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Le dixième anniversaire d’Eurofima

R. Joosen, secrétaire du C.A. d’Eurofima.

mercredi 10 avril 2013, par rixke

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La signature du Traité de Rome, le 25 mars 1957, a marqué le début d’une nouvelle époque, celle de l’unification économique, sociale et financière de la petite Europe. En son article 3, le traité prévoit l’instauration d’une politique commune dans plusieurs domaines, notamment dans celui des transports.

Les chemins de fer européens n’avaient cependant pas attendu la constitution de la Communauté par les six pays pour unir leurs efforts en vue d’une intégration poussée tant dans les secteurs de l’exploitation que sur le plan technique. C’est ainsi que les réseaux ont recherché constamment une meilleure adaptation du matériel à utiliser en commun : les locomotives et automotrices électriques multicourant en constituent un exemple frappant.

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Dans ce même esprit d’intégration européenne, l’U.I.C. avait mis à l’étude, à l’initiative de M. Armand, dans les années 1950-1952, les possibilités d’un mode de financement international pour des achats de matériel roulant.

Après l’examen de plusieurs projets, il fut convenu de retenir la formule de l’ « equipment trust » appliquée aux Etats-Unis d’Amérique en faveur des chemins de fer. En vertu de cette formule, le réseau passant une commande de matériel acquitte une part - généralement de 15 à 20 % - du prix convenu et s’adresse, pour le financement du solde, à un organisme spécialisé, le « trustée ». Ce dernier devient propriétaire du matériel qu’il finance et le met, pendant une période déterminée, dans la plupart des cas une quinzaine d’années, à la disposition du réseau, moyennant le paiement d’annuités, comportant l’amortissement du capital et les intérêts. Le réseau prend l’engagement d’entretenir et de réparer le matériel, de le remplacer en cas de destruction. A l’expiration du délai, il en devient propriétaire.

Les chemins de fer décidèrent de créer une société européenne de financement de matériel roulant qui jouerait le rôle de « trustée » et sollicitèrent à cet effet l’appui de la Conférence européenne des Ministres des Transports. En octobre 1955, cette Conférence approuva une convention internationale prévoyant de larges garanties gouvernementales qui devaient permettre à la nouvelle société de recourir, avec un maximum de chances de succès, au marché des capitaux.

La fondation de la Société européenne pour le Financement de Matériel ferroviaire « Eurofima », œuvre à laquelle participèrent quatorze réseaux, eut lieu à Bâle, le 20 novembre 1956. Sa durée fut fixée à cinquante ans.

Actuellement, son capital s’élève à 100 millions de francs suisses ; il est réparti en 10.000 actions souscrites par 16 réseaux, dont 1.100 sont détenues par la S.N.C.B.

Les statuts prévoient qu’Eurofima a pour objet de procurer, aux meilleures conditions possibles, aux administrations ou organismes ferroviaires, des matériels de type unifié ou à performances unifiées. A cette fin, elle recherche les concours financiers nécessaires, en dehors de ses capitaux propres, sous forme d’emprunts. La société investit les fonds qu’elle se procure ainsi, dans du matériel roulant, en fonction des besoins indiqués par les réseaux. Propriétaire du matériel, elle loue celui-ci aux administrations ou organisations ferroviaires, généralement moyennant la conclusion de contrats, dits de location-vente, dont la durée correspond en principe à celle de l’emprunt.

Le montant du loyer annuel comporte une part principale, permettant à Eurofima de couvrir les charges des ressources de financement, et une part complémentaire, destinée à participer aux frais de fonctionnement de la société, à la rémunération de son capital et à la constitution de réserves. Cette part complémentaire, fixée à l’origine à 1/2 %, fut ramenée, dès 1960, grâce notamment à ses faibles frais généraux, à 1/4 % et même limitée, dans certains cas, à 1/8 %.

Les administrations ferroviaires peuvent se procurer ainsi du nouveau matériel roulant sans devoir consentir, à l’origine, des décaissements considérables.

A l’occasion du dixième anniversaire de sa fondation, qu’Eurofima a célébré le 22 novembre, l’on doit se demander si elle a atteint ses premiers objectifs, si réellement elle a répondu jusqu’à présent aux espoirs qu’avaient mis en elle ses promoteurs.

Dans une plaquette qu’elle vient de publier, son président, M. De Vos, répond par l’affirmative : le développement continu de ses opérations financières et l’accroissement régulier de son chiffre d’affaires démontrent le succès de ses entreprises.

Eurofima est intervenue, en effet, dans le financement de matériel pour un montant de plus de 11 milliards de francs belges. Il s’agit aussi bien de wagons, de voitures et de rames automotrices que de locomotives diesel et électriques. Les locomotives diesel représentent, en capital, le poste de matériel de loin le plus important, ce qui s’explique par le fait que tous les réseaux s’attachent à remplacer, le plus tôt possible, les locomotives à vapeur par des moyens de traction modernes, dont les frais d’exploitation sont sensiblement moindres.

Les financements en faveur de la S.N.C.B. ont porté sur les engins suivants :

  • 87 locomotives diesel, dont 30 de grande puissance ;
  • 8 locomotives électriques quadricourant de 3.800 ch ;
  • 2 locomotives électriques de 2.860 ch et 2 automotrices ;
  • 16 voitures à voyageurs ;
  • 860 wagons-tombereaux, dont 150 à toiture enroulable ;
  • 100 wagons réfrigérants ;
  • 396 wagons plats.

Les contrats sont de durée variable ; ceux qui ont été financés grâce aux emprunts à long terme lancés par Eurofima ont en moyenne une durée de 17 à 20 ans. Jusqu’en 1963, le taux d’intérêt nominal de ces emprunts était de 4,50-4,75 %, taux sensiblement inférieur à ceux qui furent pratiqués aux mêmes époques dans notre pays.

Depuis lors, le coût de l’argent a régulièrement augmenté, mais Eurofima a néanmoins toujours obtenu des taux très raisonnables.

Ces conditions favorables s’expliquent, en grande partie, par les multiples garanties qu’elle peut offrir aux prêteurs en vertu des actes constitutifs :

  • la garantie réelle que constitue pour chaque opération le matériel financé, propriété de la société ;
  • le capital et les réserves, atteignant actuellement environ 105 millions de francs suisses ;
  • la garantie particulière de bonne exécution des contrats de financement donnée par les actionnaires, au prorata de leur part dans le capital social ;
  • la garantie attachée, par les Etats des administrations actionnaires intéressées, à tous les engagements contractés par elles envers Eurofima.

Il faut reconnaître que, jusqu’à présent, la société n’a pu se procurer des fonds, soit par la conclusion d’emprunts publics ou privés, soit par l’obtention de crédits bancaires, que dans cinq pays : tout d’abord, et pour une très large part, en Suisse, ensuite en Hollande, en Allemagne, aux Etats-Unis d’Amérique et en Autriche.

Il est à prévoir qu’au fur et à mesure que les barrières entravant actuellement l’émission d’emprunts dans d’autres pays pourront être levées, Eurofima pourra étendre son champ d’activité et aider dans une mesure plus appréciable encore les administrations ferroviaires à poursuivre le remplacement de leur matériel vétusté ou démodé par des unités modernes, condition indispensable pour assurer l’avenir du rail.


Source : Le Rail, décembre 1966