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La gare de formation d’Anvers Nord

L.R.G.

mercredi 13 février 2013, par rixke

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Pour répondre aux importants besoins en transport de marchandises au départ ou à destination d’Anvers, la SNCB dispose de plusieurs installations spécialisées en fonction des catégories de marchandises à traiter ou des trafics à organiser.

Parmi toutes ces installations, la gare de formation d’Anvers Nord occupe une place remarquable, tant par l’importance de ses équipements que par le rôle qu’elle est appelée à jouer.

 Anvers

Ce nom évoque d’emblée l’image d’un grand port maritime, moderne et dynamique : mouvements de navires de haute mer, forêt mouvante de mâts et de flèches de grues, va-et-vient des portiques, transfert des marchandises dans les entrepôts, les cales de navires ou de péniches, dans les wagons ou les camions : l’activité est incessante tout au long des dizaines de kilomètres de quais qui enserrent les darses et bassins.

Le port

L’importance du port d’Anvers est bien connue : en relation avec tous les continents (300 lignes régulières), il reçoit fréquemment des navires de très gros tonnage (plus de 100000 tonnes). Quant à son hinterland (arrière-pays, aire géographique que dessert un port) il comprend bien entendu la Belgique mais également les pays voisins (Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg et France) et même certains pays plus éloignés, tels la Suisse, l’Italie voire l’Autriche.

Malgré la crise, l’activité du port se maintient (en millions de tonnes, 1980 : 81,9 ; 1982 : 82,4 ; 1983 : 80,3) et se situe à une des toutes premières places parmi les divers ports européens (tableau 1). Notons encore que le port d’Anvers n’est pas spécialisé pour l’un ou l’autre produit déterminé mais a, au contraire, une vocation générale : produits pétroliers et chimiques, combustibles solides, minerais divers, produits métalliques, automobiles, céréales, trafic conteneurisé, etc.

Les industries

L’activité économique anversoise ne se limite pas au transbordement portuaire des marchandises. Bon nombre d’industries sont en effet implantées dans l’agglomération : raffineries de pétrole, industries chimiques, constructions métalliques, montage d’automobiles, industries alimentaires, diamantaires, etc.

Si ces diverses entreprises sont en général liées au port (importation de matières premières et/ou exportation de produits élaborés), elles sont également en relation avec « l’intérieur », en Belgique ou dans les pays avoisinants. Il en résulte là aussi une source de trafic non négligeable.

 Les installations ferroviaires

Pour répondre à ces divers besoins de transport de marchandises, (tableaux 2 et 3), les chemins de fer ont progressivement aménagé et développé diverses installations ferroviaires parmi lesquelles nous citerons :

  • pour la desserte des installations portuaires ou industrielles proprement dites :
    • Anvers Bassins et Entrepôts (Anvers BE) qui commande la zone portuaire située sur la rive droite, à l’exception des quais de l’Escaut et des installations pétrolières sud. Le secteur des bassins situés au nord de la ville comporte environ 360 points de desserte dont près de 80 raccordements industriels, le tout réparti en divisions et sections aux dénominations parfois exotiques (Far West, Alaska, Angola, etc.) ou régionales (Wilmarsdonk, Lillo et Oorderen) ;
    • Anvers Kiel, qui dessert les quais de l’Escaut et les installations pétrolières sud. Cette gare prend également en charge les installations ferroviaires de la rive gauche (7 raccordements industriels).
  • pour la formation des rames et la canalisation des trafics tant à destination du port et de certaines entreprises qu’au départ d’Anvers : la gare de formation d’Anvers Nord.

En pratique, Anvers BE, dont les bâtiments sont situés au sud-est de la zone des bassins, commande les divers mouvements mais les multiples rames proviennent d’Anvers Nord ou y sont expédiées, cette dernière gare assurant le triage et les relations avec l’hinterland. A signaler cependant que les transports massifs tels que minerais, charbons, produits pétroliers, autos, pièces détachées de véhicules, engrais et céréales, etc. se font assez généralement par trains complets qui peuvent quitter directement les installations de chargement ou de déchargement ou y arriver, sans être triés à la gare de formation. Des relais de traction y sont toutefois souvent nécessaires étant donné que peu d’installations terminales sont électrifiées.

