents astreints à la porter ;
  • livrer, aux conditions les plus avantageuses, des vêtements susceptibles d’être portés en service et en dehors du service (vêtements de travail, chaussures de sécurité, etc.).

Le service administratif de la masse est assuré par la direction du Personnel. La direction des Finances tient la comptabilité et assure le service financier. La direction du Matériel et des Achats procède à l’achat et à la réception des tissus, des vêtements et des chaussures. Elle conclut les contrats avec les tailleurs, les confectionneurs et les fournisseurs.

Le chef de gare en 1855

Le Comité paritaire, composé de cinq délégués de la Société et de cinq représentants des organisations de personnel reconnues donne son avis sur : la qualité et la teinte des tissus ; le choix des modèles ; la désignation des catégories d’agents pouvant acquérir les vêtements mis en vente ; le prix des vêtements ; les conditions de paiement exigées du personnel.

L’activité de la masse ne se limite pas à la fourniture de coiffures et de tenues de service.

Le personnel peut lui commander d’autres vêtements et articles qui sont confectionnés en série, notamment des gabardines de teinte bleue, 3/4 laine, 1/4 coton ; des costumes de travail en tissu bedford ; des costumes de travail et des salopettes en coton bleu ; des vêtements imperméables ; des cache-poussière en coton ; des chaussures de sécurité ; des appareils antidérapants, etc.

 Qui doit porter la tenue de service ?

Tous les agents qui sont en contact direct avec le public et qui exercent une mission d’autorité, de police, de contrôle ou de surveillance, notamment ceux qui ont la qualification administrative de : chef de gare de toute classe ; chef de gare adjoint ; sous-chef de gare de 1re et de 2e classes ; sous-chef de gare de 1re classe auxiliaire ; rédacteur, rédacteur auxiliaire, facteur de gare et commis chargés du service des intérims ; chef garde contrôleur, chef garde et garde ; officier de police ; agent de maîtrise et surveillant de manœuvres ; chef chauffeur d’auto, chauffeur d’auto, conducteur de train électrique, d’autorail et de draisine ; huissier et messager ; chef récoleur et récoleur ; chef veilleur, veilleur et portier ; porteur d’avis.

Le chef de gare et le garde en 1900

Le port de la tenue est obligatoire pendant toute la durée du service. Il est facultatif pour les agents du mouvement en service dans les gares de formation de trains de marchandises.

La tenue de service se complète du képi ou de la casquette, de chaussures noires, d’une cravate noire et d’un col blanc.

 Qui doit porter la coiffure de service ?

Sont astreints au port de la coiffure de service :

  • les agents qui portent la tenue de service ;
  • les agents intervenant dans le service des trains autres que ceux mentionnés ci-dessus ;
  • les agents statutaires (exception faite du personnel des bureaux) exerçant leurs attributions dans les gares, leurs dépendances ou en pleine voie et qui ne sont pas en contact direct avec les voyageurs ;
  • les machinistes, les chauffeurs, les aspirants-machinistes et les électriciens aspirants-conducteurs ;
  • les journaliers qui sont, d’une façon régulière, en contact direct avec les voyageurs.

 Les tissus utilisés.

Les costumes sur mesure sont faits au moyen d’un tissu en laine peignée ou d’un tissu léger composé, en mélange intime, de 55 % de fibres polyester et 45 % de laine peignée. Les pardessus sont faits dans un drap Beaver ou Molleton. Les costumes et les pardessus sont garnis d’une doublure de satin et à l’intérieur d’une triplure en poils de chameau et de crin naturel.

Les tissus et doublures sont achetés par la voie d’adjudication publique. Les cahiers spéciaux des charges contiennent des spécifications techniques établies par des spécialistes en matière textile.

Avant leur réception, les tissus sont d’abord examinés au siège de la fabrication et ensuite par la Commission des Tissus, instituée au sein du ministère des Affaires économiques. Cette commission, composée d’experts en produits textiles, dispose d’appareils modernes permettant de garantir un examen sérieux des matières. L’expertise porte sur la composition, le poids, l’aspect, la résistance à la traction et la teinture des tissus soumis.

 Contribution de la Société.

Comme la plupart des compagnies de chemin de fer étrangères et des organismes, tant privés que publics, qui imposent l’uniforme à leur personnel, la Société contribue dans le coût de la tenue de service et du képi. Actuellement, la contribution de la Société est de 50 %. Elle délivre aussi, à prix réduit, des vêtements imperméables aux agents qui sont exposés aux intempéries pendant toute la durée de leurs prestations.

En vue d’encourager le port des chaussures de sécurité, une prime de 50 francs est accordée en général lors du premier achat de chaussures au cours d’une année donnée.

Le récoleur en 1900

D’autre part, la Société avance les fonds nécessaires à l’acquisition des approvisionnements et supporte rémunération du personnel de masse d’habillement et les autres frais d’administration.

Les agents peuvent payer leurs achats à la masse en plusieurs versements. Ils ne peuvent être inférieurs à 100 francs et leur nombre ne peut être supérieur à six. Les sommes dues par les agents sont déduites d’office de leur rémunération par l’intermédiaire du bureau barémeur.

Le renouvellement des vêtements peut être demandé après 3 ans pour le pardessus, 18 mois pour le veston et le gilet et un an pour le pantalon et le képi. Ces délais sont réduits moitié pour le renouvellement premier équipement.

 Activité et rôle social de la masse d’habillement.

En 1964, il a été livré au personnel de la Société : 15.157 vêtements sur mesure, 9.512 coiffures de service, 46.203 vêtements de travail, 8.421 vêtements divers (gabardines, cache-poussière, etc.), 31.170 paires de chaussures de sécurité et 6.593 appareils antidérapants, soit au total 117.066 articles. Ces quantités représentent une valeur de 25,7 millions de francs.

Rappelons que, dans les circonstances difficiles traversées pendant la dernière guerre mondiale, 80.000 effets d’habillement en moyenne ont pu être fournis chaque année au personnel, à des conditions fort avantageuses.

L’uniforme inspire confiance au public et rehausse le prestige de celui qui le porte bien et de la société qu’il représente.

Actuellement, la contribution de la Société dans le coût de certains vêtements, les prix bas obtenus par le système des adjudications pour des articles dont la qualité est garantie et les facilités de paiement constituent pour le personnel des avantages appréciables. D’autre part, les modèles de vêtements et les chaussures de sécurité mis en vente ont été conçus de telle manière qu’ils diminuent les risques d’accident.


Source : Le Rail, septembre 1965


[1En langage militaire, « masse » désigne un fonds spécial, formé par des retenues faites sur la paie des soldats ou alloué à un corps de troupe, pour subvenir à des dépenses particulières (masse d’habillement, de couchage, de chaussures, etc.).