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Un aller-retour pour le pont du diable

Phil Dambly.

mercredi 9 janvier 2013, par rixke

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Owain Glyndwr était un prince du Moyen Age dont les exploits ont marqué l’histoire et le folklore du pays de Galles. Aujourd’hui, son nom est porté par une des locomotives du Vale of Rheidol Railway, le chemin de fer de la vallée de la Rheidol, dernière ligne des British Railways entièrement exploitée en traction à vapeur et qui se trouve dans le comté de Cardigan, au pays de Galles.

Etablie à l’écartement de 0,600 m et longue d’environ 20 kilomètres, cette ligne a été inaugurée le 5 novembre 1902. Elle était destinée principalement au transport du plomb et de l’étain extraits des mines du district de Devil’s Bridge jusqu’au port d’Aberystwyth, chef-lieu du comté.

Dans l’autre sens, les trains du VoR ramenaient du charbon, de la chaux et des engrais. Le transport de voyageurs venait alors au second plan, mais les rôles seraient bientôt renversés, les mines s’avérant de moins en moins rentables d’une part et, d’autre part, le tourisme prenant déjà un certain essor. En 1912, le trafic était même si intense qu’il fallut emprunter une locomotive à un petit réseau voisin, le Festiniog Railway. L’année suivante, la ligne fut reprise par les Cambrian Railways, compagnie qui fut, elle-même, absorbée par le Great Western Railway lors des regroupements de 1923. A la fin des années vingt, le trafic des voyageurs fut à son tour en régression, suite au nombre croissant d’automobiles (déjà !). Aussi, dès 1931, la ligne ne fut plus exploitée qu’au cours des mois d’été. Les ennuis ne faisaient que commencer. Vint la seconde guerre mondiale pendant laquelle, de septembre 1939 à l’été 1945, la ligne fut complètement fermée. L’année 1947 vit la nationalisation des compagnies de chemins de fer en Grande-Bretagne et le VoR devint la propriété des British Railways, lesquels le supprimèrent en 1954.

Mais sous l’impulsion des associations d’amis des chemins de fer, soutenues par le grand public, la ligne fut bientôt rouverte au trafic. En 1968, son point de départ fut déplacé et installé en gare d’Aberystwyth, où les petits trains désuets du VoR font bon voisinage avec les rames modernes des BR. Aujourd’hui, le VoR attire un nombre de plus en plus grand de visiteurs. La ligne est ouverte du 8 avril au 6 octobre et celui qui tient à obtenir une place assise à bord d’un convoi devra se présenter au guichet vingt minutes au moins avant le départ. Chaque train se compose d’une locomotive, évidemment, et de cinq voitures offrant environ 200 places au total. Du point de départ au terminus, la dénivellation de la ligne atteint 207 mètres.

A bord des vieilles voitures, on retrouve l’atmosphère des voyages d’autrefois : banquettes en bois, lanières de cuir pour fixer les fenêtres, rythme des essieux sur les nombreux joints, coups de sifflet et escarbilles qui, immanquablement, prendront votre œil pour cible si vous passez la tête au-dehors afin de voir les mûres de plus près. Le train longe la ligne Aberystwyth - Shrewsbury des BR pendant près de deux kilomètres, distance mise à profit par la petite locomotive pour atteindre la vitesse de 30 km/h. La ligne du VoR bifurque à droite et remonte le cours de la Rheidol, tandis que le machiniste donne de nombreux coups de sifflet sans raison apparente... Après huit kilomètres, première halte : Capel Bangor, 27 m d’altitude.

Maintenant, la vallée se rétrécit et le train affronte les premières rampes sérieuses. Le tempo des coups de piston ralentit et la vaillante machine disparaît dans un nuage de fumée tandis que pleuvent les escarbilles (ah, nos bons vieux vicinaux !). Au long des dix kilomètres suivants, la ligne serrera le flanc d’une vallée toujours plus étroite tout en s’infiltrant dans une forêt touffue dont les arbres seront festonnés de vapeur. Voici la halte d’Aberffrwd (à vos souhaits !) où la locomotive va « faire de l’eau ». Depuis le départ, elle a englouti une demi-tonne de charbon...

Le train repart et quitte bientôt la forêt. A 179 m d’altitude, on découvre la Rheidol qui, mince filet bleu, serpente à une centaine de mètres en contrebas. Dans la vallée, on remarque également le Stag, ou cerf, terril d’une ancienne mine de plomb dont la silhouette rappelle, avec beaucoup d’imagination, l’hôte des forêts. Arrêt à Rheidol Falls, halte qui doit son appellation aux cascades tombant du flanc opposé de la vallée. Ici commence la section la plus accidentée de la ligne, où les courbes sont si prononcées que les voyageurs peuvent aisément voir la locomotive renifler son chemin vers le sommet. Passé la halte de Rhiwfron, des talus abrupts couverts de pins donnent au paysage des allures alpestres.

Le train s’engouffre dans une tranchée et, enfin, presque à bout de souffle, mais triomphante, la locomotive aborde la station de Devil’s Bridge, le pont du Diable ! Une heure s’est écoulée depuis le départ. Quarante-cinq minutes d’arrêt, tout le monde descend ! Pendant ce temps, empruntant les sentiers touristiques, les voyageurs auront le loisir de contempler les chutes d’eau à 40 m sous les trois arches du pont du Diable, les ravins et, au loin, le mont Plynlimon (740 m d’altitude) où la Rheidol, la Wye et la Severn prennent leur source. Quant au machiniste et au chauffeur, en cheminots consciencieux, ils vérifieront leur machine et l’astiqueront avec plus de soin peut-être que s’il s’agissait d’une des puissantes diesels des BR qu’ils pilotent également.

Les trois locomotives du réseau sont du type 2-6-2 et pratiquement identiques. Il s’agit de locomotives-tender dont les soutes à eau occupent toute la longueur de la chaudière. Les machines n° 7 « Owain Glyndwr » et n° 8 « Llywelyn » ont été construites aux ateliers de Swindon du Great Western Rly en 1923. La machine n° 9 « Prince of Wales », seule survivante du parc initial, est née à Stafford en 1902 et a été reconstruite à Swindon en 1923. Les seize voitures, parmi lesquelles trois remorques découvertes, sont toutes en bois et à deux essieux. Onze d’entre elles datent de 1938, les autres ayant connu la « Belle Epoque ». Tout le matériel porte la livrée « bleu rail » et le sigle des BR, tandis que les noms des locomotives se détachent en lettres de cuivre sur fond écarlate. On accède au VoR par le rail en empruntant la ligne Londres Paddington - Birmingham - Shrewsbury (train Intercity), ensuite la ligne Shrewsbury - Aberystwyth.

En voiture, prendre la route A 40 de Londres a Oxford, puis la route A 34 jusqu’à Chipping Norton, ensuite la route A 44.

On trouve huit réseaux ferroviaires touristiques au pays de Galles. Depuis 1970, ils sont appelés « Great Little Trains of Wales », ou grands petits trains du pays de Galles (grand étant pris dans le sens d’important). Outre le Vale of Rheidol Rly et le Snowdon Mountain Rly (voir notre numéro de juin), il y a aussi le Festiniog Rly, le Llanberis Lake Rly, le Bala Lake Rly, le Fairbourne Rly, le Welshpool & Llanfair Rly et leTalyllyn Rly.


Source : Le Rail, juillet 1975