 Anvers Nord

Origine

La gare trouve son origine lointaine dans les projets d’extension du port, au sortir de la guerre 1914-1918. En 1926, la toute jeune SNCB conçut et réalisa immédiatement l’idée d’équiper le port d’Anvers d’une grande gare de formation moderne, destinée à remplacer des installations dépassées, de capacité insuffisante et de plus, très disséminées.

La gare fut érigée dans le « Muysbroek polder », entre les communes rurales d’Oorderen, Stabroek, Hoevenen et Ekeren, où l’on disposait de la place voulue pour la construction d’une gare à la mesure d’un port mondial.

La gare comporte deux groupes de faisceaux : les faisceaux C, mis en service en 1929 et les faisceaux B, exploités à partir de 1939.

A noter qu’on ouvrit aussi en 1939 un atelier pour la réparation et l’entretien de wagons, situé au sud du faisceau B1.

Installations

Elles furent dès le début largement dimensionnées.

La gare s’étend en effet sur une superficie de 315 hectares, elle a une longueur de 5,5 km et sa largeur atteint près de 2 km. Elle compte quelque 130 km de voies auxquelles il faut ajouter une voie de circulation de plus de 10 km autour de la gare. Les deux groupes de faisceaux - un par sens de trafic - sont subdivisés en faisceaux de réception, de triage ou de formation et de garage, dont les voies atteignent très souvent 600 m et quelquefois 800 m. Chaque groupe de faisceaux possède une bosse de triage par gravité.

La manœuvre des aiguillages et des signaux est répartie entre 9 postes de block, tandis que la transmission des informations entre ces postes et le personnel dans les faisceaux est réalisée, selon le cas, par des haut-parleurs, des interphones ou des liaisons radios avec les postes de commande et les locomotives. La gare dispose bien entendu d’un ordinateur pour la gestion électronique du trafic marchandises.

Fonctionnement

Rôle

Le rôle d’Anvers Nord est double :

  • trier les wagons en provenance de l’hinterland suivant le quai ou la firme de destination et les acheminer ensuite en rames vers la section d’Anvers BE desservant ces quais et firmes ;
  • enlever des sections les wagons que celles-ci ont formés en rames après qu’ils aient été chargés ou déchargés dans le port ou les firmes. Les rames de wagons sont ensuite triées et ceux-ci sont expédiés vers leur destination en Belgique ou à l’étranger (tableau 4).

Faisceaux C

Ils reçoivent et trient les trains de l’hinterland vers le port. Le faisceau C1 comporte 16 voies équipées de caténaires. Il reçoit principalement les convois venant de l’hinterland, convois pour lesquels existe un horaire.

Les wagons passent ensuite à la bosse de triage située entre les faisceaux C1 et C2 pour être dirigés sur les voies de ce dernier faisceau qui correspondent à leur destination dans le port ou les entreprises. Le faisceau C2 comprend 40 voies. Dès qu’une de celles-ci est occupée par une file de wagons de longueur ou de tonnage suffisant, ceux-ci sont remorqués sous forme de rame vers la section de destination.

Ces rames n’ont pas d’horaire fixe mais bien une durée de parcours déterminée pour chaque point. Le choix ou la préférence dans l’expédition des diverses rames dépend notamment :

  • du fait qu’il s’agit d’envois spécialement réclamés ;
  • des possibilités de circulation dans l’enceinte du port (ouverture des ponts, par exemple) ;
  • de l’utilisation optimale des locomotives. Un agent dénommé « régulateur » a la responsabilité de ces engins de traction et contrôle leurs mouvements qui sont transcrits sur des graphiques. Ce même régulateur coordonne également leur travail dans toute la gare.
cheminot plaçant un patin de frein

Les rames acheminées vers les diverses sections contiennent les wagons destinés aux quais voisins. Chaque section doit donc, le cas échéant, trier les rames pour envoyer ensuite les wagons vers leur destination.

Quant au faisceau C3, il n’est actuellement plus en service.

Faisceaux B

Dans les faisceaux B sont traités les envois provenant du port ou des entreprises et destinés à l’hinterland.

Ces wagons sont acheminés en rames, tractées par les locomotives qui reviennent des sections où elles ont préalablement livré d’autres rames provenant, elles, du faisceau C2 (voir ci-dessus).

Les envois destinés aux faisceaux B sont reçus au faisceau B1, lequel compte 11 voies de réception, dont 5 sont électrifiées.

Les wagons sont ensuite transférés au faisceau de triage B2 par gravité (seconde bosse de triage). Ce faisceau comporte 37 voies, dont 6 électrifiées à la tête est du faisceau (côté départ).

Les voies du faisceau B2 sont spécialisées :

  • soit, pour les wagons chargés, selon leur destination ;
  • soit, pour les wagons vides, suivant leur catégorie ou les besoins tant à l’intérieur du pays que dans les autres sections du port ou encore, suivant les gares frontières s’il s’agit de wagons à renvoyer au réseau propriétaire.

Le faisceau B3, quant à lui, est composé de 10 voies, toutes électrifiées à la tête est (côté départ). Il sert essentiellement à l’attente au départ des trains vers leurs différentes destinations à l’intérieur du pays ou vers les gares frontières.

Moyens d’action

Actuellement, Anvers Nord occupe, à l’exploitation, près de 300 agents, répartis en 5 groupes : mouvement et surveillance : 44 ; factage : 58 ; signaleurs (9 postes) : 58 ; personnel de triage : 131 ; personnel administratif et d’entretien : 16. On ne peut cependant oublier qu’interviennent également :

  • les conducteurs de locomotives ;
  • les visiteurs de matériel ;
  • le personnel V pour l’entretien des voies et appareils de voie, des terrains, de la voirie et des bâtiments ;
  • le personnel ES chargé de la signalisation, des aiguillages et passages à niveau, de la force motrice, de l’éclairage et des télécommunications.

Enfin, on signalera encore que 160 agents sont occupés à l’atelier de réparation des wagons.

Tout ce personnel dispose de relations ferroviaires spéciales avec Anvers Central, étant donné qu’Anvers Nord est situé en dehors de toute zone urbanisée et à l’écart de la ligne 12.

Quant aux locomotives de manœuvre, les faisceaux C1 et B1 en ont chacun une en permanence, pour la pousse des wagons à la bosse, le faisceau C1 ayant une locomotive de pousse supplémentaire de 22 h à 6 h. Le faisceau C2 dispose quant à lui, d’une locomotive de 6 h à 14 h et de 22 h à 6 h pour la formation des rames tandis que le faisceau B2 dispose d’une locomotive en permanence et d’une supplémentaire de 18 h à 6 h. En outre, dix engins assurent normalement le mouvement des rames de la gare au port ou vers les firmes et vice-versa.

Ce nombre varie toutefois selon les fluctuations du trafic.

Les diverses locomotives utilisées à Anvers Nord appartiennent aux types 70, 71, 74, 75, 82 et 85, les types 82 et 74 étant couplables entre eux avec conduite par un seul agent. A noter également que la locomotive 8275 est un engin sans cabine accouplé en permanence à une autre locomotive du type 82.

Exploitation

La gare de formation d’Anvers Nord travaille en continu du lundi à 6 h jusqu’au samedi à 14 h. Toutefois, les trains de marchandises sont reçus depuis le dimanche à 22 h jusqu’au samedi à 22 h.

En fonction de l’équipement actuel des faisceaux, ceux-ci peuvent traiter journellement 2000 wagons au maximum.

Compte tenu de l’état du trafic, le nombre moyen auquel l’effectif du personnel est adapté oscille de 1200 à 1500 par faisceau. Ces valeurs correspondent à un trafic moyen de près de 60 trains au départ comme à l’arrivée et d’autant de rames à destination ou en provenance du port et des entreprises desservies. Le trafic des trains est le plus intense pendant la période de 22 h à 8 h tandis que, pour la plupart, les wagons sont mis à quai dans la matinée ou en début d’après-midi.

En ce qui concerne l’avenir de la gare de formation d’Anvers Nord, il apparaît nécessaire non seulement d’accroître sa capacité en vue de faire face à l’augmentation du nombre de destinations dans les nouvelles sections portuaires mais aussi de moderniser les installations de triage. Dans cette optique, l’amélioration de la sécurité et des conditions de travail revêt une importance primordiale. Nous espérons pouvoir aborder ces questions dans un numéro ultérieur.

1. Trafic maritime de quelques ports en 1980
Trafic sauf produits de soutage Trafic suivant la valeur de manutention [1]
en milliers de tonnes Anvers = 100 En milliers de tonnes Anvers = 100
Anvers 77 953 100 41 439 100
Rotterdam 272 969 350 79 166 191
Amsterdam 20 250 26 8 713 21
Dunkerque 41 115 53 14 794 36
Le Havre 77 428 99 18 409 44
Brème 26 961 35 19 061 46
Hambourg 62 451 80 28 711 69
2. Trafic ferroviaire marchandises d’Anvers et de la SNCB (en milliers de tonnes)
Trafic portuaire Trafic industriel Port + industriel Total SNCB Part du port
1980 20 529 2 842 23 371 70 950 32,9 %
1982 18 623 2 686 21 309 62 401 34,1 %
1983 18 217 2 839 21 056 63 305 33,3 %
3. Trafic ferroviaire portuaire par catégories (en milliers de tonnes)
Catégories Départ port Arrivée port Total  %
Produits agricoles et aliments 107,8 801,3 909,1 5
Combustibles solides 2 411,6 1,4 2 413 13
Minerais 6 934,8 - 6 934,8 38
Prod. métalliques 274,9 3 143,6 3 418,5 18
Matériaux de construction 2 168,1 170,1 0,9
Produits des carrières 45 69,3 114,3 0,6
Textiles 3,2 1,1 4,3 -
Prod. chimiques 109,5 610,4 719,9 3,9
Huiles minérales en transbordement direct 885,8 20,2 906 5
Divers (conteneurs compris) 1 301,2 1334,9 2 636,1 14,5
TOTAL 12 076,1 6 150,3 18 226,4
4. Répartition géographique du trafic ferroviaire à destination ou en provenance du port d’Anvers en 1983 (trafic purement portuaire - en milliers de tonnes)
Pays Départ vers Arrivée de Total  %
Belgique 8 518,9 1 995,1 10 514 57,7
Pays-Bas 726,8 247,7 974,5 5,4
Allemagne fédérale 171,5 273,9 445,4 2,4
Grand-Duché de Luxembourg 992 495,6 1 487,6 8,2
France 507,5 2 446,3 2 953,8 16,2
Italie 100,4 154,1 254,5 1,4
Suisse 983,8 440 1 423,8 7,8
Autriche 48,5 33,7 82,2 0,5
Tchécoslovaquie 0,9 3,6 4,5 -
Hongrie 3,4 2,2 5,6 -
Autres pays 22,1 57,9 80 0,4
TOTAL 12 076,1 6 150,3 18 226,4

Source : Le Rail, mai 1984


[1Le transbordement de certains produits requérant davantage de main d’œuvre que d’autres, les coefficients suivants ont été appliqués : pétrole : 1/12 ; vrac sec : 1/3 ; marchandises diverses : 1/1.